Elles ont beaucoup de points communs mais on en retiendra trois : leur participation à la prochaine édition de La Parisienne le 14 septembre 2014, leur volonté, et leur expérience jusque-là difficile avec le sport. La simple évocation des séances sportives au lycée délie les langues. « J’étais à l’arrière et je discutais avec mes copines », sourit Johanne. « Je suis asthmatique et j’ai été dispensée de sport à mon entrée au collège, raconte Sylvie. Mais de toute façon, on ne nous apprend pas les bases, on nous fait courir comme des dératés ! ». « Moi, je me souviens, je finissais toujours dernière des cross. Je déteste courir », lance Marlène. Avant de se reprendre : « Enfin… je détestais ! ».
Nous sommes samedi, il est un peu plus de 14 heures, et ce joyeux groupe de femmes attend de pouvoir déposer ses affaires dans la salle qui lui sert de vestiaire, dans un bâtiment du gigantesque complexe de la Pitié-Salpétrière, à Paris. Cet hôpital où le Professeur Jean-Michel Oppert dirige le Centre de Recherche et de Médecine de l’Obésité. Après le lancement d’un groupe pilote l’an passé, l’institution travaille en collaboration avec l’organisation de la plus grande course féminine de France (35 000 inscrites en 2013) autour d’un programme « rondes ». Une quinzaine de femmes de 22 à 44 ans, dont les Indices de Masse Corporelle (IMC) oscillent entre 30 et presque 44.
Retour au « vestiaire ». Geneviève, la coach de La Parisienne, prend la température. « Alors, comment c’était pendant un mois, depuis notre dernière séance ? ». La réponse sème le trouble. « Calme ? Ça veut dire quoi ? Vous me faites peur ! ». On évoque le mauvais temps, pas forcément motivant. Marlène parle de sa tendinite. « J’ai un peu trop pris goût à courir je crois, j’y suis allée un peu fort ». Sylvie du pollen qui lui déclenche des allergies et la gêne pour respirer. Et puis une voix s’élève : « Disons qu’on a fait de l’activité physique, mais pas forcément de la course à pied ». « De la marche, complète Julie. Je ne prends plus les transports en commun ». Geneviève approuve, avant de donner le top départ de la séance.
Le soleil est au zénith, il fait chaud dans les allées du Jardin des Plantes. Mais l’échauffement au rythme de montées de genoux et autres pas chassés est rassurant. « Je sais pas si vous n’avez pas couru ou pas bougé, mais en tout cas c’est bien ! », encourage la coach.
Paroles d’expertes Dr Dominique-Adèle Cassuto, endocrinologue, attachée au service nutrition de la Pitié Salpétrière : « L’expérience de l’an passé m’a aidée à écrire ce protocole pour 2014. On n’a pas changé beaucoup de choses, mais on a, par exemple, ajouté une consultation à mi-parcours, le 28 juin. On a aussi systématisé les thématiques des coachings pour chaque séance (posture, équipement, périnée, abdominaux, rythme de course, etc…). En 2013, sur 15 inscrites, 12 ont terminé la course, en moyenne en 1h01. Les plus rapides ont mis 52 minutes, la plus lente 1h10. En consultation de fin de protocole, on a fait un test de marche sur 6 minutes, comme cela avait été le cas au début. Toutes avaient augmenté leur distance, en passant de 581 m en moyenne à 614 m. Et puis surtout, dans leurs questionnaires, elles disaient avoir gagné en qualité de vie, et en estime d’elles-mêmes ». Geneviève Conte, coach La Parisienne. : « J’ai eu une formation assez basique à la Pitié Salpétrière autour des problématiques de ces femmes, et notamment du souffle avec le Dr Bloch. Mais finalement, c’était assez proche de ce que je faisais lors de mes séances habituelles. J’essaie de beaucoup les observer, de déceler la moindre faille et de m’adapter en permanence. Je suis à l’écoute, parce que l’aspect psychologique et mental est important. L’an dernier, l’arrivée de La Parisienne a été un moment extraordinaire. Il y a eu des pleurs. C’était un exploit pour beaucoup. Bien sûr, il y a des moments difficiles, où elles se découragent, et c’est pour ça que je les incite à garder contact entre elles en dehors des séances. Mais ce sont des battantes. J’espère que cette initiative va perdurer, parce qu’il y a un potentiel. Beaucoup de femmes veulent apprendre à courir. Cela passe par de la communication et de l’explication, de manière à leur dire : « Ce dont vous rêvez, c’est possible ! » ». |
Avant de démarrer le protocole, toutes les participantes ont rempli des questionnaires sur leur qualité de vie et leur activité physique, effectué un bilan biologique, un électrocardiogramme d’effort, et passé deux consultations, de nutrition avec le Dr Cassuto et de cardiologie avec le Dr Bloch. Objectif de cette dernière : leur apprendre quelques techniques de respiration. « Ce sont des données de base, mais que personnellement je n’avais pas du tout, confie Hélène, 36 ans, ancienne obèse morbide et qui a subi un bypass gastrique (intervention chirurgicale pour réduire le volume de l’estomac) en 2006. C’est dommage, on devrait inculquer ces techniques dès l’école primaire. Et pas seulement aux personnes qui font du sport. Avant, j’avais des douleurs, le souffle coupé quand je courais. Là, je vois la différence. En deux mois, l’avancée est énorme ». « Je ne savais pas courir, complète Sylvie. J’ai appris comment respirer et expirer, et j’applique ces conseils tous les jours, dans la vie quotidienne ».
Autre point clé : l’encadrement par une coach. « J’avais essayé de courir toute seule. J’avais fait un tour d’un stade proche de chez moi, et mis une semaine à m’en remettre, poursuit Hélène. Maintenant, j’ai compris qu’on peut faire un demi-tour, récupérer sa respiration en marchant un peu, et reprendre derrière ».
Cet après-midi-là, Geneviève invite les filles à traverser le Jardin des Plantes à petites foulées. « On se retrouve au fond, aux marches ! Et ces marches on va les monter ! ». « En courant ? ». « Evidemment ! Et au moins trois fois ! ». Le groupe s’exécute, avant de passer à une courte séance de gainage. Les mains sur une des fameuses marches, pointes des pieds au sol, le corps bien aligné, les futures « Parisiennes » tentent de tenir trois fois 15 secondes. « Ça fait du bien là où ça fait mal », soutient Geneviève. Et soudain, Marion prend la parole : « A plat, cet exercice j’arrive à le faire pendant 30 secondes ». « 30 secondes ?, interroge Nylaan. Allez les filles, on essaie ! ». Le temps semble alors passer mois vite, mais tout le monde s’accroche. « On ne peut plus les arrêter, sourit la coach. Essayez de faire cet exercice à la maison deux fois par semaine, même trois ».
La fin de séance approche, Geneviève rassure ses troupes. « Sur La Parisienne, des filles comme vous, y’en a plein ! Il n’y a pas que des flèches ! Et il y en a qui marchent ! ». Hélène le sait bien, pour avoir déjà participé deux fois à l’épreuve en marchant. « Mon challenge cette année, c’est de tenter de tenir en courant, peu importe mon temps. Et essayer de ressortir sans être morte de fatigue ! Je marche déjà beaucoup, je fais régulièrement mes 10 000 pas par jour. Mais je me rends compte que ça ne suffit pas par rapport à mes apports nutritionnels. Depuis trois ans, j’ai plus de responsabilités dans mon travail, je suis davantage sujette au stress. Et je sais qu’une de mes parades dans ces cas-là, c’est le grignotage. Je cherche une activité qui puisse avoir lieu en hiver comme en été, sans contraintes horaires. J’espère que dans un an, courir sera devenu aussi naturel que boire ou manger ». « On sait bien que ce n’est pas simplement courir qui va nous faire maigrir, enchaîne Sylvie, 42 ans. Mais c’est un complément qui n’est pas négligeable. Personnellement, je suis dans une démarche globale. Je cherche à reprendre le contrôle sur mes émotions et je pense que le sport peut être un bon vecteur. Or quand on reprend possession de ses émotions, on contrôle aussi la nourriture. Mon objectif, c’est de continuer après La Parisienne, que ça devienne un mode de vie ». Un discours qui résume bien le quatrième point commun entre toutes ces femmes.