Avant le départ du 46e marathon de Chicago, il était difficile d’imaginer le coup de tonnerre qui allait se produire en ce dimanche 13 octobre 2024.
L’an passé le regretté Kenyan Kelvin Kiptum (décédé en février dernier dans un accident de voiture) avait établi chez les hommes en 2h00’35 le 6e record du monde de l’histoire de ce marathon de Chicago au parcours réputé rapide.
Cette année, la course femmes a dépassé l’entendement, Ruth Chepngetich a repoussé les limites de ce qu’on pouvait actuellement envisager.
Partie sur des bases stratosphériques, la Kenyane championne du monde 2019 de marathon passe au 5e km en 15’00 à 20 km/h, sur des bases de 2h06’36 à l’arrivée.
Au 10e kilomètre en 30’14, Ruth Chepngetich enchaîne à peine moins rapidement et reste sur ce tempo incroyable pour atteindre le 15e kilomètre en 45’32, le 20e en 1h00’51 et le semi marathon en 1h04’16 (19,27 km/h de moyenne).
En attendant la seconde moitié de course, les observateurs commencent à se dire que le phénoménal record du monde féminin de Tigist Assefa en 2h11’53 à Berlin 2023 est en grand danger.
Même si son rythme est légèrement moins soutenu, Ruth Chepngetich ne relâche pas pour autant son effort, son avance considérable sur le record du monde lui permet d’envisager un chrono insensé à l’arrivée. L’Éthiopienne Sutume Kebede qui restait à quelques secondes de la Kenyane est incapable de maintenir une telle cadence et disparait au loin.
Ruth Chepngetich avec ses meneurs d’allure poursuit sa folle traversée à grande vitesse de Chicago. Au 30e kilomètre en 1h31’49 et au 35e kilomètre en 1h47’32 on reste sur des bases incroyables légèrement au-dessus des 2h09, l’exploit inimaginable est tout proche.
Le dernier pointage au 40e kilomètre en 2h03’11 ne laisse plus aucun doute, le record du monde va être pulvérisé, les moins de 2h10 sont à la portée de Ruth Chepngetich. Jusqu’au bout la Kenyane victorieuse à Chicago en 2021 et 2022 et 2e l’an passé va s’offrir un 3e succès en 4 ans avec un chrono affolant.
Au final Ruth Chepngetich remporte son 3e marathon de Chicago en 2h09’56, elle atomise le précédent record du monde de 1’57 à 19,5 km/ h de moyenne et devient la première femme à courir un marathon en moins de 2h10.
Une performance hallucinante pour la Kenyane qui avant le départ avait déjà un record de haute volée en 2h14’18 (Chicago en 2022) et qui faisait d’elle la 4e meilleure performeuse mondiale de l’histoire sur marathon.
Ruth Chepngetich qui a affolé le chrono comme jamais et surclassé la concurrence a devancé de 7’36 l’Éthiopienne Sutume Kebede (2h17’32), la Kenyane Irine Cheptai complète le podium en 2h17’51;
Jean-Claude Vollmer (expert LEPAPE) nous livre son avis sur ce record du monde : « Je me rappelle avoir dit après le record du monde de Tigist Assefa que l’on était entré dans une autre dimension, là on est allé encore plus loin dans l’univers, c’est fou ! L’ancien record du monde de Paula Radcliffe a longtemps tenu et j’avais dit que les femmes avaient pris du retard, avec Tigist Assefa elles avaient commencé à le rattraper et j’avais évoqué l’an passé cette théorie que ce record avait donné des idées à d’autres. Ruth Chepngetich est une routarde pure, on va bientôt voir arriver les championnes de la piste Faith Kipyegon, Beatrice Chebet, je ne dis pas qu’elles vont battre le record du monde mais il faudra prévoir des chronos dans ces eaux-là. Des 2h10, 2h12 deviendront un jour des chronos habituels alors que c’étaient des temps qui permettaient des accès internationaux à un marathonien Français il n’y a pas si longtemps. Chez Ruth Chepngetich l’approche qui est nouvelle est cette prise de risque insensée dès le début (3’00 au kilomètre), elle aurait pu exploser au 30e ou au 35e kilomètre et ce ne fut pas le cas, c’est du jamais vu, c’est hallucinant. Prendre un tel risque chez les hommes cela voudrait dire partir sur des bases de 1h55, je ne sais pas si un homme oserait. Elle avait des lièvres mais il fait la sortir la performance. Kebede qui l’accompagnait au début a logiquement explosé. Ruth Chepngetich a trouvé les ressources pour tenir en plus elle savait qu’elle avait une bonne avance sur le record du monde, elle a repoussé le seuil de douleur, je pense que sur les 5 derniers kilomètres elle est au bout du bout, c’est une sacrée leçon de résistance au mal. »
Christelle Daunay ancienne détentrice du record de France du marathon : « Qu’elle passe sur des bases de 2h06’36 au marathon sur les premiers kilomètres cela surprend, je pense qu’elle avait annoncé qu’elle voulait faire un gros chrono mais de là partir si vite… en plus quand vous partez sur ces bases à un moment donné vous prenez le mur, même si elle a faibli elle a continué sur sa lancée. Elle a été relativement constante dans l’effort avec ce départ ultra-rapide, comment partir sur de telles bases ? C’est très surprenant. Quand vous avez un record à 2h14 déjà très élevé cela parait fou… je ne m’attendais pas que le record du monde soit battu de 2 minutes aussi vite même si elle n’est pas une inconnue, le fait de battre le record avec une telle marge me surprend. Il y a 2 ans sur un autre marathon elle avait tenté un coup et s’était pris le mur, cette fois elle a du mieux préparer, améliorer sa méthode mais elle n’avait pas annoncé un tel chrono. »
Chez les messieurs, le Kenyan John Korir s’est offert son premier marathon majeur en l’emportant avec un record personnel en 2h02’44 avec près de deux minutes d’avance sur ses poursuivants, l’Éthiopien Useydin Mohamed Esa (2h04’39) et le Kenyan Amos Kipruto (2h04’50).