L’un, Ludovic, affiche les meilleurs chronos et est l’ainé. L’autre, Christian, de 14 mois plus jeune, compte deux victoires lors des deux dernières éditions de l’ultra Trail du Morbihan et ne se souvient pas avoir déjà battu son frère sur une course, « ah si une fois sur un 24h ».
En ce vendredi 28 juin 2013, peu avant 19h, heure du départ, le nom des Dilmi est dans tous les esprits. Qui sera le plus fort ? Seront-ils tous les deux sur le podium comme le laisse présager leurs palmarès, auront-ils de la concurrence ? Stéphane Ruel, Jeff Harruis, Christian Efflam, Gerard Habasque, Gérard Racinne, Hervé Rozec, Stéphane Le Duc … sont présents et peuvent les inquiéter.
L’Ultra Marin Raid Golfe du Morbihan, offre en ce dernier week-end de juin quatre épreuves, le Grand Raid de 177 km, un raid de 87 km, un trail de 56 km et une marche nordique de 28 km. Mais ce vendredi soir, c’est l’Ultra qui a tous les honneurs, les autres courses s’élançant le lendemain.
Le tracé de l’Ultra permet de parcourir les sentiers douaniers du golfe du Morbihan et d’en faire le tour. Séné, Noyalo, Le Hézo, Saint-Armel, Sarzeau, Arzon, jusqu’à Port Navalo pour une traversée en zodiac de 10mn. Nous sommes au 97e kilomètre. Pour les premiers, la nuit est déjà bien entamée, il est 4h20 du matin.
Sur cette première partie de parcours, il fait chaud. Prudents, les frères Dilmi restent un peu en retrait. Christian garde les hommes de tête « partis très vite« , en ligne de mire. Ludovic mettra plus de temps à se rendre compte qu’un écart est fait et qu’il est temps de se réveiller « une erreur, je ne me suis pas aperçu que j’avais pris tant de retard et il a fallu que je mette un coup pour revenir, j’y ai perdu de l’énergie. Je m’étais fait déjà avoir, je n’aurais pas dû. »
Les deux compères remontent petit à petit aux avant-postes. Au 40e km Christian mène le bal mais « je me perds, je n’ai pas été attentif. Ensuite on s’est une nouvelle fois perdu, cette fois on était cinq ou six, il n’y avait plus de balisage, a priori il avait été enlevé. » A leur arrivée à Sarzeau au 58e km, tous évoquent ce problème de fléchage avant de se ravitailler. Regroupement général avec une petite dizaine de coureurs même si les deux frères repartent ensemble et en tête. Doucement, Christian prend le dessus. Plus serein, plus alerte, il creuse l’écart au train et possède 12 mn d’avance à l’embarcadère. « On est frère et on s’adore mais en course c’est chacun pour soi. Après les mondiaux de 24h (lire les résultats) j’étais décu, (il prend la 20ème place européenne et 28ème mondiale avec 232.253 km, ndlr), c’était mon premier objectif de l’année, l’ultra trail du Morbihan était mon deuxième. Je voulais une troisième victoire consécutive et ma photo sur la boîte (la photo du vainqueur apparaît sur la boite de gâteau offert aux inscrits du grand raid, ndlr), » affirme t-il en riant « je l’ai promis à ma mère ».
L’heure du zodiac « est un moment de bonheur pour tous « c’est assez magique. On mange, on se réhydrate, on savoure de surfer sur les vagues, on se rafraichit car même cette nuit il faisait chaud. » Après ces dix minutes de bonheur et il faut attaquer la dernière partie du parcours avec Locmariaquer, Crac’h, Auray, Bono (théâtre du départ du 56 km), Larmor Baden, Arradon avant enfin le port de Vannes et sa ligne d’arrivée.
Entre Bono et Larmor Baden, le tracé est difficile, rocailleux avec des single track, des montées, descentes, relances, sable.
Au niveau de la course, l’écart ne fait que grandir tandis que Ludovic conscient de la supériorité de son cadet sait qu’il n’est pas en mesure de fournir l’effort nécessaire pour revenir. Il se contente de maintenir l’écart avec son poursuivant. Non, ses poursuivants. Alain Simon sera longtemps troisième avant que Stéphane Ruel le reprenne dans la dernière partie de parcours pour s’octroyer la troisième place.
« Le fait de savoir que mon frère était derrière moi me mettait la pression car normalement il est plus fort et sur ce genre d’effort, il faut rester vigilant, tout peut arriver. Je suis resté focalisé sur mon allure afin de ne pas perdre le rythme, » confiait Christian qui ne put cacher son émotion à l’arrivée sachant qu’avec un chrono de 18h06mn07s, il établit le nouveau record de l’épreuve.
35 minutes plus tard, Ludovic franchit la ligne. Heureux « Il a bien préparé son coup l’enfoiré, » dit il en éclatant de rire. Le jeu classique entre coureurs « je me suis mal préparé, j’ai été malade, je suis un peu blessé », avait bien fonctionné ces dernières semaines entre les deux frangins qui seront partenaires lors du prochain UTMB. « Là sauf si on n’arrive pas à joindre notre rythme ce sera une course en équipe. On y va pour apprendre et battre mon record qui est de 33h. »
« Mais revenons sur cet Ultra car je tiens à dire que le parcours est incroyable. J’ai vu des maisons, des jardins à peine imaginables. C’est ma première participation et j’ai été séduit. » Une description confirmée par Stéphanie Le Floch victorieuse (21h24mn31s, nouveau record de l’épreuve) et Amandine Roux, deuxième. « Le bruit des vagues la nuit, pas besoin du MP3″. Les femmes se sont livrées une belle bataille, deux néophytes sur cette distance. Adepte du Badminton, Stéphanie s’est mise à la course à pied en 2009 « car avec la vie professionnelle s’est plus facilement gérable. » Elle s’élance concentrée sur sa course sans trop savoir où elle va et se retrouve en tête jusqu’à Sarzeau (58e). Là Amandine prend le dessus mais accélère trop et paye son effort. A Baden alors qu’elle est contrainte de se faire soigner le pied pour un problème de ligament, Stéphanie reprend la tête. « J’ai toujours cru qu’elle allait revenir même dans la derrière ligne droite, ce qui fait que je dois l’avouer sur la dernière partie de course je suis surtout restée concentrée et j’ai un peu occulté le décor. Je suis contente, j’ai bien géré, je vais pouvoir penser à mes prochains objectifs pour 2014 un 100 km et la Diagonale des Fous à la Réunion ». Un dernier rêve partagé avec Amandine qui avouait « ne pas avoir aimé du tout les nombreuses portions de bitume du parcours. Mais heureusement c’est beau, voire surréaliste surtout la nuit avec ce ciel, ces étoiles filantes…. Je sais maintenant que je peux faire du long, je vais me soigner et repartir pour préparer le Marathon des Sables et la Diagonale des Fous, l’année prochaine. »
Si les premiers parlent de la magie de la nuit, elle fut terriblement difficile pour bon nombre de coureurs avec de nombreux abandons. Des abandons qui s’échelonneront toute la journée ainsi à 20h samedi, on en comptait 210 sur les 700 partants alors qu’une deuxième nuit s’annonçait pour les trois quarts des coureurs.
Car l’Ultra Trail marin est bien un long périple solitaire. Les écarts sont tels qu’en cette première journée toutes les arrivées se font en solo. A peine 60 coureurs avaient franchi la ligne à 20 h en ce samedi alors que le peloton entamait sa deuxième nuit. Ils ont jusqu’à 13h demain dimanche pour franchir la ligne d’arrivée.
Les résultats
Grand Raid – 177 km
Hommes
1. DILMI Christian, 18h06mn07s
2. DILMI Ludovic, 18h41mn44s
3. RUEL Stéphane, 19h16mn34s
4. SIMON Alain, 19h31mn47s
5. GEND GUILLEMOT Eric, 19h48mn57s
6. BIHOUEE Bruno, 20h05mn37s
7. DAVID Alain, 20h22mn13s
8. MORIN Emmanuel, 20h25mn32s
9. OLIVIER Bruno, 20h55mn51s
10. LE DUC Stéphane, 21h02mn41s
Femmes
1. LE FLOCH Stéphanie, 21h24mn31s
2. ROUX Amandine, 22h37mn49s
3. TREGOU Chantal, 25h46mn50s
4. PARINGAUX Annie, 28h04mn04s
5. JOUANNE Marie-Clotilde, 29h53mn18s
6. PERON Gaelle, 30h23mn07s
7. HERY Marylène, 31h43mn33s
8. JANEZ Joelle, 32h08mn10s
9. CHARUEL Annie, 32h25mn51s
10. LE GUEN Chantal, 32h39mn40s
411 coureurs classés
700 coureurs partants – 72 non partants
Quelques photos