L’histoire ne dit pas si, plus tard, Enzo se souviendra des débuts de larmes de son père au premier étage de la Tour Eiffel. Mais ce qui est sûr, c’est que son père, lui, a écrit une nouvelle page de son histoire dans le monde du trail.
Enzo, 17 mois, est le fils d’Erik Clavery. Déjà champion du monde de trail en 2011, puis vainqueur de la SaintéLyon, son champion de papa vient donc de remporter le 80 kilomètres de l’Eco-Trail de Paris. A l’arrivée, il n’a pas caché son émotion en serrant sa petite famille dans ses bras. « C’est super. L’an dernier (il avait terminé 3ème, ndlr), il y avait un peu d’amertume, parce que mes proches avaient dû rester en bas. Là, c’est fabuleux de pouvoir partager ça avec eux, surtout vu tous les sacrifices qu’ils font toute l’année », confiait le champion après 5h45 de course.
Quelques heures plus tôt, Enzo avait déjà vu son papa passer, seul en tête, au premier ravitaillement, à Buc (22ème kilomètre). Il faut dire qu’Erik Clavery a rapidement pris les choses en main dans cette course. Lui qui sautillait sur la ligne de départ sur la base de loisirs de Saint-Quentin-en-Yvelines s’est échappé dès le 10ème kilomètre. « On était environ à 15,5 km/h, j’ai maintenu mon allure, j’étais bien alors j’en ai profité. J’ai pris le risque. Au premier ravitaillement, j’ai vu que l’écart grandissait. On est toujours resté, en moyenne, à 5-6 minutes d’écart. J’ai essayé de temporiser, pour me préserver pour l’arrivée et pouvoir faire face à un éventuel retour ».
Mais de retour il n’y a pas eu, Erik Clavery était trop fort. D’autant que les derniers kilomètres, roulants, étaient plutôt à son avantage. « Je n’ai pas arrêté de regarder la Tour Eiffel », souriait le vainqueur. Et d’ajouter, dans un sourire encore plus large : « Mon objectif, c’était de faire moins de 6 heures… C’est fait ! Je suis vraiment content ».
Content, aussi, de retrouver son coéquipier du Team Asics, Emmanuel Gault, sur la deuxième marche du podium. Place que « Manu » a déjà occupée en 2011 et 2010, après sa victoire en 2009. Derrière, Fabien Antolinos, vainqueur l’an dernier, a pris une belle troisième place.
Belle lutte chez les femmes
Chez les filles, le podium a été bouleversé après Chaville. Partie, comme elle l’affectionne, très rapidement, Nathalie Mauclair a longtemps été seule en tête. Et puis, celle qui a remporté le Gruissan Phoebus Trail en février, a dû lutter avec une sensation de « jambes lourdes. Ca a commencé au 40ème kilomètre. C’est quelque chose dont je n’ai pas l’habitude. C’est peut-être une conséquence de la chaleur. Du coup, c’est devenu plus difficile ». Et puis, il y a eu ce fameux ravitaillement. Après avoir laissé par erreur sa balise GPS à son mari, Nathalie Mauclair, consciencieuse, a fait demi-tour. C’est alors que Fiona Porte en a profité pour revenir sur elle… puis la dépasser. « Je ne regrette rien, ce n’est que du sport. Et Fiona n’était déjà pas loin derrière ».
Gênée dans sa préparation par une tendinite achilléenne, la jeune Fiona a elle lutté avec des douleurs musculaires dès le 20ème kilomètre. « C’était vraiment dur, j’avais très mal aux jambes. Mais Thierry (Breuil, son coéquipier du Team Adidas qui a lui abandonné) a su trouver les mots pour me pousser à continuer ». Epuisée à son arrivée, elle racontait : « Quand je montais les marches de la Tour Eiffel, je n’arrêtais pas de demander aux gens : « C’est bientôt fini ? ». Là, je suis heureuse, fatiguée, mais je ne sais pas si je vais arriver à dormir cette nuit ! »
Pendant ce temps-là, d’autres ne se posaient pas ce genre de questions. Après avoir dû compenser avec une météo exceptionnellement chaude pour un 24 mars, des centaines d’anonymes se retrouvaient seuls face à la nuit. Place à un autre défi : continuer d’avaler les kilomètres, en luttant contre les barrières horaires. Objectif : avoir, eux aussi, la chance de monter, au milieu des touristes, les 357 marches menant au premier étage de la Tour Eiffel. Amateurs ou confirmés, tous les traileurs s’accordent sur ce point : cette arrivée a quelque chose de magique. Et il y a fort à parier qu’Enzo ne sera pas le seul petit garçon à en entendre parler…
Quelques réactions
Emmanuel Gault, deuxième en 5h53mn37s : « Je sens que je manque de foncier. Je suis content pour Erik. Comme on est de la même équipe, je l’ai laissé partir, c’est normal. Quand les autres ont commencé à réagir derrière, j’ai essayé de boucher les trous, pour jouer le jeu de l’équipe. J’étais avec Thierry Breuil jusqu’au 48ème kilomètre, et puis ensuite je suis parti devant. Les vingt derniers kilomètres ont été très durs. Je suis un peu déçu de finir deuxième, c’est sûr. Mais en même temps, il faut relativiser, parce qu’il y a deux semaines, je ne pensais même pas pouvoir prendre le départ (il a fait une chute lors d’un stage aux Canaries, ndlr). Au final, je suis content, je sens que j’ai passé un cap ».
Fabien Antolinos, troisième en 6h04mn31s : « La chaleur m’a posé problèmes. Ce sont les premières chaleurs, on n’est pas encore habitué. J’ai eu des problèmes d’hydratation. J’ai perdu mon ravitaillement au 30ème kilomètre. Du coup, ça a été super dur, j’ai dû ralentir, j’ai été victime de crampes : quand on se déshydrate, il n’y a pas de mystères… Ce soir, je suis quand même content de ma troisième place. »
Thomas Saint-Girons, 4ème en 6h14mn07s : « Je suis très content ! Je n’ai pas souffert du tout de la chaleur. Je n’ai jamais eu chaud, jamais eu froid. Pour moi, c’est une course pleine. Mentalement, c’est vrai que ça a été un peu dur par moment. C’est une course spécifique, sans aucun moment de répit. C’est super de voir trois membres du Team Asics dans les quatre premiers ! Quand on m’a dit qu’Erik et Manu étaient premier et deuxième, j’ai essayé de revenir. Mais c’était trop dur, Fabien (Antolinos, ndlr) était trop loin. Je reviens sur des distances moins longues. Je ne savais pas ce que allait donner, je n’étais pas sûr d’être performant. Mais a priori, c’est pas mal ! (sourire) »
Virginie Govignon, 3ème féminine en 7h07mn17s : « J’ai bien géré ma course. Je suis partie assez vite. Ça a été un peu difficile entre le 60ème et le 65ème kilomètres, et puis c’est revenu. Dans ces moments-là, on tient au mental ! Je sens que j’ai progressé, je suis contente. Mais j’ai mal aux jambes, car c’est une course particulière, toujours dans le même rythme, ça change de ce dont j’ai l’habitude ».
Jérôme, commercial, Livry-Gargan (93), 7h47mn42s : « C’était ma première participation à l’Eco-Trail. Ma première course de l’année, donc il faut retrouver des repères. Je suis parti un peu vite. La chaleur a été un peu perturbante, on n’a pas encore trop l’habitude à cette période. J’ai eu des crampes alors que je n’en ai pas d’habitude… J’ai pris beaucoup de plaisir, j’ai notamment découvert des coins très sympas alors que j’habite la région ! C’est un beau parcours, j’avoue que j’avais quelques a priori, mais ça m’a convaincu. L’appellation trail n’est pas usurpée ! Quant à l’organisation, elle est bien rodée, on sent que ce ne sont pas des amateurs ».
Pierre-Louis, 25 ans, agriculteur, Bray-sur-Seine (77), 7h34mn08s : « Je participais pour la troisième fois au 80 km de l’Eco-Trail, et ça s’est bien passé. Je suis content, j’ai progressé chaque année. La première fois, il faisait nuit quand je suis arrivé au premier ravitaillement et je ne me rappelle plus de mon temps final. L’an dernier, j’ai terminé en 8h15 et là en 7h30. La chaleur m’a un peu gêné. J’ai eu un gros coup de mou entre les 40ème et 50ème kilomètres. Et puis c’est revenu après. Ce que j’aime sur ce parcours, c’est l’arrivée à la Tour Eiffel, à chaque fois c’est vraiment sympa ! »
Les résultats
Hommes
1. Erik CLAVERY, 05:45:43
2. Emmanuel GAULT, 05:53:37
3. Fabien ANTOLINOS, 06:04:31
4. Thomas SAINT GIRONS, 06:14:07
5. Romuald DE PAEPE, 06:15:50
6. Frédéric LEJEUNE, 06:17:28
7. Arnaud LEJEUNE, 06:18:38
8. Denis MOREL, 06:28:35
9. Bertrand COLLOMB-PATTON, 06:34:57
10. Stéphane SARDA,06:35:38
Femmes
1. Fiona PORTE, 06:40:33
2. Nathalie MAUCLAIR, 06:48:05
3. Virginie GOVIGNON,07:07:17
4. Nicole VOLARD-GILET, 07:44:25
5. Zaina SEMLALI (Belgique), 07:49:10
6. Géraldine HEUZE, 08:15:05
7. Ute BAIRD (Grande-Bretagne), 08:23:15
8. Amalia MATTHAIOU (Grèce), 08:26:04
9. Marie BODET, 08:27:44
10. Réjane LECAMUS,08:28:10
Les statistiques
Nombre de partants : 2045 dont femmes : 175 (8.56% des partants)
Nombre d’arrivants : 1686 (82.44% des partants) dont femmes : 153 (9.07% des arrivants)(87.43% des partantes)
Nombre d’abandons total :281 (13.74%)
Quelques photos