Lepape-info : Erik, vous avez relevé le défi de Brest à Nantes dans des conditions pas toujours faciles
Erik Clavery : Pas faciles mais bien meilleures que ce qui était prévu. La première nuit on a eu très froid avec des températures en dessous de 0°C avec un terrain parfois boueux, parfois très humide avec des passages un peu plus inondés. Après la première nuit compliquée on a eu de bonnes conditions météo avec seulement un quart d’heure de pluie sur l’ensemble du week-end. J’ai même terminé dimanche avec le coucher de soleil c’était fabuleux.
Lepape-info : Comment avez-vous géré votre effort ?
E.C : Sauf le début où j’étais pas mal, ce fut dur quasiment tout le long. La première nuit fut rendue difficile par le froid, il a vraiment fait très froid avec en plus de la boue, de l’eau, cela ralentit la progression avec de la fatigue, des tensions musculaires. Le samedi s’est plutôt bien passé, j’avais un rythme régulier mais pas euphorique. J’étais sur un protocole bien établi avec 20 minutes de course et 2 minutes de marche que j’ai respecté. Je progressais bien. Une grosse fatigue s’est installée la seconde nuit, c’était la première fois que je vivais en plein effort une seconde nuit intégrale consécutive sans dormir. Cette nuit fut usante, j’étais fatigué, en état de somnolence, j’avais du mal à monter les genoux et à avoir une foulée de course, j’ai finalement pas mal marché. Pour terminer le dimanche les conditions météo étaient bonnes, c’était mieux avec l’arrivée qui approchait j’ai retrouvé un rythme plus régulier, une dynamique positive avec une alternance course / marche et recommencer à « manger » des kilomètres.
Lepape-info : Vous avez découvert le parcours le long du chemin de halage, vous l’avez apprécié ?
E.C : Le parcours était vraiment beau, j’étais bien sur tout le temps le long du canal mais il y avait quand même pas mal de diversité, j’ai des amis qui m’ont accompagné, qui ont été agréablement surpris et qui referont une autre fois le parcours en camping-car. La route était très bien entretenue malgré une récente tempête, c’est propre, agréable. On est coupé du monde en étant quasiment tout le temps en pleine nature, j’ai traversé très peu de villes. Le canal a été construit à travers la nature, les seules zones où il y a des villes sont celles où il y a des rivières qui font partie du canal avec des lieux comme Pontivy, Mur-de-Bretagne mais sinon c’est la nature, c’est joli et varié.
Erik Clavery : « Certains sont venus sans courir comme par exemple à 3h du matin dans la nuit de samedi à dimanche, une dame dans son ciré sur le bord du canal au pied de sa maison qui était juste là pour venir m’applaudir à mon passage en pleine nuit au milieu de nulle part. »
Lepape-info : Beaucoup de personnes vous ont accompagné tout au long du week-end avec de belles rencontres
E.C : Il y a eu de rencontres magnifiques, j’ai commencé à vraiment être bien accompagné à partir du samedi vers 9h du matin jusqu’à 1h du matin dans la nuit de samedi à dimanche. À 4h en pleine nuit une personne m’a accompagné et a fait 50 km avec moi et puis ensuite j’ai eu du monde jusqu’à l’arrivée. Je faisais cette traversée de la Bretagne dans un esprit caritatif pour la lutte contre le cancer et cela m’a permis de rassembler plein de gens pour des raisons différentes. Certains sont venus parce qu’ils me connaissaient, certains parce que je relevais un défi avec une performance sportive, d’autres parce qu’ils avaient déjà parcouru le canal à vélo et qu’ils voulaient refaire un tronçon avec moi, d’autres étaient sensibilisés à la lutte contre le cancer pour des raisons personnelles et que cela avait du sens de m’accompagner.
Lepape-info : Ce fut l’occasion de faire de belles rencontres comme vous l’espériez
E.C : J’ai eu des échanges avec des personnes très émouvantes qui m’ont raconté leur vécu avec leurs proches ou leurs familles, c’était parfois très poignant avec des moments de partages très forts. Certains sont venus sans courir comme par exemple à 3h du matin dans la nuit de samedi à dimanche, une dame dans son ciré sur le bord du canal au pied de sa maison qui était juste là pour venir m’applaudir à mon passage en pleine nuit au milieu de nulle part. Un ami qui m’a accompagné tout du long en VTT m’a dit que jamais il ne serait sorti ainsi en pleine nuit juste pour venir me voir quelques instants. Des personnes sont venues sur un point d’assistance pour donner de l’argent pour la ligue contre le cancer parce que c’est une cause qui les touche et qu’ils voulaient contribuer au projet. Quand je réalise ce genre de défi j’espère toucher au-delà du sport, ce fut le cas ce week-end.
Lepape-info : Ce défi a permis de collecter beaucoup d’argent ?
E.C : Avec la cagnotte et ce que l’on a récolté le long du parcours on doit être aux alentours de 2000 euros mais la cagnotte reste ouverte encore deux semaines. C’est toujours bien de collecter des fonds mais le principe état aussi de porter et de faire passer un message que temps que l’on est pas impacté par les choses comme là ici avec la cause du cancer on a tendance à laisser de côté. L’idée était de soulever un point, de le montrer, de communiquer et c’est plutôt réussi.
Lepape-info : Vous avez relevé ce défi aussi pour votre entraîneur Pascal Balducci (expert LEPAPE) qui nous a quitté en septembre dernier
E.C : Les courses que j’avais fait tout de suite après sa disparition comme le 100 km d’Amiens et le 24h à Oslo je les ai couru « avec » lui mais la charge émotionnelle était trop lourde. Ce week-end, j’ai couru bien sur en pensant à lui dans le bon sens et surtout pour une cause qu’il défendait, c’était une raison motivante et pas quelque chose qui était pesant.
Erik Clavery : « Des personnes sont venues courir avec moi comme cet homme qui m’a accompagné pendant 50 km, qui m’a dit qu’il fallait que j’aille jusqu’au bout en me racontant sa vie avec la perte de son fils il y a 3 ans d’une tumeur au cerveau alors qu’il avait 5 ans. Il est venu courir avec moi avec cette charge émotionnelle qui n’est pas du sport et qui montre qu’il y a plein de choses derrière. »
Lepape-info : Comment ressortez-vous de cette traversée physiquement et moralement ?
E.C : J’en sors fatigué mais j’étais bien entouré. Un copain de mon club a fait l’intégralité des 345 km à côte de moi en VTT, il y avait ma femme, toutes les personnes qui m’accompagnaient pour me ravitailler sans oublier ma kiné qui était géniale et qui me faisait un entretien tous les 10 km au niveau des jambes et je pense que c’est grâce à elle que j’ai très peu de douleurs musculaires. Bien sur j’ai des inflammations logiques au niveau du tendon d’Achille lorsque l’on fait 345 km mais peu importantes par rapport à l’effort consenti. Je pense que je vais bien récupérer, je suis plutôt optimiste. Humainement j’en ressors grandi, c’est différent de la traversée des Pyrénées et de tout ce que j’ai pu faire jusqu’à présent.
Il y a des notions au-delà du sport qui m’ont ouvert les yeux sur ce que pouvait apporter le sport au-delà du sport. Je suis conscient que le sport est profitable à tout, il y a des liens qui se créent. Des personnes sont venues courir avec moi comme cet homme qui m’a accompagné pendant 50 km, qui m’a dit qu’il fallait que j’aille jusqu’au bout en me racontant sa vie avec la perte de son fils il y a 3 ans d’une tumeur au cerveau alors qu’il avait 5 ans. Il est venu courir avec moi avec cette charge émotionnelle qui n’est pas du sport et qui montre qu’il y a plein de choses derrière. Cela montre aussi que dans la vie il faut se battre, qu’il ne faut jamais laisser tomber et pourtant pendant les 47 heures j’en ai eu des moments de faiblesse avec 5 heures et une température négative.
Lepape-info : Place à un peu de repos avant de nouveaux défis
E.C : Je vais faire 2 semaines sans sport avec quand même peut-être à la fin de la semaine une demie heure de home trainer en tournant les jambes tout doucement pour dérouiller la mécanique, récupérer activement mais de manière très tranquille avant d’envisager une reprise progressive et envisager la suite de la saison.