Le pari était osé pour le Grand Raid de Camargue : une grande traversée sur 110 km de la Camargue, entre Salin de Giraud et Vauvert. Un challenge car la Camargue est un milieu préservé, essentiellement fermé, nécessitant un travail colossal pour donner vie à cette épreuve, en accord avec tous les acteurs du milieu, manadiers, propriétaires des domaines viticoles, communes, entreprises salines…Mais le jeu en valait la chandelle car, en ce samedi 12 septembre 2015, ce sont 287 coureurs, solos et relayeurs, qui ont répondu présents.
C’est à Salin de Giraud, située sur la commune d’Arles, que runners et trailers venus des quatre coins de France se sont réunis pour un dernier café avant le départ. La présence des deux malgaches Denis Ratefinjanahary et Valérine Solovavy, gagnants de l’UTOP 2015, venus goûter en relais les charmes du territoire camarguais, apporte une touche cosmopolite à l’évènement. «Vous êtes des pionniers ! Vous allez rentrer dans l’histoire !» harangue le sémillant Ludovic Collet face à l’assemblée surmotivée et impatiente réunie dans le sas de départ.
Ca y est les coureurs sont lâchés dans les rues de Salin de Giraud pour, très vite, s’engager sur les sentiers les introduisant dans un monde fait d’écumes, de sel, de vent et d’eau, thème du premier tronçon de la course nommé Traversel (49 km). C’est sur cet ancien domaine salinier, entre sentiers à la végétation basse typique où poussent salicorne et saladelle, canaux du Vieux Rhône et étangs sertis dans de longues digues, que les coureurs vont goûter au fabuleux lever de soleil. Sous l’œil vigilant d’un public composé de flamands roses, hérons, sternes, cormorans et aigrettes, le tracé serpente entre bord de mer et succession d’étangs, le fameux phare de Faraman en toile de fond. Petit à petit, les coureurs quittent le domaine de Salin de Giraud pour atteindre l’immense plage de Beauduc, spot bien connu des amateurs de sports de voiles.
Gare au vent !
Ici, seulement 30km sont abattus et pour certains l’épuisement commence déjà à s’installer. La faute au vent ! Omniprésent, en particulier sur les plages, sa force brutale et sans concession est un adversaire de taille. Ceux qui pensaient que plat rimait avec facilité sont bien vite détrompés car les conditions de course, inhérentes au milieu camarguais, vent, air marin, sable, soleil, couplées à la difficulté du terrain, rendent l’épreuve exigeante, parfois même épuisante. « Jamais je n’aurais pensé que ce serait aussi difficile de courir sur du plat ! » avoue un coureur dans le secteur des étangs, au phare de la Gachole, 10km avant le check point des Saintes-Maries-de-la-Mer (km49), passage de relais pour les équipes de trois. La rupture brutale marquée par l’entrée en ville, passant du silence des grands espaces au bruissement estival citadin, signe la fin de Traversel.
Passage du Bac !
Peu après la sortie de la ville, c’est un passage original qui s’annonce : la traversée du Petit Rhône via le Bac de Sauvage. Tour à tour, les coureurs empruntent la nacelle flottante pour un voyage flash éclair! Un des endroits les plus sauvages du tracé se présente bientôt, la sublime plage du Grand Radeau, 5km d’air marin pur que les concurrents abordent par un bain improvisé et sous un vent violent. Puis, les étangs succèdent à la mer, marquant l’entrée dans l’univers qui a inspiré son nom à Traverstel, le domaine viticole de Listel. Longeant des vignes qui s’étendent à perte de vue, les coureurs atteignent une dizaine de kilomètres plus loin le ravito très attendu qui se tient au Domaine de Jarras-Listel. Cap ensuite vers les Salins du Midi que les participants vont traverser, côtoyant les immenses montages de sel pour arriver au pied des impressionnants remparts de la citadelle d’Aigues-Mortes, enchâssée dans l’eau rose des tables salantes. Lieu de passage au relais 3, un ravito animé se tient, à l’abri au cœur des remparts.
Délaissant Traverstel, c’est désormais l’ultime tronçon nommé Traverter et ses 18km au cœur de la Petite Camargue Gardoise qui mèneront les concurrents vers la victoire. Direction la Tour Carbonnière et ses marais avant d’emprunter les petits sentiers bucoliques longeant le canal de Vistre. Pour les solos, les derniers kilomètres jusqu’au centre des arènes de Vauvert se feront souvent dans la douleur, tant les corps sont éprouvés.
Ils l’ont fait !
12 équipes en ont terminé lorsque le premier solo, Franck Dessaux, est annoncé. Au terme de 4 ultimes kilomètres éprouvants pour lui, après 10h46min37s de course, le montpelliérain rentre dans l’arène, heureux mais fourbu, savourant enfin sa victoire sur un tracé qu’il a jugé difficile par sa longueur et les conditions de course éprouvantes, en particulier le vent. 18 minutes plus tard, son dauphin, Philippe Salze, en termine, fatigué lui aussi mais satisfait alors que Quentin Allard s’empare de la troisième place (11h18mn12s).
Côté féminin, Myriam Camus l’emporte (7ème place au scratch) devant Nadia Ferreira et Karine Groul Darancy qui devient la première manadière à traverser la Camargue…..en courant !
Le mot de la fin sera pour Laurent Grenier, l’organisateur de ce Grand Raid de la Camargue : «c’est une réelle satisfaction d’avoir pu mener à son terme cette première édition. Nous sommes déçus pour les coureurs arrêtés aux barrières horaires d’Aigues-Mortes mais l’alerte orange nous a obligé à les faire strictement respecter malgré notre désir de les rendre plus flexibles si le temps s’y était prêté…La sécurité des engagés est notre priorité. Nous ressentons beaucoup de fierté et d’émerveillement devant leur exploit sportif et avons le désir de remettre ça, car l’engouement pour l’événement a été au-delà de nos espérances.»