« Quitte à avoir mal, va courir ! » Nous sommes en fin d’année 2010, Thierry Vachet vient de passer un an et demi sans activité sportive. Lui qui a « toujours fait du sport » : du football à ses débuts, et la course à pied ensuite. Lui qui s’entraînait 5 à 6 fois par semaine, courait des 10 km, semi-marathons et marathons (dont Paris en 2004 bouclé en 2h56mn42s) et avait une VMA à 19.5 km/h. Un an et demi sans sport, donc, parce que « la maladie avait pris le dessus ». La maladie de Parkinson lui a été diagnostiquée en janvier 2009, il avait 45 ans. « Je passais des nuits sans dormir à cause des douleurs. J’avais mal au dos, mal partout. J’avais comme une armure, une carapace, qui m’empêchait de me mouvoir. J’ai courbé l’échine, j’ai laissé passer l’orage ».
Fin 2010, Thierry Vachet s’est donc poussé à reprendre la course. « Quitte à avoir mal, va courir ». D’abord cinq minutes, puis dix… « Ca a été très dur au départ, comme si je n’avais jamais couru de ma vie. Le moral n’était pas au beau fixe ». Fripouille – ce berger australien acheté par l’épouse de Thierry – a joué un grand rôle. « C’est un chien qui a un énorme besoin de courir. C’est un peu lui qui m’a obligé et contraint à y aller ». Fripouille est donc devenue une sorte de « mascotte ».
Assez rapidement, Thierry s’est aussi aperçu que courir le « soulageait des douleurs, des symptômes » de la maladie. « Mon corps et mes muscles se dérouillaient. Au bout de 3 à 4 semaines, je ne ressentais plus de douleurs, et après un mois et demi, je courais 30 à 40 minutes par jour ». Plus aucune douleur musculaire, moins de fatigue, et une qualité de sommeil bien meilleure, la conclusion a vite été tirée : « La course à pied devait faire partie de mon quotidien ».
Un protocole médical
Reste maintenant à obtenir des preuves scientifique des bienfaits du sport sur la maladie de Parkinson. Pour que son exemple serve à d’autres patients. « Quand on est atteint de la maladie de Parkinson, on a plutôt tendance à se dire « j’ai mal, donc il ne faut pas que je bouge. Mieux vaut que je reste chez moi, explique-t-il. Or rien que le fait de marcher 30 minutes par jour peut améliorer les choses ».
Alors Thierry Vachet s’est lancé dans un incroyable défi, mûri depuis un an : courir un 100 km. Ce sera le 19 mai 2012, à Chavagnes-en-Paillers, en Vendée (85). « J’avais déjà envie de le faire avant ma maladie. Je n’en ai pas eu l’occasion, alors je me suis dit pourquoi pas maintenant ? ». De 40 minutes à 1 heure de footing par jour, il s’est lancé dans un véritable plan d’entraînement, spécialement préparé par Bruno Heubi. 100 à 120 kilomètres en 5 séances par semaine, sur 14 semaines. Avec une VMA estimée aujourd’hui à 16 kilomètres heure, sa préparation intègre des séances d’1 heure à 1h45 à allure 100 km, une sortie longue le dimanche (2 à 3 heures), et une à deux séances de « fractionnés » type fartleck.
Thierry ne sait pas encore comment il va gérer sa course. « J’étais parti sur une allure à 9 kilomètres heure, régulière, que j’espérais pouvoir tenir jusqu’au bout. Mais j’ai énormément de mal à courir à 9 kilomètres heure, ma foulée est contrariée. Je me sens mieux à 10.5 ou 11 kilomètre heure ». Il veut avant tout « finir la course ». Le chrono n’est plus son objectif. « Je suis passé de la notion de performance à la notion de loisir. Il ne faut pas tout mélanger, ma maladie est quand même là. C’est mon corps qui va commander. Je connais mes limites et je ne les repousserai pas. Mais j’ai vraiment retrouvé des sensations de courses. Je n’ai pas perdu l’envie de courir, et je m’en sers comme médicament ».
C’est d’ailleurs cet aspect scientifique, que Thierry Vachet met en avant. Son parcours et son expérience intéressent une équipe de médecins spécialistes. Il est donc encadré par un protocole depuis le début de l’année. Batterie d’examens très réguliers, questionnaires, tests : « En quelque sorte, je sers de cobaye », sourit-il. Le mardi 15 mai, à quelques jours de la course, il passera un « dat scan », pour observer son activité cérébrale. Même chose une semaine plus tard. « Cela permettra d’avoir de premiers résultats sur l’incidence du sport ». Thierry devrait aussi participer à une course chaque année pendant 3 ou 4 ans pour évaluer l’impact sur le long terme. « Peut-être un semi-marathon, un marathon, un trail. Ce sera en fonction de ce que décidera l’équipe du CHU de Limoges ». Tout cela s’affinera au vu des premières données scientifiques. Car « c’est une première en France » et tout le monde est nécessairement encore « dans l’inconnu ». Tout en nourrissant plein d’espoirs. Car depuis qu’il suit son plan d’entraînement intensif, Thiery Vachet est passé de 7 à 6 comprimés par jour, sans effet incidence sur sa forme. Une première victoire pour lui et les quelque 150 000 autres Parkinsoniens en France.
NB : Depuis la publication de cet article, Thierry Vachet a réussi son pari et bouclé son 100 km. Plus d’infos sur l’article : « les résultats des 100 km de Vendée« .