Plus de trois semaines de confinement en France, et désormais deux en Grande-Bretagne -trois avec ma copine, nous nous étions autoconfinés. J’ai la chance de pouvoir courir outre-Manche –« faire de l’exercice » y est autorisé, sans rayon kilométrique à respecter comme dans l’Hexagone. Il faut parfois slalomer, voire s’arrêter pour respecter les un à deux mètres de distanciation sociale. Loin de constituer un écueil, tant la joie est considérable de chasser ses yeux rivés sur l’écran de la tablette quand ce n’est pas l’écran du téléphone, pour aller admirer les reflets du soleil danser sur la rivière.
C’est que le confinement nous relie, encore davantage qu’à l’accoutumée, aux écrans. Il est tellement difficile de s’abstraire des reportages (je vous conseille vivement le dernier « Envoyé Spécial », sur France 2), des passionnantes analyses, notamment sur le monde d’après tant espéré (mais chimérique ?) autant d’articles qui fleurissent sur le net comme un tunnel au but duquel on attend, désespérément, la lumière.
Vous vous dîtes que c’est le dernier article avant de vous mettre hors-ligne, et puis vous suivez un lien, et puis un autre…C’est comme au bar, quand votre ami vous tapote sur l’épaule : « allez, tu vas bien prendre une dernière bière ? ». Et vous êtes encore là, deux heures plus tard…
Piges en suspense, apathie et autodiscipline
Depuis une semaine, le confinement gagne du terrain sur notre quotidien. La courbe du réveil s’allonge. 8 heures au début, puis 8h30, 9 heures ; désormais, sur les coups de 10 heures, nos yeux hagards s’entrouvrent quand les rayons du soleil viennent lécher nos visages lymphatiques. Une invitation à prendre les vélos et partir roucouler la journée sur les routes escarpées du Yorskhire. Mais c’est un rêve, pour quelques semaines encore. De fait, le déjeuner flirte parfois avec l’heure du goûter…
J’avais de nombreuses piges commandées, qui se trouvent, désormais, en suspens. Passer une matinée, un après-midi, une journée au café pour écrire, me manque. L’apathie s’immisce dans les entrailles. Où trouver la motivation ? C’est un peu pareil pour l’entraînement. D’habitude, la planification est arrimée à un objectif précis. Le semi de Paris, les France de cross, le marathon de Palestine, les deux tours d’Interclubs, ont été tour à tour annulés. Un point d’interrogation entoure l’Unogwaja Challenge.
Je fais les séances les unes après les autres –oh le langage de footballeur ! mais c’est pourtant la vérité. Sans attente particulière. Sans être obnubilé par l’allure : oh, la bonne idée, in fine, d’avoir oublié mon chargeur en France et d’emprunter la montre de ma copine qui dit la distance en miles !
Si je ne veux pas courir, je ne cours pas. L’idée, c’est de maintenir un exercice quotidien pour être physiquement prêt quand l’heure de la reprise aura sonné.
Et, aussi, surtout ?, pour rester en bonne santé mentale et, par ricochet, pour la paix des ménages…
Poncer comme une méditation
Depuis deux, trois jours, j’ai opté pour l’autodiscipline. Mettre le réveil, s’obliger à écrire, à lire (Et j’ai quelques fois comme une bonne idée, Ken Kesey, presque 900 pages, de quoi bien occuper vos journée). Le confinement, c’est aussi très utile pour chasser la procrastination.
Pas mal de travaux sont nécessaires pour terminer la maison dans laquelle vit ma copine. Au passage, je mesure la chance d’y être confiné –l’étage, l’espace et la chambre avec vue sur le jardin, plutôt que dans mon appartement girondin de 30 m² avec vue imprenable sur un parking.
Poncer un vieux parquet, c’est long, ce n’est pas franchement enivrant, hormis pour les oreilles et la cervelle qui ne cessent de vrombir malgré les boule quies.
Plusieurs fois sourd en moi l’idée de remiser le vieux masque qui me protège de la poussière et d’aller faire défiler, oisif, les dernières notifications sur Facebook…
« A quoi servent tes heures d’entraînement pour courir le 10 km en 30’ ? Qu’est que tu as appris ? Pourquoi tu ne le retranscris pas dans ton quotidien » me lance ma copine.
Un temps d’hésitation, histoire que mon cerveau assimile et traduise cette saillie. Je remballe mon irritation, je reprends donc ma ponceuse et continue, plus posé, plus calme, à poncer, poncer, poncer, satisfait de voir la fine surface du parquet se polir, (tout) petit fragment après (tout) petit fragment. Une méditation, presque.
Tout guilleret, j’ai trouvé une astuce, au passage, pour « optimiser » le temps – je suis gangréné du langage productiviste que j’abhorre : la façon de poncer, les pieds bien ancrés dans le sol, les fesses basses, presque à toucher le sol, c’est une formidable position –naturelle- de renforcement musculaire.
Les courbatures, le lendemain, seront formidables, aussi. Et je serais littéralement collé sur les 10×2’.
Mais là n’est franchement pas l’essentiel.
L’essentiel, c’était d’avoir mis le nez dehors quelques dizaines de minutes. L’essentiel se joue ailleurs : dans cette ambulance sirène hurlante qui déboule au coin de la rue, qui rappelle que le danger invisible est bien visible. J’ai l’impression qu’elles sont plus nombreuses qu’à l’accoutumée, ces ambulances : mon oreille y prête davantage attention ou c’est vraiment la réalité ?
1 réaction à cet article
Lazco
Bonjour,
Je suis d’accord avec vous, pourquoi vouloir à tout pris s’entrainer au quotidien, ce n’est pas le plus important actuellement, les personnes qui s’occupent de leurs bien être sportif sont égoïstes à l’heure d’ aujourd’hui, stop à la performance !!!