GIGN : le physique au service de l’excellence

L’exigence est leur quotidien, la condition physique un minimum. Au sein du GIGN, 100 hommes composent la force d’intervention, une unité où l’entraînement n’est pas un vain mot.

GIGN

Pour le public, ce sont des hommes habillés en noir, avec une cagoule sur la tête et un équipement impressionnant. Pour le public, ce sont les hommes qui se sont distingués à Dammartin-en-Goële (77) les 8 et 9 janvier 2015 lors de la traque et l’intervention contre les frères Kouachi ou encore à Marignane (Marseille) en décembre 1994 lors de la prise d’otages d’un Airbus A300. Pour le public, c’est un sigle que l’on voit parfois sur des gilets de protection à la télévision lors d’un reportage. La confusion se fait parfois avec les hommes du RAID tant l’équipement semble identique tout comme leurs fonctions. Pour faire simple, les uns sont des militaires et dépendent de la gendarmerie, les autres sont des policiers. Les attributions des affaires à l’une ou l’autre des forces se font en fonction des directives gouvernementales ou judiciaires sachant que le GIGN est surtout spécialisé dans le contre-terrorisme et la lutte contre le grand banditisme. Et pour la première fois, le 9 janvier 2015, ils se sont coordonnés pour des opérations simultanées contre les deux prises d’otages avec une intervention à Dammartin-en-Goële menée par le GIGN et une à Vincennes effectuée par le RAID.

Lors des premières rencontres avec les hommes du GIGN, on est tout d’abord étonné : on est bien loin du profil physique que l’on imagine et il faut très vite oublier les images caricaturales. Ici, pas de surhommes bodybuildés. Leur discours est posé, leur raisonnement tout autant, et une certaine sérénité se dégage de tous.

Mais le GIGN c’est quoi ? Ce sont avant tout 400 personnes réparties en cinq forces : La Force Intervention, la Force Sécurité Protection, la Force Observation/Recherche, le Groupe de Sécurité de la Présidence de la République (composé à 50% d’un détachement GIGN, et 50%  de personnels de la police nationale), la Force Appui Opérationnel et enfin, la Force Formation.
Leur mission ? Intervenir sur des faits de haute intensité  (terrorisme, prises d’otage(s), émeutes dans les prisons, arrestations de forcenés, risques ou menaces sur les intérêts vitaux de la nation)… C’est aussi de l’acquisition de renseignements et le suivi d’individus particulièrement dangereux.

Au vu de leurs spécialités et de leur mission, il n’est pas étonnant de les voir s’exprimer dans différents sports. Mais où est alors la part de l’entretien physique nécessaire à leur métier et celle qui leur permet d’entretenir une passion ? Il est pratiquement impossible de le savoir tant ils sont impliqués dans l’une et dans l’autre.

GIGNEt ce n’est pas un hasard. Car pour rentrer au GIGN, il faut avoir « la vocation » mais aussi des qualités physiques et mentales. Au niveau administratif, il faut être gendarme de carrière, avoir moins de 34 ans et être apte médicalement. Mais surtout, il faut passer les TESTS. « C’est une préparation sur un an, voire deux. La première phase de sélection se fait sur une semaine. Nous avons en principe 150 candidats » explique GP, chef de la Force Intervention. « A l’issue de la semaine, ils ne sont plus que 40. Puis, il y a les trois mois de pré-stage et au final, nous en intégrons 15, 10… parfois moins. Nous ne retenons pas les profils qui ne tiendront pas sous prétexte qu’il y a des postes à pouvoir. Et nous sommes obligés de faire du recrutement tous les ans car nous ne sommes jamais en effectifs complets. Il n’est pas question en revanche, de retenir des candidats qui ne répondent pas à tous nos critères. »

La moyenne d’âge des profils qui arrivent à rentrer ? « 28/29 ans parfois 25/26 mais il faut beaucoup de maturité, être stable émotionnellement et capable de gérer le stress. Il faut aussi savoir travailler en équipe. Les individualistes n’ont pas leur place ici. C’est le groupe qui fait la force et c’est un engagement au quotidien. Ce sont des capacités que nous parvenons à détecter sur les trois mois de pré-stage. »

L’individu au service du collectif

GIGNIl n’est donc pas question d’avoir des Formule 1 qui seront beaucoup trop fragiles. De fait, pas de champion du monde dans les rangs, à l’exception d’un, actuellement en poste. « J’ai eu du mal à convaincre lors des entretiens car ma spécialité en sport c’est le triathlon. Un sport d’endurance certes mais très individualiste. Il faut bien comprendre que nous devons être capables de continuer, même blessé, alors qu’un sportif de haut niveau va se préserver. A l’issue des trois mois de stage, j’avais deux côtes cassées. Si vous voulez être pris, vous devez continuer et accepter d’être moins performant tout en étant opérationnel, » explique Bertrand. « J’ai toujours été sportif. Durant mon enfance, je faisais de la natation, j’étais en sport études durant 15 ans. Puis mon père s’est mis au triathlon et j’ai suivi. J’ai été champion de France espoir puis champion du monde militaire en 2002. J’étais au bataillon de Joinville, engagé militairement et fier de l’être, ce qui fait que l’hiver pendant que mes potes de l’équipe de France se ressourçaient, je partais faire ma formation. » Dès qu’il quitte l’Equipe de France, Bertrand demande à passer en Gendarmerie. Un process qui demande normalement du temps mais qui est facilité en raison de son projet réel : rentrer au GIGN. Il faut alors entrer en école de gendarmerie. C’est ce qu’il fait. « De toute façon, je savais que je devais travailler physiquement pour être en mesure de passer les tests. J’ai demandé à être en poste à Versailles pour être au plus près du groupe. J’ai stoppé la compétition. Ensuite, au niveau de l’entraînement, j’ai vécu un peu sur mes acquis en natation et en course à pied afin de travailler mes lacunes, notamment en musculation et sports de combat. En musculation, je prenais des petites charges mais j’effectuais beaucoup de répétitions. Il ne fallait pas prendre du volume mais de la puissance. Je devais faire cinq séances de musculation par semaine. Je travaillais aussi les sports de combat car c’est une pratique essentielle dans notre formation. L’endurance est aussi une condition sine qua non. Ici tout le monde court un minimum. »

GIGNLe plus dur, lorsque l’on prépare les tests ? Jongler entre ses obligations de gendarme mobile et son entraînement. « La hiérarchie n’a pas à tenir compte du fait que vous préparez les tests pour entrer au GIGN, vous devez faire votre boulot comme tout le monde. Alors je partais m’entraîner le matin à 5h car j’ai aussi une famille avec deux enfants et je ne voulais pas sacrifier ce pan de ma vie. C’est aussi essentiel à notre équilibre. Et toujours vrai même lorsque les tests sont passés.»

Etre prêt physiquement mais aussi et surtout mentalement. Une donnée que l’on retrouve chez les sportifs de haut niveau qui depuis leur enfance, travaillent et travaillent encore, occultant la douleur et la fatigue. « Au GIGN, il faut être capable de résister au manque de sommeil, à la charge. Les hommes ont parfois jusqu’à 50 kg sur le dos. Cela nécessite aussi une force mentale. Et ça, quoi qu’on en dise, ça ne se travaille pas : on l’a ou on ne l’a pas. Ce n’est pas un jugement sur la personne mais un critère de recrutement. Et ce n’est pas parce que vous n’êtes pas pris au GIGN que vous êtes un mauvais gendarme ou un sous homme, c’est simplement que cela ne vous correspond pas, » précise Laurent.

Durant le stage, les hommes sont donc « poussés à bout physiquement. Cela se passe toujours l’hiver, avec des passages dans l’eau glacée, des séances de course à pied avec charge, des tests divers et variés que nous ne dévoilerons pas, avec une compression du temps de sommeil car c’est une donnée très importante dans nos missions. Nous cherchons des sportifs complets qui doivent être bon en endurance, avoir des bras et qui soient de bons combattants avec une énorme capacité d’adaptation. Et il n’y a pas de profil type car nous sommes toujours en équipe. Une unité est faite d’hommes complémentaires

« Chacun se doit de se maintenir au niveau, le test c’est le regard des autres »

Les trois mois de stages passés, place à un an de formation. Au quotidien, ensuite et aussi étrange que cela puisse paraître, il n’y en a plus de tests. L’équivalent de « la planche » chez les pompiers professionnels (exercice quotidien consistant à se hisser en haut d’une planche fixée à 2m40 à la seule force des bras) n’existe pas.

« Pas besoin de les contrôler et de les garder sous pression quant à leur forme physique, ils savent que c’est essentiel. Dans leur emploi du temps, 20% est consacré à l’entraînement avec du sport de combat, mais aussi des matches de foot pour la cohésion, des séances de course groupée…. Ils ont aussi des créneaux libres. Le test, c’est le terrain et le regard des autres. Chacun se doit de se maintenir au niveau. Pour être honnête, il est extrêmement rare de devoir recadrer un membre. Encore plus de devoir en écarter un. »

Ces hommes sont donc des compétiteurs dans l’âme, une donnée que l’on retrouve dans leur pratique loisir. Vincent est un adepte des sports de combat. « Je m’entraîne deux à trois heures par jour. J’avoue qu’en course à pied, même si je suis capable de tenir la distance, je ne suis pas excellent contrairement à certains. »  Quelques-uns se retrouvent en effet régulièrement dans les pelotons et affichent des chronos autour de 33mn sur 10 km, 1h12 sur semi-marathon ou 2h39 sur marathon.  « Chacun ses passions, l’essentiel est de toujours être présent. De plus, on se surveille amicalement les uns les autres. On est toujours un peu en compétition alors on essaye toujours d’exceller dans notre domaine, » affirme Vincent avec un petit sourire.

« Personnellement j’ai pratiqué le judo, jujitsu, différentes formes de boxe, la lutte en compétition et désormais le MMA. A 22 ans, je suis entré en Gendarmerie, et parmi toutes les spécialités de notre métier, l’intervention m’a toujours attiré. J’ai vu des reportages sur le GIGN qui m’ont forcément impressionné …. Après un cursus de peloton d’intervention et différents stages qualifiants, je me suis dit que je pouvais être à la hauteur. J’ai passé les tests d’entrée à 28 ans, et je peux dire qu’avec une bonne préparation physique, mentale, technique, on met toutes les chances de son côté …..Après, il faut aussi correspondre à ce que nous recherchons ici, l’état d’esprit, le collectif, etc. … »

Repousser ses limites, savoir se remettre en question afin de progresser, être toujours au maximum, rechercher ses failles pour mieux les travailler, être compétiteur, voilà bien des valeurs qui caractérisent un sportif de haut niveau.

Une exigence qui peut les amener à la blessure, à la négation de celle-ci voire au surentraînement. « Lorsque je ne vais pas m’entraîner, je culpabilise. J’ai comme un manque… les fameuses endorphines, » explique Bertrand l’ancien triathlète qui ne peut envisager participer à une épreuve de triple effort dans le peloton. « La course à pied ? Sur route, je ne sais pas trop, peut-être le marathon de Paris. Je faisais du marathon à l’époque, je tournais autour de 2h35, mais je suis plus tenté par le trail où je n’aurais pas de référence mais des atouts à faire valoir. C’est dans mes projets d’autant que notre préparation est pas mal en adéquation. Après, il faut aussi pouvoir gérer la préparation car entre le boulot, la famille, ce n’est pas toujours facile mais ça, c’est vrai pour tout le monde pas besoin d’être au GIGN. Disons qu’il y a en plus nos différents entraînements théoriques et pratiques, et surtout les périodes d’alerte (quinze jours par mois, ndlr), où là, vous ne pouvez participer à une compétition car vous pouvez partir à tout moment. »

« Le sport nous permet de nous ressourcer »

GIGNDes hommes qui ne doivent en effet jamais oublier qu’il n’y a pas que  le physique mais surtout les connaissances  militaires (la technique et la tactique militaire). « C’est une des raisons de nos multiples entraînements et stages afin d’être toujours en mesure de répondre présent. C’est pourquoi, il est nécessaire de ne jamais laisser la pratique sportive prendre le pas sur les exigences de notre métier, » ajoute le chef de la section.

Une alerte qu’aucun n’oublie. Coureur à pied, Piwi est un véritable passionné à la recherche de la moindre seconde gagnée. « Je suis des plans d’entraînement. Je m’affute mais je dois faire attention et travailler en permanence mon gainage afin d’être en mesure de supporter notre matériel, » explique celui qui s’entraîne en course à pied six fois par semaine et vaut 1h12 sur semi-marathon. Avec quelques amis du groupe, il est membre d’un club de running en région parisienne. « Surtout pour ne pas rester uniquement entre nous. Nous rencontrons d’autres personnes, parlons d’autres choses. Nous vivons tous ensemble dans les mêmes bâtiments, ce n’est pas toujours facile même si nous sommes amis et frères d’armes. Fréquenter un club, participer à des compétitions de course à pied, nous permet d’évacuer, de sortir. »  Une nécessité puisque de l’avis de tous, le mental représente 80% de leurs atouts lors d’une intervention. « Oui, il faut être bien physiquement. Oui, il faut être endurant, gainé, explosif mais cela ne servirait à rien si nous ne savions pas conserver notre lucidité et notre capacité d’analyse. Nous avons parfois une fraction de seconde pour réagir. Être prêt physiquement est nécessaire mais pas suffisant pour être performant, il faut donc trouver le moyen d’évacuer la pression et de se ressourcer.  C’est ce que nous apportent le sport et particulièrement la course à pied en ce qui me concerne.»

En résumé, les hommes du GIGN  sont des sportifs complets et performants où la fragilité n’a pas sa place et où la blessure n’est pas synonyme de repos. Ce ne sont donc pas des athlètes de haut niveau et ils ne pourraient être champions du monde. Ce serait plutôt, selon le chef de la Force Intervention: «  des lions qui savent vivre ensemble et en communauté tout en se mettant au service de la société. »

Certainement la meilleure définition. Celle qui leur a permis de mener à bien leur intervention à Dammartin-en-Goële ainsi que toutes celles qui leur sont confiées tout au long de l’année.

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