Certes, lorsque j’entre dans les ruelles du pittoresque village de Valldemossa, au pied de la Tramuntana et d’où part ce GR 221 qui est le principal itinéraire de grande randonnée de l’île (son parcours n’est cependant pas très long : 85 kilomètres, mais au vu du dénivelé global il faut bien compter quatre bonnes journées pour le parcourir dans son intégralité) à travers l’épine dorsale montagneuse du nord de l’île, je ne suis pas tout seul. Valdemossa, avec son site perché au milieu des monts et ses maisons traditionnelles, est certes un haut lieu de tourisme. Les cyclistes, qui profitent de la douceur du climat de l’île pour effectuer des stages d’entraînement en ce début de printemps, et les randonneurs, qui partent pour la plupart pour une demi-journée de balade autour du village, sont assez nombreux, les badauds et les touristes classiques, également. Mais ce n’est pas non plus la cohue et je me sens loin des clichés véhiculés sur le tourisme envahissant de l’île des Baléares. Certes, le début de mars est sans doute encore une période propice pour randonner tranquille ici. En tous cas, je ne serai pas gêné par la foule durant mon périple sur ce GR221 qui m’offrira bien d’autres belles surprises: je dois avouer que je ne m’attendais pas vraiment à ce que cela soit si beau!
Belles pentes et champs d’oliviers
Ce début de parcours me révèle tout de suite les premiers charmes de ce GR 221: une belle montée m’attends, qui m’amène entre les murs de pierre sèches (le sentier est d’ailleurs justement surnommé “ruta de la pedra en sec”, chemin des pierres sèches, au vu de la présence de ces nombreux murets) délimitant les champs d’oliviers, puis une forêt d’yeuses assez dense, jusqu’à une altitude déjà respectable: 766 mètres. Là-haut, de magnifiques panoramas sur la mer m’attendent, où je peux admirer déjà les profils des montagnes découpées plongeant dans la Méditerranée. La pente était relativement raide, mais je sens que je ne suis pas monté pour rien!
La suite de l’étape se poursuit sur un beau sentier panoramique, autrefois aménagé par l’archiduc Louis Salvator de Habsbourg, qui tombé amoureux de la beauté sauvage de l’île fit construire cette piste pour s’y promener à cheval. A pied, aujourd’hui, c’est bien aussi. La descente qui suit, vers Deia, un autre village tout aussi pittoresque et construit sur un site aussi remarquable, est plus délicate et abrupte. Là, et c’est le seul endroit où je noterai ce défaut, les indications pour suivre le GR font un peu défaut. Il faut donc être vigilant.
Des orangers entre mer et montagne
Le lendemain, je repars de Deia pour une balade plus facile et vraiment charmante: le circuit m’emmène vers de paisibles champs d’oliviers, aux formes souvent torturées, sculptées par les vents et les siècles, mais d’où émane curieusement une grande impression de respectable sérénité, qui dominent la mer, au pied des montagnes. Je m’arrête souvent pour admirer ce paysage baigné de ciel bleu. Ma promenade m’entraîne jusqu’à la ville de Soller et ces champs d’agrumes, plantés au pied de montagnes bien découpées et presque déjà impressionnantes malgré leur hauteur relativement modeste: ce sont elles que je m’apprête à arpenter. Mais ce sera pour le lendemain, là je vais profiter de la douceur des lieux et d’un dîner sur la place de la cathédrale de la petite ville, où le tourisme, malgré des prix assez élevés, semble encore respectueux. Certes, les restaurants affichent presque en priorités des menus en allemand (l’île a été surnommée le “17e land”…) mais rien d’offusquant non plus. Et l’endroit est trop superbe pour que l’on s’étonne de son succès touristique.
J’en profiterai encore, de ces beaux orangers au pied des montagnes, en repartant le lendemain matin, sur mes premiers kilomètres de la longue et très dénivelée étape qui doit me mener de Soller jusqu’au monastère de Lluc. Mais l’ambiance a un peu changé: le ciel bleu a laissé place à quelques nuages menaçants accrochés aux pentes. Dans ces nuances là aussi, le paysage de Majorque est splendide d’autant plus que la visibilité reste bonne.
Je grimpe un peu plus loin à travers un chemin bien aménagé, mais pentu, dessiné dans un impressionnant canyon. La montée est régulière et offre déjà des vues sensationnelles: les roches, les villages, plus loin la mer.
Canyon et panoramas
Je grimpe encore, pour trouver une ambiance vraiment montagnarde: on est certes pas si haut, mais les sommets sont assez découpés et les terrains assez techniques. Au-delà du lac de retenue de Cuber, le sentier grimpe sec, à travers roches et boue. Mais les vues sont sans doute encore plus exceptionnelles. Cela culmine, en beauté et en difficulté, au col des Prats, à 1205 mètres d’altitude tout de même. Quand on est parti de 45 mètres, cela fait tout de même une bonne petite ascension. Là-haut, je ne croise que de très rares randonneurs. D’ailleurs, mis à part la petite foule au départ de Valldemossa, je ne peux pas dire que me sentier me soit apparu très fréquenté à cette période de l’année.
La quiétude du monastère
Je ne tarde cependant pas trop à descendre, car le vent est froid et souffle fort sur ces hauteurs aujourd’hui. Je trottine dans les premiers lacets pour me mettre à l’abri, à couvert lorsque je retrouve un peu plus bas la forêt, et un sentier à nouveau bien restauré.
Je descends ainsi paisiblement jusqu’au monastère de Lluc, le terme de mon étape. Ce sanctuaire, planté au milieu des montagnes et de la forêt, était un lieu de pélerinage important et d’ailleurs le GR 221 suit l’ancienne voie des pèlerins. Pour moi, qui suis amateur de chemins historiques, ça tombe bien! Les lieux dégagent en tous cas une certaine spiritualité.
Je passe la nuit au monastère, dans une cellule de moine réaménagée en chambre d’hôtel. Le prix est bien élevé par rapport au confort, mais la vue sur la basilique le justifie sans doute.
Après cette nuit dans la quiétude du monastère, je me promènerai le lendemain sur la dernière montée de ce GR221. Les pentes sont plus douces et la nature s’assagit par ici. C’est plus boisé. Je n’aurai malheureusement pas le temps d’effectuer la dernière descente, vers la ville de Pollença, car je dois assurer mon départ en avion prévu en fin d’après-midi : les bus ne sont pas si nombreux.
Je pourrai donc revenir à Majorque pour terminer complètement cet itinéraire, mais aussi pour en découvrir d’autres car les sentiers sont tout de même nombreux sur cette Tramuntana et même sur d’autres parties de l’île. Et après une découverte aussi enchanteresse, je ne peux qu’éprouver l’envie d’y revenir !
Le GR221 en bref:
- 85 kms balisés entre Valldemossa et Pollença
- Situé au nord de l’île de Majorque, la plus grande des Baleares, au large de Barcelone, il traverse la chaîne de montagnes Transmuntana.
- Langues parlées : catalan, espagnol et allemand ! (anglais aussi…)
- Difficulté de modéré à assez forte (selon les étapes). Les pentes qui mènent au col de Prats sont longues et le final relativement technique mais sans danger.
- On peut y marcher quasiment toute l’année (idéalement de mars à mai et de septembre à octobre)
Plus de renseignements:
http://www.conselldemallorca.net/?&id_parent=491&id_class=2992&id_section=3198&id_son=4002
D’autres photos:
http://sylvainbazin.com/2016/03/06/majorque-a-travers-la-tramuntana-sur-le-gr221/