Comment avez-vous débuté en trail et pourquoi ?
François D’Haene : Mes courses sur route, de randonnées en montagne et de ski ont fait que je me suis de plus en plus entraîné en montagne et surtout sur des sentiers. J’ai aussi toujours aimé les efforts longs et me suis tourné vers le trail dès mes 20 ans quand j’ai pu participer aux longues courses. Mon premier trail – que j’ai remporté – a été le Tour des Glaciers de la Vanoise en 2006.
J’apprécie le fait de courir en montagne et sur des chemins, de gérer l’effort et l’entraînement. Autre atout : l’ambiance des courses et entre les coureurs est conviviale.
Quel est votre état d’esprit avant et au départ d’une course ?
F.D’H. : Lorsque j’aborde une course, l’envie et l’excitation viennent autant de mon besoin de découvrir de nouveaux paysages et sentiers que de celui de me confronter aux autres et à leurs stratégies. Les craintes varient selon les courses. Sur un ultra il faut parfois ne pas regarder les concurrents et se concentrer sur soi et ses sensations, alors que sur des courses plus courtes on ne peut pas se permettre de ne pas tenir compte des autres. Alors je dirais que les craintes avant une course dépendent de la distance.
Quel est le plus beau chemin sur lequel vous avez couru, vos grandes joies et déceptions ?
F.D’H. : Les sentiers en montagne sont tous très beaux, que ce soient les forêts au Japon, les crêtes à Céüze (05) ou les escarpements des Blue Mountains (Australie). Je garde aussi en mémoire le lever de soleil sur le piton des Neiges (La Réunion) et au col de la Seigne (73). Ma première victoire au TGV (Tour des Glaciers de la Vanoise) reste un magnifique souvenir, ainsi que celle au Ventoux, alors que je venais d’intégrer le team, puis au Nivolet-Revard. En 2011 j’ai beaucoup apprécié ma victoire au Tour des Fiz (74). Ma famille était présente et grâce à ma grande forme j’ai pu m’imposer sans trop souffrir et apprécier pleinement le parcours et ses paysages somptueux. Grande déception, toujours en 2011, lors de mon abandon à l’UTMB. Je sentais que j’étais en pleine forme mais que la douleur ne me permettait plus d’avancer. Une souffrance morale et physique et un premier échec difficile à gérer.
Quel bilan tirez-vous de 2011 ?
F.D’H. : En 2011, je voulais me concentrer pleinement sur l’ultra afin de me rendre compte de mes capacités avec deux objectifs majeurs : le tour du Mont Fuji et l’UTMB. Le premier fut annulé suites aux catastrophes naturelles qui ont touché le pays. Je suis donc allé disputer une course assez rapide en Australie où je termine deuxième derrière Kilian Jornet qui me distance à 4 km de l’arrivée après 96 km de course commune. Même s’il n’a sans doute pas couru au maximum de ses possibilités, je suis très content de ma performance et de la planification de l’entraînement qui m’ont permis de faire cette course et de boucler comme il faut ces 100 km en moins de 9h30mn.
Ensuite il y a eu la Traversée Chamonix-Briançon qui a été une très belle réussite avec un effort commun de plus de 200 km. L’UTMB est alors vite arrivé. J’ai dû abandonner à 30 km de l’arrivée, suite à des douleurs insupportables à l’arrière du pied, alors que le top cinq était très envisageable. Je suis donc énormément déçu de ma performance qui m’avait demandé tant de préparation. Même si ces 137 premiers km se sont très bien déroulés je me sens très frustré encore aujourd’hui quand j’imagine ce que j’aurais pu faire sans cette douleur. J’ai ensuite eu beaucoup de mal à me défaire de cette douleur et j’ai repris tardivement l’entraînement pour finir par une inespérée sixième place aux Templiers.
Je ne peux donc pas dire que je sois satisfait de ma saison durant laquelle j’ai sans doute appris et progressé beaucoup même si la déception a été dure à gérer.
A quoi ressemble votre calendrier 2012 ?
F.D’H. : Je suis actuellement en pleine planification. Je ne peux pas vraiment donner le nom des courses sur lesquelles je serai présent, mais je pense tirer des leçons de l’an passé en commençant par des courses plus courtes et plus fréquentes en début d’année pour ensuite augmenter la distance petit à petit jusqu’à…??? km ! Je privilégie aussi généralement chaque année 3 ou 4 courses qui sont mes objectifs principaux et que je prépare généralement avec des stages d’entraînement et de reconnaissance.
Comment s’organise votre entraînement ?
F.D’H. : Hors coupure, je m’entraîne 5 à 8 fois par semaine selon le temps d’entraînement et son intensité. Mon entraînement est varié. Selon la distance de la course à préparer et mes besoins, je privilégie tel ou tel type d’entraînement ou filière sur laquelle travailler. J’essaye aussi de varier en faisant d’autres sports, mais ce que je préfère, ce sont les sorties longues où je me donne un secteur ou un massif et où je pars avec mon sac en allant où je veux et le pendant le temps que je veux !
S’entraîner à plusieurs me plaît beaucoup mais ça n’est pas toujours évident de trouver quelqu’un pour aller courir 6 heures. En conséquence, je me suis habitué à courir tout seul. J’ai un conseiller entraîneur (Christophe Malardé). On essaie de définir nos grandes lignes de conduite et je parle aussi de ma planification avec pas mal d’autres personnes : mon ancien entraîneur, Jean-Michel Faure-Vincent (manager du Team Salomon), mes amis…
Hors saison trail, je me repose, prends du poids, sors, bois du vin avec mes amis et ma famille mais je fais aussi beaucoup de ski de fond et de randonnée. Cette grosse coupure hivernale et le fait de participer à des courses qui me plaisent en essayant de concilier vie sportive et sociale contribuent à ma motivation.
Parlez-nous de votre diététique….
F.D’H. : Je n’accorde pas beaucoup d’importance à la diététique mais en course je m’hydrate beaucoup et essaie de manger régulièrement, ce qui me semble être deux points très importants. Je bois environ 700 ml de boisson énergétique par heure et mange quelque chose toute les demi-heures sous forme solide ou en gel.
Hors course je mange de tout, voire même un peu trop, en faisant attention à ne pas trop consommer de raclette la semaine avant les courses et en me limitant davantage à leur approche !
Quel regard portez-vous sur l’essor du trail, son organisation ?
F.D’H. : L’engouement actuel du trail est très impressionnant. J’espère que cela va continuer quelques années. Je ne sais pas si beaucoup de courses vont encore naître car le calendrier et déjà très dense, mais la tendance actuelle semble à l’ultra. Je ne suis pas forcément pour une fédération dans ce milieu. Les grandes courses n’en ont pas eu besoin pour exister et cela risque de transformer le trail en cross très long et donc de perdre de son intérêt, mais aussi de créer un fossé entre les niveaux. Ce qui différencie le trail d’autres sports c’est qu’au départ de la Gapen’cimes, par exemple, le champion du monde côtoie n’importe quel coureur du dimanche venu s’essayer au trail en étant sur la même ligne de départ au même moment.
Imaginez-vous le trail running discipline olympique ?
F.D’H. : Non car l’amateur ne serait plus mélangé aux autres et surtout parce que je ne vois pas comment définir la distance du trail : 30, 40, 60, 90 ou 130 km et son dénivelé. Un beau trail se crée parce qu’un lieu le permet. Dans une hypothèse olympique, il faudrait tracer un parcours sur un endroit qui ne s’y prête pas forcément.
Quels conseils donneriez-vous à un traileur ?
F.D’H. : Ne pas courir en fonction des autres et faire ce qu’il aime, en fonction de ses sensations. Le corps est souvent mis à rude épreuve et il ne faut pas oublier de se préserver… pour durer !
Quels sont vos loisirs durant votre temps libre, vos autres passions ?
F.D’H. : Jardinage, cuisine. Je passe du temps avec mon épouse, mes amis, ma famille. Je fais pas mal d’autres sports : vélo, ski, canyonning, alpinisme… Je ne suis pas très musique, j’aime bien en écouter en voiture mais pas lorsque je cours.
Quels sont les champions que vous admirez ?
F.D’H. : « Admirer » ne me semble pas être le bon terme mais Kilian (Jornet) m’impressionne beaucoup. Tous sports confondus, Haile (Gebrselassie) m’a fait rêver plusieurs années.
Enfin, si vous étiez une montagne et un chemin… ?
F.D’H. : Je serais une montagne enneigée, inaccessible et vierge et un chemin tortueux, rarement plat, tantôt en herbe, en sable, en forêt ou en pierrier mais toujours étroit.
François D’Haene
Né le 24 décembre 1985 à Lille
Membre du Team Salomon 2012
1,92 m – 65 à 75 kg selon les moments de l’année
FCM : entre 195 et 200
Palmarès
2011
1er du Signes Trail Méounes Belgentier
1er du Tour des Fiz
1er de Sur la trace du Bouquetin
Record de la Traversée Chamonix/Briançon (37h51mn49s)
2010
1er du Trail du Ventoux
1er du Signes Trail
1er du Trail du Nivolet-Revard
1er du Gapen’cimes
1er du Kanna Mountain Run & Walk au Japon
A lire aussi l‘interview de son coéquipier du Team Salomon 2012, Julien Chorier