1966 - Michel Jazy lors du Cross de Rablay sur Layon avec le maillot du CA Montreuil.

Loïc Giowachini : « C’était un grand champion, abordable, toujours partant pour discuter et avec beaucoup d’humour. »

Lepape-info : Loïc, en ce terrible moment que retenez-vous de Michel Jazy ?  

Loïc Giowachini C’est le CA Montreuil et le CA Montreuil c’est Michel Jazy, on ne peut pas séparer les deux. Le CA Montreuil c’est Michel qui l’a fait connaître, il est arrivé en 1953 et jusqu’à ce matin il était notre président d’honneur. Avant d’être un champion c’était un homme, un grand cœur. Il a eu l’occasion de faire des compétitions au niveau international, à chaque fois il disait aux organisateurs si vous voulez que je vienne, ce sera avec une équipe du CA Montreuil.

Il y a des athlètes qui n’auraient jamais été invités s’il n’y avait pas eu Michel. C’était un grand homme, un grand champion comme il n’y en a peut-être plus autant maintenant.

Lepape-info : Michel Jazy a porté haut et fort l’athlétisme à une époque qui n’a plus rien à voir avec maintenant  

L.G Il n’y avait qu’une chaîne de télévision l’ORTF ou sinon il y avait le poste de radio pour les gens. Il y avait moins de sollicitations qu’aujourd’hui, à son époque c’était Anquetil, Jazy, c’était monstrueux.

Loïc Giowachini : « Il a eu un parcours sportif magnifique mais aussi une évolution professionnelle pas mal non plus. Il a un parcours fabuleux, il a commencé à travailler très jeune comme groom, en bas de l’échelle et il a fini comme administrateur au Parc des Princes en passant par des postes chez Perrier, Adidas… »

Lepape-info : Vous vous souvenez de votre première rencontre avec Michel Jazy ?  

L.G Oui à l’INSEP j’avais mon casier juste à côté du sien, j’avais mon « petit nom » à côté de celui de Michel Jazy et d’Alain Mimoun je n’ai pas fait le poids (rire). Ensuite je l’ai connu au sein du CA Montreuil, c’est lui qui a accueilli mon épouse en France et qui lui a fait obtenir sa nationalité Française. Il aimait bien me rappeler en me taquinant : N’oublie pas, j’ai connu ta femme avant toi !… c’était Michel. Il était quelqu’un d’abordable, on faisait une assemblée générale, il était à l’écoute des jeunes, des moins jeunes. Ce fut une grande chance de l’avoir côtoyé et de l’avoir eu parmi nous.

Lepape-info : Quelles étaient ses plus grandes qualités ?  

L.G L’humain et il était très attaché au CA Montreuil. Il a connu notre président fondateur Jean Delbert qui était un peu son père spirituel, le papa qu’il n’a malheureusement pas eu la chance de côtoyer. Ensuite Roger Delbert (le fils de Jean) a pris la succession de son père et quand il a du lâcher à son tour la présidence pour des raisons de santé, le nouveau président n’était pas de la famille Delbert. Michel Jazy m’avait invité à déjeuner pour savoir ce que je pensais de l’avenir du CA Montreuil et qui allait prendre la main dessus. Comme je l’ai dit c’était un grand champion, abordable, toujours partant pour discuter et avec beaucoup d’humour, un peu chambreur d’ailleurs. La relation humaine était très importante pour lui. Il a eu un parcours sportif magnifique mais aussi une évolution professionnelle pas mal non plus. Il a un parcours fabuleux, il a commencé à travailler très jeune comme groom, en bas de l’échelle et il a fini comme administrateur au Parc des Princes en passant par des postes chez Perrier, Adidas.

Lepape-info : Quel est son exploit qui vous a le plus marqué, que vous retenez par dessus tout ?  

L.G Je suis né en 1969 donc je n’ai pas vécu en direct ses exploits. Mais je me souviens dans nos discussions du souvenir qu’il avait des Jeux olympiques de Rome où il n’était pas devenu champion olympique car 2e du 1 500 m. Il m’avait dit après ma médaille la France pleurait, je ne pouvais pas rentrer c’était incroyable comment imaginer une telle scène. On a du mal à imaginer qu’un sportif médaillé ne puisse pas rentrer parce que son pays pleure.

1965 – Emission la tête et les jambes – Jean Delbert (président CA Montreuil), Michel Jazy, Daniel Thellier et Joseph Malejac (entraîneur de Michel Jazy)

Loïc Giowachini : « À l’époque on était focalisé sur l’esthétique, pour courir il fallait être beau, avoir la belle foulée. Selon les époques on disait être beau comme Michel Jazy ou beau comme Sebastian Coe… dans le demi-fond la beauté du geste c’était Jazy et Coe. »

Lepape-info : Il a inspiré bon nombre d’athlètes, c’est également un modèle pour les jeunes du CA Montreuil  

L.G On a fêté les 80 ans du club en novembre dernier. Michel Jazy a marqué de son empreinte l’histoire du club, Roger Bambuck a également porté haut et fort les couleurs du CA Montreuil. À l’entrée du club, nous avons sa dernière paire de pointes et son dernier maillot placés en hauteur au même niveau que le logo du CA Montreuil pour qu’on lève la tête quand on les regarde avec ses records du monde, d’Europe et de France. Quand les jeunes arrivent au club, ils voient cela en entrant. Michel Jazy a toujours couru avec le maillot du CA Montreuil sauf quand il était en équipe de France. Il a toujours été très attaché au maillot, pour l’anecdote sa mère avait teinté en jaune son premier maillot.

Lepape-info : C’était un modèle pour vous en tant qu’athlète  

L.G Quand on a fait du demi-fond comme moi c’était le modèle. À l’époque on était focalisé sur l’esthétique, pour courir il fallait être beau, avoir la belle foulée. Selon les époques on disait être beau comme Michel Jazy ou beau comme Sebastian Coe… dans le demi-fond la beauté du geste c’était Jazy et Coe… les temps ont changé maintenant même si l’on n’est pas très élégant, il faut être surtout efficace.

Lepape-info : Michel Jazy a incarné une époque de l’athlétisme qui vous rend nostalgique ?  

L.G Les années 60 c’étaient les années fastes de l’athlétisme en France avec les matches internationaux entre nations. Les gens pouvaient s’identifier à leur pays maintenant on assite à des courses avec des équipementiers. Les stades étaient remplis pour les matches de l’équipe de France contre le reste du monde, c’était une autre époque, une belle époque. On a remplacé les matches par des meetings, cela n’a pas la même connotation, les gens viennent voir mais je pense qu’ils ont plus de mal à s’identifier. Au CA Montreuil dans les années 60 on a eu la chance d’avoir 2 personnages : Michel Jazy puis ensuite Roger Bambuck.

Loïc Giowachini : « Quand j’ai lancé le meeting international de Montreuil en 2009, il m’a traité de « petit con » avec beaucoup de gentillesse en me rappelant qu’à son époque il avait couru dans le stade qui était complet avec des entrées payantes avec une diffusion en direct sur l’ORTF, la seule chaîne de télévision alors que maintenant je galérais pour trouver un diffuseur, que le stade n’était pas plein avec des entrées gratuites. »

Lepape-info : Michel Jazy a vu évoluer l’athlétisme, il vous donnait son avis à ce sujet ?  

L.G Très fréquemment, il ne comprenait pas pourquoi les athlètes ne portaient pas tout le temps le maillot du club, il trouvait cela scandaleux. Lorsque Roger Bambuck bat le record du monde du 100 m en 1968 à Saramento lors des championnats des Etats-Unis, il ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas couru avec le maillot du club. Il savait que l’athlétisme était devenu un sport professionnel et que les équipementiers faisaient vivre les athlètes mais il avait du mal à l’accepter. Très récemment, il était déçu des derniers mondiaux de Budapest l’été dernier parce qu’on avait pas parlé de lui et de Roger Bambuck qui aux Europe de 1966 à Budapest avaient ramené 5 médailles à eux deux, il pensait qu’on l’oubliait, il espérait avoir un siège pour assister aux Jeux olympiques de Paris mais on avait pas plus échanger que cela au sujet des Jeux.

Lepape-info : Michel Jazy a marqué son époque à tout jamais 

L.G Sans lui je ne suis pas sûr que le CA Montreuil serait encore là aujourd’hui. Je me rappelle quand j’ai lancé le meeting international de Montreuil en 2009, il m’a traité de « petit con » avec beaucoup de gentillesse en me rappelant qu’à son époque il avait couru dans le stade qui était complet avec des entrées payantes avec une diffusion en direct sur l’ORTF, la seule chaîne de télévision alors que maintenant je galérais pour trouver un diffuseur, que le stade n’était pas plein avec des entrées gratuites. C’était vraiment quelqu’un de très attachant, une anecdote raconte que pour sa dernière course, le Général de Gaulle président de la République à l’époque avait quitté le siège de l’ONU pour voir Michel Jazy courir. C’est Michel Jazy qui a fait rentrer le sport dans le journal d’actualité à l’époque, ses courses étaient retransmises en direct, cela montre le personnage qu’il était.