Lepape-info.com : Vous qui les avez vécus en tant qu’athlète puis en tant que consultant, que vous évoquent les Jeux Olympiques ?
Dominique Chauvelier : C’est presqu’un anniversaire pour moi, 20 ans après Barcelone ! Je crois que j’ai vécu les plus beaux Jeux de l’ère moderne. C’est l’époque Magic Johnson, etc… Une autre époque, avant que l’on entre véritablement dans le sport business.
Personnellement, à Barcelone, j’ai fait les JO, mais je ne les ai pas vraiment appréciés. En tant qu’athlète, on est dans sa bulle, on ne se rend pas vraiment compte. Ma femme, mes enfants, des amis étaient avec moi. Eux ont vécu un grand moment, mais moi je n’étais pas avec eux. En tant que sportif, on zappe plein de choses…
Et en tant que marathonien, je suis arrivé cinq jours avant le marathon, donc cinq jours avant la fin des épreuves. Je n’ai par exemple pas assisté à la cérémonie d’ouverture.
J’ai, en revanche, vraiment apprécié les Jeux d’Athènes, en 2004, en tant que consultant pour Eurosport. Je me suis amusé à aller voir le pentathlon moderne, etc…
Lepape-info.com : Et quels souvenirs gardez-vous sur le plan sportif ?
Dominique Chauvelier : Sportivement, j’étais très fort. Je venais pour faire partie des douze premiers. Mais j’ai craqué à la fin, je l’ai compris dès le 25ème kilomètre. Avant les Jeux, j’avais tenteéde battre le record d’Europe des 25 et 30 kilomètres sur piste (il est l’actuel détenteur des records de France en respectivement 1h15mn56s7 et 1h31mn53s2 établis le 13 juin 1992, ndlr). J’y ai laissé trop de jus.
Lepape-info.com : Qu’est-ce-qui procure aux Jeux une telle importance ? Le fait qu’il y ait autant de sports sur un même événement ?
Dominique Chauvelier : Oui, c’est une atmosphère particulière. Avec un public pas forcément connaisseur, mais du coup c’est agréable. Les spectateurs ne sont pas des spécialistes. Ils ne viennent pas nécessairement voir l’athlétisme parce qu’ils aiment ça, mais parce que ce sont les JO. Comme moi d’ailleurs, en 2004, lorsque je suis allé voir d’autres disciplines ! On se retrouve comme un gamin, à poser des questions, à essayer de comprendre comment ça marche.
Lepape-info.com : On ne vient pas aux Jeux Olympiques pour battre le record du monde du marathon, mais pour gagner. La course est-elle essentiellement tactique ?
Dominique Chauvelier : Ca ressemble un à un marathon aux championnats du monde. La différence, c’est qu’aux championnats du monde, il n’y a pas forcément les meilleurs. Si on demande son rêve à un marathonien, il répondra d’abord « être champion olympique », ensuite gagner le marathon de New York, et après faire un super chrono. Personne ne répondra devenir champion du monde, d’ailleurs personne ne souvient du nom du champion du monde. Alors qu’être champion olympique, même en 2h11, c’est extraordinaire.
De plus, il n’y a pas beaucoup de coureurs au départ d’un marathon olympique. C’est un petit peloton, avec quasiment uniquement des coureurs susceptibles de gagner. Ca enlève un peu de charme, selon moi, qui suis encore un peu dans l’époque Coubertin…
Quant à la tactique, je n’y crois pas vraiment. Au final, les meilleurs seront toujours Kényans ou Ethiopiens. On l’a vu aux Mondiaux de Daegu (en 2011). Quand on est capable de courir un 5 000 m en 14mn20s au milieu de la course…. (le Kényan Abel Kirui est devenu champion du monde 2011 en signant 14mn17s entre les 25ème et 30ème kilomètres, ndlr).
Aujourd’hui sur marathon, le vainqueur n’est pas une star du sport, comme peut l’être Usain Bolt sur 100 m. Ce que je trouve dommage…
Lepape-info.com : Quel regard portez-vous sur les représentants tricolores (Abdellatif Meftah, Patrick Tambwe, Abraham Kiprotich et Christelle Daunay) ?
Dominique Chauvelier : Chez les hommes, on n’a pas grand-chose à espérer. Quant à Christelle Daunay, c’est la seule en France qui s’est réellement investie et qui a réussi. Elle est en pleine force de l’âge, et sa blessure cet hiver sera un plus. Elle peut terminer dans les premières Européennes, être finaliste (dans les huit premières, ndlr) ou dans les 15 premières. Etre finaliste, ce serait extraordinaire ! C’est possible si les filles partent vite et que la tête de course explose. Si Christelle ne se montre pas trop au départ, elle peut revenir ensuite et en profiter.
Lepape-info.com : Comment expliquer le peu de marathoniens français de très haut niveau ?
Dominique Chauvelier : Il y a notamment un problème de détection. On voit beaucoup de jeunes en trail, en triathlon, mais pas sur marathon. Quand les jeunes comprennent qu’il faut 10 ans pour faire 2h08 sur marathon, ils se tournent vers quelque chose de plus ludique.
La course à pied est devenue populaire, mais certainement pas élitiste. Mais c’est la société qui évolue…
Dominique Chauvelier
Né le 3 août 1956 à La Flèche
Club : Free Run 72
Record personnel sur marathon : 2h11mn24s à Milan en 1989
Record personnel sur semi-marathon : 1h02mn36s à Saint-Malo en 1992
Palmarès
Champion de France de marathon en 1981, 90, 91, 93
Champion de France de semi-marathon en 1990
Champion de France de cross-country par équipes en 1994, 95, 96, 97