De son abandon aux Mondiaux de Budapest à son nouveau record de France du marathon à Séville… près de 6 mois au cœur de la préparation de Morhad Amdouni

Morhad Amdouni 2e du marathon de Séville (Espagne) en 2h03'47 a pulvérisé son record de France (2h05'22) et est devenu le 2e meilleur performeur européen de tous les temps derrière le Belge Bashir Abdi (2h03'36).
Après nous avoir fait partagé le déroulé de son programme d'entraînement depuis l'abandon lors des Mondiaux de Budapest jusqu'au marathon de Séville en passant par le marathon de Valence en décembre, notre expert LEPAPE Jean-Claude Vollmer qui entraîne Morhad Amdouni nous livre son analyse et son vécu au quotidien sur ces longues semaines de préparation.
Décryptage exclusif et progression de Morhad Amdouni depuis 2004.

Morhad Amdouni 2e du marathon de Séville en 2h03'47, nouveau record de France - Crédit photo : Zurich marathon de Séville

Morhad a abandonné vers le 29e km au marathon des championnats du monde, pas au niveau pour rivaliser avec les meilleurs car ayant été fortement perturbé dans la préparation par une douleur à la cheville (fissure du tibial postérieur) qui l’empêchait de pousser sur la jambe lésée.

Cette inflammation faisait suite à un autre problème au genou qui a perduré quelques semaines et qui a été corrigé par le port de semelles.

Il avait néanmoins réalisé de belles séances mais le travail périphérique était insuffisant pour rivaliser.

Dès le retour de Budapest, Morhad s’est projeté sur le marathon de Valence auquel il peut enfin participer suite à une intervention de Jean Gracia, le vice-président de la FFA. Mais avant il fallait impérativement guérir pour pouvoir s’entraîner.

Après quelques jours de repos et la confirmation que la fissure de la partie postérieure du tibial postérieure est toujours présente le traitement par PRP est décidé.

Conséquence : 5 jours d’arrêt complet, une semaine de reprise partielle (vélo, natation et quelques kilomètres) puis une semaine de reprise progressive.

Morhad décide d’aller à Font Romeu pour finir sa réathlétisation avec comme objectif le 20 km de Paris qui doit permettre d’avoir une évaluation de son niveau. Morhad va courir ce 20 km avec une seule séance de rythme et un tempo sur tapis ! Résultat 57’45 après une belle course en compagnie de son ami Sondre Moen ! Inespéré avec si peu de préparation mais Morhad est un compétiteur exceptionnel capable d’aller au bout de lui-même et sur ce 20 km il s’est mis «  minable » dans l’effort.

Très encourageant mais ce n’est qu’un 20 km et Morhad a déjà montré par le passé que sur le talent et le courage , il est capable de sortir de belles choses sur 10 km ou sur 20 km.

Mais maintenant que sa cheville le laisse tranquille il faut s’entraîner pour le marathon. Pour moi, Valence est trop tôt (8 semaines), l’idéal est de préparer Séville le 18 février (19 semaines) mais participer enfin à Valence est une forte motivation pour Morhad et me laisse des options par la suite en cas d’échec.

La performance de Morhad aux 20 km de Paris a aussi montré que le travail effectué depuis le marathon de Paris en avril, malgré quelques impondérables et séances perdues (blessures, Covid) n’était pas perdu, que les bases étaient là et que Séville était jouable.

Après quelques semaines à Paris et de belles séances, avec des enchainements de qualité (une première depuis bien longtemps) Morhad va au Kenya dans un environnement qui lui convient parfaitement, sans contrainte extérieure, sans horaire ! Il se consacre uniquement à l’entraînement, à bien manger, à récupérer en profitant des bénéfices de l’altitude et du soleil.

L’entraînement se passe bien, quelques sorties avec Sondre Moen qui prépare Fukuoka, quelques séances avec Djilali Bedrani , lui aussi en stage, le kilométrage augmente et atteint un niveau très respectable pour Morhad (170 km environ) avec de belles séances références qui mettent Morhad en confiance.

Hélas la dernière semaine est gâchée par un début de bronchite, de la fièvre qui empêche tout entraînement, ce que Morhad se gardera bien de me dire.

À Valence, après quelques péripéties (mais avec lui il y a toujours des surprises) Morhad est malgré ses bronches encore bien prises au niveau auquel je l’attends (entre 2h06’30 et 2h07) mais ses concurrents Français Mehdi Frère, Nicolas Navarro et la surprise Félix Bour sont forts et font mieux que lui !

Il n’est donc pas dans une position confortable dans la perspective des Jeux Olympiques. Morhad encaisse mais très vite la décision de faire Séville en février est prise sous réserve que la récupération se passe bien et qu’il n’y ait aucune douleur post marathon au bout de quelques jours.

Et c’est ce qui se passe ! Une semaine après Valence, Morhad peut s’entraînement normalement (c’est surtout cela les chaussures volantes : moins de douleurs musculaires, moins de casse, une récupération plus rapide). Décision est prise de repartir au Kenya pour une durée indéterminée à ce stade.

Très vite on se rend compte que s’appuyant sur ce qui a été accumulé (enfin) au cours des derniers mois, lors de la préparation pour les mondiaux, celle pour Valence lui donne enfin une base foncière sérieuse. Morhad commence à devenir marathonien, son économie de course s’améliore, sa foulée est fluide (normal, il n’a plus mal).

Morhad Amdouni (au premier plan) en séance d’entraînement lors de l’un de ses stages au Kenya

Le volume hebdomadaire est enfin satisfaisant et suffisant, les séances qualitatives excellentes (il ne faut pas oublier qu’il est à 2200 m d’altitude, qu’il ne court pas en groupe et n’est pas accompagné la plupart du temps). Donc la confiance est de mise ! Reste plus à Morhad de ne louper aucun avion et d’arriver à 100 % de ses moyens à Séville.

Stratégie à Séville : partir avec le 1er groupe avec lièvres prévus 1h02′-1h02’15 au semi donc sur des bases aux alentours de 2h04′.

Les lièvres font le boulot malgré quelques turbulences aux ravitaillements. Lorsqu’ils s’arrêtent, l’Ethiopien Deresa Geleta accélère, personne ne bouge dans le petit groupe puis Morhad se décide d’aller le chercher. À deux, ils s’échappent et prennent une belle avance. Au 37-38e km quand Morhad passe à ma hauteur, il a encore l’air bien et semble en mesure de pouvoir battre l’Ethiopien mais il commence à fléchir après le 38e tout en gérant bien la fatigue. L’écart reste stable sur les 3 derniers kilomètres.

Ces 2h03’47 avec ce double marathon et une préparation loin d’être optimale avant le mois d’octobre laissent penser qu’il peut un jour faire mieux.

Pourquoi ? Morhad, qui je le rappelle, vient du 1500 m (3’34.05 ) n’est pas encore un marathonien, il faut beaucoup de temps pour faire une vraie transition. L’entraînement peut donc être optimalisé avec un objectif : pouvoir être accompagné dans tous ses entraînements avec des partenaires de qualité.

À Séville, Morhad pesait 63,5/64 kg, il n’était pas véritablement affuté. Des gains peuvent être obtenus dans ce domaine avec un accompagnement. Gratter 1 kg aura des conséquences sur l’économie de course.

Les leaders se sont retrouvés seuls dès le 25e km, la densité à Séville est loin de celle de Valence.

Météo : si les conditions étaient bonnes à Séville (excellentes à Valence) le soleil était bien présent et sur les derniers kilomètres les températures étaient de 13/14 °C ce qui a contribué à la dérive cardiaque.

Quelques indications sur les contenus d’entraînement

En préambule sur le plan méthodologique une règle incontournable qui s’impose à tous : la règle des 3T à savoir Talent – Travail – Temps.

Le talent : Morhad a prouvé depuis ses débuts en cadets en 2005 que le talent il en avait. En PJ, les performances depuis ses débuts qui montrent bien l’étendue de son registre, digne des plus grands.

Sa carrière n’a pas été un long fleuve tranquille avec une traversée du désert de + de 3 ans de l’été 2011 au printemps 2015 suite à une opération du tendon d’Achille et une succession de blessures consécutives à cette opération. Pour les connaisseurs , un test de VO² passé en 2013 à l’INSEP, sans entraînement depuis des mois, a donné le résultat suivant : Vitesse à Vo² mas = 23 km /h .

Le travail : Ceux qui le voient à l’entraînement comprennent vite que Morhad travaille très durement et qu’il est capable de séances que peu d’athlètes sont capables de réaliser.

Le temps : Il faut toujours du temps. Si certaines disciplines permettent la seule expression du talent , le marathon est autre chose. On peut être bon sur 1500 m, très bon sur 10000 m , excellent sur marathon et ne jamais passer sur marathon. Devenir un marathonien est non seulement affaire de physiologie mais aussi de mental et de résilience , car si un sauteur en longueur peut  faire 10 concours pour réaliser des minimas (donc 10 x 6 =60 possibilités) le marathonien joue tout sur 1 ou 2 marathons !

Pour le reste, c’est à l’entraîneur de jouer et de maîtriser à minima la connaissance de la discipline et le profil de l’athlète.

1er objectif de l’entraînement : Transformer Morhad en vrai marathonien, sur le plan physiologique et sur le plan mental car il se voit toujours faire des performances de très haut niveau sur 5,10 , 21 km ce qui n’est pas hors du temps mais ne correspond plus à son état actuel car quand on monte sur marathon il faut y rester . Cela a été la grande erreur de Gebrselassie venu sur marathon en 2002 , revenir sur 10000 m pour 2004 (sans succès) et repartir sur marathon en 2005 .

Principe d’action : Etre capable de courir de plus en plus longtemps à l’allure marathon cible marathon. Pour les lecteurs intéressés, se reporter aux articles parus sur le site LEPAPE INFO ou dans mon livre «  Objectif marathon : se fixer un chrono, s’entraîner, gérer sa course » dans lesquels je développe ma conception en regard des sorties longues à allure lente que je considère pour ma part comme n’apportant rien sinon de la fatigue inutile. Courir lentement c’est pour récupérer pas pour s’entraîner. Ce qui compte c’est maîtriser l’allure spécifique marathon de plus en plus longtemps.

Quelques séances clefs (que vous pourrez dans les plans réalisés) retrouver à l’entraînement réalisées particulièrement sur tapis de course sur des durées proches ou supérieures à des allures cibles marathon montraient les progrès dans ce domaine. Le tapis de course à haute allure sur des durées longues est un exercice impitoyable, bien plus dur que faire ses séances en extérieur.

Les séances réalisées laissaient largement présager qu’un temps de 2h04′ était parfaitement accessible car Morhad est capable d’aller plus loin en termes d’engagement en compétition qu’à l’entraînement.

Un petit point sur la musculation ! Morhad est fort, il a toujours fait de la musculation car quand il était blessé il ne pouvait faire que cela ! Quand il se sent fort il se sent solide donc mieux en course.

Son travail est basé sur de la force endurance avec enchaînement de circuits (3 à 4 )  de 6 à 8 ateliers . il travaille également beaucoup son gainage et réalise un travail de proprioception et de renforcement chevilles – mollets, pas d’étirements et de temps en temps du yoga.

Morhad Amdouni et son entraîneur Jean-Claude Vollmer à l’arrivée du marathon de Séville

Articles préparation Morhad Amdouni (jour par jour) :

https://www.lepape-info.com/actualite/morhad-amdouni-de-son-abandon-aux-mondiaux-de-budapest-au-marathon-de-valence/

https://www.lepape-info.com/actualite/de-valence-a-seville-la-preparation-de-morhad-amdouni-a-la-loupe/

Palmarès Morhad Amdouni :

2005 : Champion de France cross  cadets + Champion de France cadets 3000 m cadets

2006 : 12e championnats Europe juniors de cross ( 3e par équipes) / 10e en série des championnats du monde juniors sur 1500 m

2007 : Champion d’Europe de cross (1er équipe) / Champion d’Europe juniors sur 5000 m / Champion de France juniors de cross et sur 1500 m / 38e aux championnats du monde de cross.

2008 : 8e Championnats d’Europe de cross ( 3e par équipe espoirs)

2009 : Champion de France espoirs de cross / Records de France espoirs sur 3000 m en 7’37.50 et 5000 m : 13’14.19 / 63e aux championnats du monde de cross/ 8e en série aux championnats du monde sur 5000 m

2010 : 5e aux championnats d’Europe de cross ( 1er par équipe)

2011 : Champion de France de cross / 7e aux championnats d’Europe de cross (1er par équipe)

2015 : Champion de France 1500 m / 9e en ½ finale aux championnats du monde sur 1500 m / 9e aux championnats d’Europe de cross (2e par équipe)

2016 : Champion de France 5000 m /13e aux championnats d’Europe sur 1500 m et 5e sur 5000 m / 17e aux championnats d’Europe de cross

2018 : Champion d’Europe sur 10 000 m, 3e sur 5000 m / Champion de France de cross

2019 : 2h09’14 sur marathon

2020 : 8e au championnat du monde de semi-marathon / Record de France de l’heure 20 772 m

2021 : 10 ème aux Jeux olympiques sur 10000 m / 17 ème aux Jeux olympiques sur marathon

2022 : Champion de France de cross / Record de France du marathon en 2h05’22 à Paris

2023 : Champion d’Europe de cross par équipe

2024 : Record de France du marathon 2h03’47 à Séville

PROGRESSION DE MORHAD AMDOUNI DEPUIS 2004

11 réactions à cet article

  1. Excellent article, très intéressant, un petit bémol, je reste sur ma faim concernant le travail de musculation qui est peu détaillé.

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  2. Un grand champion Mourad Adouni et un entraîneur légendaire avec une science de l’entraînement.
    Un duo parfait ! Un beau résumé de l’article.
    Un guerrier dur au mal et une générosité dans l’effort avec un sage (Jean Claude Vollmer) qui a une humanité et une compétence technique dans l’entraînement.
    Bref bravo pour la performance de l’athlète /entraîneur.
    Vincent Rousseau.

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  3. Le fait que Monsieur Vollmer l’entraine et le suive me rassure pleinement sur la qualité des résultats. Il y a 10 ans pour ma reprise (à 41 ans ^^) , j’avais fait son entrainement 10km 32′ qui fut un succès. Merci Monsieur Vollmer pour tout ce que vous faite et votre bienveillance.

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    • A plus de 35 ans, avec une blessure au tibial postérieur qui est vraiment le tendon du coureur avec le tendon d’Achille, et 2 marathons rapprochés, je doute vraiment de l’état « clean » de cet athlète. Surtout que Vollmer nous dit qu’il n’a pas encore fini sa transition du 1500 au marathon. Totalement incohérent. Car s’il avait optimisé son économie de course , il aurait fait combien ?? 2h ?? Quand on le voit courir, on voit bien que ce n’est pas fluide et heurté à chaque foulée. Chose totalement impossible pour un marathonien. Il suffit de voir courir Navarro ou Frère pour que la différence saute aux yeux.

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      • Sans manquer de respect a Mehdi Frère et Nicolas Navaro, Un Hassan Chahdi ou Mohrad Amdouni ont peut être plus de talent et de capacités de base. Et ça, conjugué au travail , ça fait de meilleures résultats. La foulée ne fait pas un chrono. Moi je peux courir au top visuellement, mais je ne ferais pas moins de 3h…

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  4. Très intéressant, merci pour le partage.

    – Quelques coquilles/confusions sur Valence/Séville « Dès le retour de Budapest, Morhad s’est projeté sur le marathon de Séville auquel il peut enfin participer  » – « que les bases étaient là et que Séville était jouable. » c’est VALENCE là je pense.

    – « Morhad a prouvé depuis ses débats en cadets  » – débuts

    – « On peut être bon sur 1500 m, très bon sur 10000 m , excellent sur marathon et ne jamais passer sur marathon » – excellent sur SEMI-marathon »

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  5. Carrière tellement irrégulière…est ce qu il y a encore des personnes qui y croient…quand JC Vollmer prévoit son temps sur marathon et que deux mois plus tard il fait trois minutes de mieux…on est sur des temps d elites mondiales ou les minutes sont des différences de niveaux considérables(cf Gebresselasie..)Impossible d y croire sérieusement.

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  6. Typiquement français , le masochisme… champion du monde du tir de balle dans le pied .
    Les Hollandais et le Monde du sport ont du respect pour les perfs de sifan hassan même si elle a fréquenté un des plus grand tricheur (Alberto Salazar) de l’histoire de l’athlé .
    La calomnie est l’arme des lâches , sans parler de l’opprobre que cela jette à l’agence mondiale antidopage .

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  7. Quand on sait le travail que cela représente
    Le talent et la prédisposition et l’encadrement qui va avec, il n’y a rien d’anormal
    Moi j’ai j’ai progressé de 30 minutes, 2 h 30 mais pas assez de talent pour voir plus haut, reste le plaisir

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  8. C’est bien français….dès qu’un français réussi il y a suspicion. Il y a des instances qui ont la responsabilité de contrôler et qui le font. Ayons confiance en l’athlète.
    Ah si on parlait comme ça de monsieur boulard mbape !

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