Frédéric Poirier : « Le marathon est une sorte de petit voyage individuel mais pas individualiste. »

42, c’est le nombre bien évidemment de kilomètres d’un marathon.
"Marathon, 42 destinations et conseils pour prendre le départ" est un livre écrit par Frédéric Poirier présentant un choix subjectif de 42 marathons à découvrir dans le monde.
Du mythique marathon de New-York au moins connu marathon du Loch Ness, en passant par les cinq autres « majors » que sont Tokyo, Boston, Londres, Berlin et Chicago.
42 destinations permettant d’allier sport et tourisme, visites et balades, offrant également aux accompagnateurs la possibilité d’encourager leurs coureurs tout en profitant d’un environnement agréable, le temps d’un week-end ou à l’occasion de vacances.

Frédéric Poirier né en mai 1965 a découvert l’athlétisme dès le collège, au milieu des années 70, avec les cross hivernaux, puis en club avec la piste, du 400 m au 1500 m.

Au milieu des années 80, Frédéric Poirier teste les courses à pied avec notamment Paris-Versailles et les 20 km de Paris, il dispute son premier marathon en 1984, à Paris.

En un peu plus de 40 ans, Frédéric Poirier a couru 42 marathons avec un record à Paris en 2h47.

Il collabore en tant que photographe et rédacteur avec des revues sportives et auprès de marques, d’organisateurs d’événements sportifs et de la Fédération française d’athlétisme.

Entretien avec Frédéric Poirier, un passionné d’athlétisme et notamment de course à pied.

Lepape-info : Frédéric, votre ouvrage est très complet, détaillé avec ce nombre mythique de 42 qui nous accompagne tout du long

Frédéric Poirier : L’idée m’est venue avec mon point de vue de quelqu’un qui court. Je vois bien s’il y a de l’ambiance, du monde mais je ne fais que passer dans le marathon. À l’occasion d’un reportage photo lors du marathon de Londres il y a quelques années j’ai vu qu’il y avait une ambiance de folie, j’entendais parler anglais, espagnol, italien j’ai réalisé qu’il y avait tout un aspect tourisme autour du marathon mais aussi un investissement des spectateurs qui se déplacent lorsqu’ils ont des proches dans la course. Cela m’a donné l’idée d’en parler, en allant sur d’autres marathons j’ai vu d’autres ambiances et l’idée a fait son chemin. Je me suis dit un marathon c’est 42 km (195 m) je vais essayer de trouver 42 destinations de marathons en proposant des anecdotes, un peu d’histoire selon les lieux. J’ai ajouté à cela 42 conseils, des choses pragmatiques de ce qu’il faut faire et éviter pour réussir au mieux son marathon notamment pour les novices sur la distance, des conseils qui sont le fruit de mon expérience vu que j’ai couru 42 marathons en 40 ans. J’ai également choisi de présenter 42 champions, championnes de marathon des plus anciens au regretté Kevin Kiptum, le recordman du monde qui nous a quitté en février dernier. Ce n’est pas une encyclopédie ni un guide touristique mais un ouvrage qui permet à ceux qui connaissent le marathon de découvrir certains parcours auxquels ils n’auraient pas pensé comme par exemple le marathon de Vienne en Autriche qui est très beau mais dont on ne parle pas beaucoup ou des courses plus atypiques comme le marathon du Loch Ness ou celui de Tromso en Norvège surnommé le marathon du soleil de minuit.

Frédéric Poirier : « J’ai découvert l’énorme ambiance qui existe à Londres, au départ sur 3 zones distinctes cela ressemble à une course de campagne sur la colline dans le parc de Greenwich, c’est très champêtre on a pas l’impression que c’est une grande course internationale. »

Lepape-info : Le marathon de Tromso disputé en juin est vraiment particulier

F.P : Fin juin on part à 22h, on arrive forcément le lendemain le soleil descend assez bas sur l’horizon mais il ne fait pas totalement nuit. La météo peut être un peu compliquée, en 4h de temps vous pouvez avoir les 3 saisons il peut y avoir de la grêle, des arcs en ciel, de la brume, c’est une ambiance un peu mystérieuse et une atmosphère très calme avec peu de spectateurs. On va là-bas en connaissance de cause, il fait partie des marathons auxquels on ne pense pas forcément.

Lepape-info : Le marathon de Kosice est une autre destination à part qui figure parmi les 42 que vous avez retenu

F.P : À l’est de la Slovaquie, pas loin des frontières de la Hongrie et de la Pologne, c’est le marathon le plus ancien en Europe (1ere édition en 1924), le 2e plus ancien au monde après celui de Boston. Kosice est une petite ville d’Europe centrale très agréable, facile à visiter, les habitants sont très fiers d’avoir un marathon certes peu connu en dehors de la Slovaquie mais qui est l’occasion d’une belle fête populaire du sport.

Lepape-info : En tant que photographe, vous avez du vivre des scènes, des moments incroyables

F.P : J’ai découvert l’énorme ambiance qui existe à Londres, au départ sur 3 zones distinctes cela ressemble à une course de campagne sur la colline dans le parc de Greenwich, c’est très champêtre on a pas l’impression que c’est une grande course internationale alors que c’est l’un des marathons les plus réputé au monde, c’est le marathon le plus prisé avec un record de 840 000 demandes pour environ 50 000 dossards pour l’édition 2025. Enorme ambiance avec tellement de spectateurs que parfois j’avais du mal à approcher du bord de la route, beaucoup de coureurs font le marathon pour des associations caritatives, un grand nombre d’entre eux se déguisent, on voit des choses invraisemblables, parfois farfelues avec ce côté décalé que peuvent avoir les Anglais. Sinon le marathon de Valence en Espagne possède une arrivée magnifique au niveau de la Cité des Arts avec une incroyable densité de très bons coureurs. À titre d’exemple au marathon de Berlin réputé très rapide, il y a environ 2 400 arrivants en moins de 3 heures, à Valence en décembre 2023 il y a eu 5 200 arrivants en moins de 3 heures c’est unique au monde, la ville est jolie, le parcours est agréable et on y réalise des performances. J’aimerai bien courir un jour les marathons de Valence et Londres.

Lepape-info : Certaines rencontres furent également marquantes

F.P : J’ai vu Kenenisa Bekele après son abandon sous la pluie à Berlin en 2017, la rencontre s’est faite à son hôtel 2-3 heures après, il était tranquillement assis, je me suis permis d’aller lui dire bonjour, je l’avais déjà croisé lors de son premier marathon à Paris en 2014. Cette fois à Berlin il était forcément un peu déçu on a discuté quelques minutes ensemble, c’était émouvant il était tout seul, abordable, c’était un beau moment même si ce n’était pas le plus glorieux pour lui. Plus récemment lors du marathon d’Amsterdam en octobre dernier j’avais vu la Française Méline Rollin qui venait de disputer son premier marathon avec en ligne de mire la qualification pour les Jeux de Paris, elle venait de manquer les minima pour quelques secondes. C’était incroyable car quelques heures après son arrivée elle était déjà focus sur le marathon de Séville prévu 4 mois après pour faire les minima. Sur le plan mental c’est très fort de pouvoir faire abstraction de ce qui venait de se passer pour se remobiliser, elle a relevé le défi à Séville avec le record de France à la clé et son billet pour les Jeux.

Frédéric Poirier : « J’aime bien les parcours en ligne, quand je regarde le tracé du Nice-Cannes je me dis 42 km cela représente cela, d’autres tracés comme ceux d’Athènes, de Boston sont dans le même registre, on s’en rend plus compte que lorsque l’on fait une boucle comme c’est souvent le cas sur beaucoup de courses. »

Lepape-info : Vous avez disputé votre premier marathon en mai 1984, quelle évolution incroyable depuis 40 ans !

F.P : Au milieu des années 80, peu de femmes couraient le marathon cela a changé au début des années 2000. Désormais sur certains marathons on arrive à 25-30% de femmes au départ, aux Etats-Unis sur certains marathons on constate même quasiment une parité hommes-femmes. Autre changement notable bien sur les chaussures. Dans les années 80, on courait avec des chaussures aux allures parfois sportswear, des maillots en coton, des shorts moulants façon cross, les tenues sont devenues plus confortables, plus adaptées en cas de chaleur. La révolution fut l’arrivée des chaussures carbone, au début tous les athlètes élite n’en profitaient pas, certains criaient à l’injustice maintenant la questionne ne se pose plus, ils et elles en ont tous. Autre évolution l’apparition du chronométrage électronique avec son temps réel à l’arrivée grâce aux puces sur les dossards. Les méthodes d’entraînement ont également changé, dans les années 80-90 on avait pas beaucoup de référence, on ne savait pas trop comment s’entraîner. À l’époque le principe était de faire, d’enquiller les kilomètres, on ne voyait pas des gens courir très tôt le matin en plein hiver ou le soir. Maintenant toute l’année on voit du monde courir régulièrement.

Lepape-info : Que représente pour vous le marathon ?

F.P : J’aime bien les parcours en ligne, quand je regarde le tracé du Nice-Cannes le long de la côte je me dis 42 km cela représente cela, d’autres tracés comme ceux d’Athènes, de Boston sont dans le même registre, on se rend plus compte de la distance que lorsque l’on fait une boucle comme c’est souvent le cas sur beaucoup de courses. Pour moi, le marathon est une sorte de petit voyage individuel mais pas individualiste, le faire en courant c’est environ 30 000 à 35 000 foulées, parfois votre esprit s’évade un peu, j’aime bien quand il y a sur les parcours les batucada, les percussions brésiliennes ou lire les pancartes d’encouragements sur le bord de la route. Il y a parfois des échanges sympas entre nous coureurs dans le peloton, vous pouvez trouver des alliés, on peut mutualiser les efforts, se soutenir sur la fin de course sans oublier les interactions avec les spectateurs.

Lepape-info : L’un des marathons le plus attendu de l’année sera celui des Jeux olympiques, on peut assister à d’incroyables surprises chez les hommes et les femmes

F.P : Ce seront des courses ouvertes, avec le parcours complètement atypique difficile de se livrer à un pronostic. Comme d’habitude aux Jeux il n y aura pas de lièvre, ce qui compte c’est la place, les médailles. Beaucoup se focalisent sur la Côte du Pavé des Gardes avec ensuite la dernière descente après le 30e kilomètre mais il y aura surtout avant le Château de Versailles, la première montée de Sèvres et Ville d’Avray on peut s’attendre à ce que certains attaquent à ce moment, de loin. Pour moi le juge de paix sera la dernière descente avant le 35e kilomètre avant de garder de quoi relancer sur les quais de Seine sur 6-7 kilomètres. Il faudra tenir compte de la météo, s’il fait chaud cela peut durcir la course. Sur le papier cela s’annonce spectaculaire, un athlète bon sur le cross et avec une bonne pointe de vitesse sur des distances comme un 3 000 m peut tirer son épingle du jeu. Pour le marathon des Jeux, cela va être compliqué pour les entraîneurs d’intégrer des séances spécifiques de musculation surtout qu’il n’y a pas de course préparatoire, les formats trail ne conviennent pas, les organisateurs ont fait un choix audacieux, inédit, tout le monde va devoir s’adapter. On a une belle délégation Française hommes et femmes et je leur souhaite d’être à la hauteur de leurs espérances.

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