La porte Dauphine n’est pas si loin que ça de la délivrance. On l’a en ligne de mire depuis la ligne d’arrivée, avenue Foch. Mais quand on a 42 kilomètres dans les jambes, 200 mètres peuvent parfois sembler bien longs. Ce dimanche 6 avril 2014, lorsque le chrono a basculé au-delà des 2 heures de course, tout le monde n’a eu de cesse de le scruter. On savait déjà depuis plusieurs kilomètres que Kenenisa Bekele passerait le premier sous l’arche. On savait aussi qu’il ne battrait pas le record du monde (2h03mn23s par Wilson Kipsang). Mais on se doutait qu’il allait faire tomber celui de l’épreuve. Longtemps sur les bases de 2h04mn30s, l’Ethiopien s’est accroché jusqu’au bout, porté par les spectateurs massés sur les côtés et honoré dans ses dernières foulées par une pluie de confettis. 2h05mn03s. Neuf secondes de moins que le Kényan Stanley Biwott en 2012.
Après avoir brillé sur la piste où il a notamment remporté trois titres olympiques (deux sur 10 000 m et un sur 5 000 m), Kenenisa Bekele a donc prouvé qu’il pouvait faire du bitume son nouveau terrain de jeu. A ceux qui doutaient de cette « reconversion », il a répondu en patron. Passé en 29mn35s au 10ème kilomètre, en 1h02mn09s au semi, il a décidé de prendre ses responsabilités au 27ème. Dès lors, seul son compatriote Tamirat Tolat a réussi à lui emboiter le pas. Pas pour longtemps. Après le Trocadéro (30ème km), Bekele était seul en tête, déroulant une foulée impressionnante. On l’a ensuite vu se toucher la cuisse gauche. « J’ai eu des crampes. Alors j’ai ralenti un peu l’allure pour relâcher un peu mes muscles. A ce moment là, je ne pensais pas au chrono, mais à finir la course ». Au final, il lui manque quelques secondes pour passer sous la barre des 2h05, mais l’Ethiopien n’a cessé de le répéter : « It’s ok ! » (voir son interview). Ses 2h05mn03s pour une première le placent dans le top 30 des meilleurs performers de tous les temps sur la distance, et surtout, lui donnent envie de voir plus loin. « Oui, je referai un marathon. Et je suis sûr que je courrai plus vite ! ».
L’agitation autour du phénomène éthiopien a forcément quelque peu éclipsé les performances des autres concurrents. A commencer par celle de la première féminine, la Kényane Flomena Cheyech qui a pourtant dominé son sujet de la tête et des épaules, terminant en 2h22mn41s avec près de quatre minutes d’avance sur sa dauphine éthiopienne Yebrgual Melese.
Les premiers Français n’ont pas vraiment eu davantage droit aux grands honneurs. Il faut dire qu’Ahmed Ezzobayry lui-même ne cachait pas sa déception face à ses 2h15mn34s largement en deçà de ses espérances. « J’étais venu pour faire 2h11 ou 2h12. Mais les conditions n’étaient pas réunies aujourd’hui. Notamment les lièvres, qui ne sont pas partis sur ces bases. C’est dommage. J’ai des regrets d’avoir gâché toute ma préparation. Oui, je suis premier Français, mais il ne faut pas se focaliser là-dessus. Ce qui compte, c’est le chrono. J’aurais préféré terminer quatrième Français en 2h11… ».
L’humeur était toutefois un peu plus souriante du côté de Martha Komu, sixième au scratch en 2h36mn31s. « J’avais terminé troisième des derniers championnats de France à Toulouse en 2h45mn37s (voir les résultats). Je fais donc neuf minutes de moins, je suis contente. Même si j’aurais aimé faire encore mieux… Mais j’ai eu mal aux pieds dès le 5ème kilomètre. J’étais gênée au niveau de mes chaussures. Jusqu’au 25ème kilomètre, ça a été vraiment difficile, mais je suis quand même partie toute seule. Et je me suis accrochée pour finir ».
Passer la ligne d’arrivée, c’est aussi ce qui a obsédé Laurane Picoche lors d’une deuxième partie de course cauchemardesque. « On me dira peut-être que je suis partie trop vite. Mais j’étais vraiment bien au passage au semi (1h13mn41s). Je n’avais pas l’impression de forcer pour être à cette allure. Et puis, au 25ème kilomètre, j’ai commencé à avoir des crampes sous les doigts de pieds. J’ai lâché le groupe dans lequel j’étais. Et à partir de là… c’est la guerre ! », racontait celle qui faisait ses débuts sur la distance. Très marquée à son arrivée (2h39mn20s), elle n’en a toutefois pas perdu son sourire. « Je m’en fous ! Je suis marathonienne ! », lâchait-elle dans un grand éclat de rire. « Mais j’ai eu des douleurs complètement inconnues jusque là. C’est un vrai combat contre soi-même. J’ai failli marcher à plusieurs reprises, mais je me suis accrochée. Je voulais absolument finir, je m’étais préparée pour ça ». Et à l’image de l’autre novice du jour (Bekele), elle envisageait une autre tentative. « Oui ! Mais pas maintenant ! Demain, peut-être… ». Un bilan personnel qui devrait faire écho à de nombreux autres concurrents… de tout niveau… Puisque sur 50 000 inscrits, plus de 18 000 personnes avaient prévu de vivre leur première expérience marathon…
Les résultats
Hommes
1. Kenenisa Bekele (ETH),vainqueur en 2h05mn03s, nouveau record de l’épreuve
2. Limenih Getachew (ETH), 2h06mn48s
3. Luka Kanda (KEN), 2h07mn59s
4. Robert Kwambai (KEN), 2h08mn46s
5. Jackson Limon (KEN), 2h09mn03s
6. Gideon Kipketer (KEN), 2h10mn34s
7. Mike Kigen (KEN), 2h10mn57s
8. Ketema Behailu (ETH), 2h13mn23s
9. Mark Kiptoo (KEN), 2h13mn57s
10. Ahmed Ezzobayry (FRA), 2h15mn34s
11. Simon Munyutu (FRA), 2h18mn43s
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Femmes
1. Flomena Cheyech (KEN), vainqueur en 2h22mn41s
2. Yebrgual Melese (ETH), 2h26mn18s
3. Ahmed Zemzem (ETH), 2h29mn34s
4. Faith Chemaoi (KEN), 2h31mn57s
5. Gebisse Godana Derbe (ETH), 2h36mn24s
6. Martha Komu (FRA), 2h36mn31s
7. Aheza Kiros (ETH), 2h38mn10s
8. Laurane Picoche (FRA), 2h39mn20s
9. Yuila Arkhipova (KIR), 2h40mn18s
10. Kim Dillen (PB), 2h41mn29s
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Handisport
1. Marcel Hug (SUI), vainqueur en 1h29mn27s
2. Heinz Frei (SUI) 1h30mn51s
3. Denis Lemeunier (FRA) 1h30mn56s
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Quelques photos du marathon de Paris 2014