Le premier Handi Marathon des Sables, un test grandeur nature entre les dunes

Place du 12 au 19 octobre prochain au Marathon des Sables Maroc.
3 étapes au programme et plusieurs formats avec au total 70 km, 100 km ou 120 km à parcourir.
L'an passé Pierre, blessé lors des attentats du Bataclan en 2015 et paraplégique, accompagné de sa compagne Myriam et d'un ami avait été la première personne en fauteuil roulant à participer au MDS.
Cette année, Pierre et Myriam sont de retour sur l'aventure avec 9 autres trios (une personne en fauteuil roulant, une derrière qui pousse et une devant qui tire le fauteuil) tous invités par l'organisation pour un formidable nouveau défi : le Handi Marathon des Sables. Entretien.

Pierre accompagné de son épouse Myriam et d'un ami lors du Marathon des Sables Maroc en 2023

Lepape-info : Comment se présente cette nouvelle aventure dans le désert Marocain ?

Pierre : On est vraiment très excités d’autant que cette année on emmène 9 autres équipes avec nous, c’est la première fois qu’on peut avoir à nos côtés d’autres personnes dans la même situation que nous sur l’une de nos aventures.

Myriam : L’organisation du Marathon des Sables a été moteur sur le sujet en apportant notamment son expérience de la course et de notre côté nous avons travaillé sur l’expertise et le coté accessibilité. Cela a permis de faire fusionner ces 2 mondes. Après notre première expérience l’an passé nous avons fait un diagnostic sur ce qu’il fallait améliorer et mettre en place pour permettre à d’autres de participer à la course pendant les étapes, sur le bivouac et aussi lors des transports entre l’aéroport et le site. On a reformalisé tout cela et travaillé avec l’organisation pour que des solutions soient mises en place.

En ce qui concerne le matériel, la société Vitamat a accepté de nous prêter 10 fauteuils pour refaire le test, l’aventure s’annonce belle.

Lepape-info : Le défi de mettre tout cela en place en un an est exceptionnel

Pierre : C’est exceptionnel mais c’est aussi grâce à l’ambition du Marathon des sables qui voudrait un jour créer le premier championnat du monde en fauteuil dans le désert. C’est un test grandeur nature dont nous sommes très fiers. Souvent lorsque nous faisions des défis on les faisaient dans notre coin et on en parlait à notre niveau sur les réseaux ou sur notre blog wheeledworld de manière à ce que d’autres se posent la question de savoir s’ils peuvent y aller ou pas en fonction de l’équipement et des coéquipiers disponibles. Cette fois on permet à 27 personnes de se tester et de découvrir cet environnement qui au départ n’est pas fait pour les fauteuils.

Myriam : Le principe est d’avoir quelqu’un qui pousse derrière le fauteuil avec des poignées et à l’avant un système de harnais d’expédition polaire qui fonctionne comme une pulka avec 2 cordes tractées par une personne sauf que c’est un fauteuil roulant qui est transporté.

Pierre : « En fauteuil avec certaines dunes on ne peut pas tout faire, il y aura une organisation avec 10 véhicules pick-up dédiés et des chauffeurs à disposition tout le temps pour nous transporter par-dessus les zones trop compliquées à franchir. »

Lepape-info : Vous avez vécu une expérience formidable l’an passé, vous avez hâte de faire vivre ce moment aux 9 autres équipages cette fois avec vous

Myriam : On a hâte et on espère que tout se passera bien. Il y a bien sur le petit stress avant le départ mais tout a été mis en place pour que tout se déroule comme prévu. On espère qu’ils vont aussi apprécier cette expérience comme ce fut le cas pour nous l’an passé. Ils nous ont posé beaucoup de questions, c’est normal, l’environnement est hyper stressant, il y a le côté mobilité mais aussi tout le reste comme l’organisation des sanitaires, la chaleur avec beaucoup de personnes en situation de handicap qui ne régulent pas correctement leur température corporelle etc… On a essayé de répondre au mieux à toutes les questions.

Lepape-info : Pour l’organisation du Marathon des sables, ce fut aussi un défi pour que tout soit prêt

Pierre : Cela a rajouté beaucoup de travail à leur organisation, dans notre diagnostic après l’expérience de l’année dernière figuraient tous les besoins éventuels pour organiser ce test. Il y a eu aussi une prise en charge financière pour l’équipement. En fauteuil avec certaines dunes on ne peut pas tout faire, il y aura une organisation avec 10 véhicules pick-up dédiés et des chauffeurs à disposition tout le temps pour nous transporter par-dessus les zones trop compliquées à franchir.

Myriam : L’organisation du MDS est une équipe d’experts absolue de la logistique sur des évènements comme celui-là, incroyablement pointue et très efficace. Nous avons pu mutualiser nos forces, on a essayé de limiter au maximum certaines charges pour eux comme le recrutement des candidats, la gestion des questions/réponses des participants, la redéfinition des besoins sur le bivouac. Leur puissance extraordinaire que l’on aura jamais c’est toute l’organisation logistique sur place, ils ont énormément de contraintes sur leurs courses et ils en ont rajouté pour l’occasion.

Lepape-info : Comment s’est déroulé le recrutement des 9 autres équipes ?

Pierre : On a fait un appel à candidatures sur nos réseaux et celui du Marathon des Sables adressé à la fois aux personnes handicapés et aux coéquipiers potentiels, car tout le monde n’avait pas forcément son équipe complète. 40 personnes handicapés et plus de 75 coéquipiers potentiels nous ont répondu, c’était bien car certains valides étaient intéressés à l’idée de s’intégrer à ce genre d’aventure. Beaucoup de personnes en fauteuil avaient déjà leur équipe complète, la sélection pour les derniers candidats s’est faite sur des questions logistiques, des réalités de vie qui les attendraient sur place dans le bivouac sans électricité etc…

Myriam : 10 équipes maximum c’était un choix raisonnable, il s’agit d’un test, il faut vérifier la viabilité du projet avec aussi la réalité du nombre de fauteuils fournis pour la course. Les entretiens individuels étaient utiles pour sélectionner les candidats mais aussi informer, rassurer, donner des informations sur le déroulé de l’organisation sur place, la gestion des éventuelles problématiques. Pour une première c’était trop compliqué de le faire par exemple pour 30 équipes. Il faut savoir aussi que le Marathon des Sables invite toutes les équipes, c’est aussi un budget pour eux afin d’étudier la viabilité du projet.

Myriam : « Cette année on le fait avec ma sœur, cela ajoute une dimension familiale au projet. Il y aura beaucoup d’émotion en voyant d’autres partager comme nous cette aventure. »

Lepape-info : Que retenez-vous de l’année dernière et qu’attendez-vous de cette édition 2024 ?

Pierre : On retient le côté aventure dans un environnement qui nous était inconnu et aussi la participation d’un concurrent handicapé sur le même parcours qu’un valide. C’est cela qui nous tient à cœur, les moments les plus forts que l’on retient sont les passages de dunes, quand on est notre équipe de trois on a passé deux grosses dunes, c’était la galère la pente était trop raide avec le sable. Des valides qui avaient envie de partager quelque chose avec nous tout en vivant aussi leur aventure venaient nous aider. Sur la 3e étape l’an passé on savait qu’il y avait une dune très compliquée à franchir, on a mis 10 minutes au lieu de plus d’une heure grâce à l’aide d’une dizaine de personnes autour de nous en train de nous aider, de pousser et de tirer en même temps. On a envie de recréer ces moments forts cette année et de les faire vivre aux autres.

Myriam : On a jamais été adeptes de la performance, on vient pas pour gagner le course, on aime le dépassement de soi et on cherche surtout à vivre une belle aventure collective. Cette année on le fait avec ma sœur, cela ajoute une dimension familiale au projet. Il y aura beaucoup d’émotion en voyant d’autres partager comme nous cette aventure.

Lepape-info : C’est une nouvelle étape dans l’aventure « Wheeled World » que vous avez crée il y a quelques années

Myriam : Au départ c’était un média qui relatait des aventures en disant aux autres que l’on y arrivait et qu’eux aussi pouvaient le faire. Notre démarche maintenant est d’expliquer qu’on peut le faire mais que l’on met aussi en place des moyens concrets pour y parvenir. Il y a le côté sportif avec le Marathon des Sables mais on s’accompagne également d’experts pour concrétiser ces propositions, on travaille avec Nomade Aventure sur la partie voyages pour concevoir des séjours. Cela permet à d’autres personnes de se joindre à notre aventure.

Lepape-info : Quel est votre mot philosophie de vie au quotidien ?

Pierre : Toujours tenter d’oser de voir ce qui va se passer, quand je suis passé en fauteuil on s’était mis beaucoup de limites souvent psychologiques parce qu’on ne savait pas ce qui allait nous attendre de l’autre côté de la route par exemple lorsque l’on voyage en avion, une fois arrivé sur place etc… Maintenant on ne se fixe plus de limite, par exemple on se lance dans une randonnée et peut-être que l’on va devoir s’arrêter parce que c’est trop raide, on fait demi-tour et on trouve un autre chemin ailleurs… On teste si cela ne marche pas ce n’est pas grave et si c’est bon tant mieux et on profite du beau point de vue à l’arrivée.

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