Lepape-info : David, vous avez vécu un week-end bien chargé en tant que concurrent mais aussi aux côtés des organisateurs
David Barnabé : L’an passé lorsque j’ai rencontré l’organisateur Jean-Luc Monges, un lien s’est crée entre nous. Au départ, il voulait m’inviter pour venir courir, nous avons beaucoup discuté, il est revenu me voir plus tard et m’a expliqué qu’il souhaitait faire un parcours pour les handisports en me demandant d’être le parrain et de participer. Ce fut un grand plaisir et une fierté d’être ainsi mis en avant. Je me suis arrangé pour être libre toute la semaine pour donner un coup de main à l’organisation.
David Barnabé : « La fin est terrible avec la montée des 45 marches, même si vous êtes épuisé, les encouragements, les cris des gens vous donnent la chair de poule tout en étant fatigué. J’entendais mon nom, des bénévoles étaient venus me voir au bord du parcours notamment lors de cette montée, cela vous donne des frissons, c’est impressionnant. Cela vous galvanise et vous donne vraiment envie de finir. »
Lepape-info : Votre rôle, votre aide auprès de l’organisation consistait en quoi ?
D.B : J’ai aidé à installer les stands, préparer les sacs pour les participants et tout mettre en place. C’est impressionnant l’énergie que demande l’organisation d’un tel évènement. J’ai fait entre 7 et 10 km par jour selon les journées, on n’arrêtait pas et je ne m’attendais pas à cela. La semaine fut rude et le dernier jour je commençais à m’inquiéter car je me sentais bien fatigué et j’avais une course à faire. Du coup j’ai dormi une heure avant le départ (rires) heureusement sinon je ne pense pas que j’aurais tenu. Le dimanche matin avant ma course prévue l’après-midi, j’ai fait la promotion de l’évènement auprès des gens présents sur place. Mais après j’avais mon trail de 10 km à faire.
Lepape-info : Comment votre course s’est-elle passée ?
D.B : Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi dur que cela. Le site est magnifique, heureusement que j’avais une équipe autour de moi, un coach qui m’a bien préparé avec les entraînements qui fallait pour gérer au mieux les montées. Vous êtes aussi porté par les spectateurs et les autres coureurs qui passent devant vous, qui voient votre handicap et qui vous félicitent. Rien qu’en voyant cela vous ne pouvez pas arrêter, cela vous donne du baume au cœur. La fin est terrible avec la montée des 45 marches, même si vous êtes épuisé, les encouragements, les cris des gens vous donnent la chair de poule tout en étant fatigué. J’entendais mon nom, des bénévoles étaient venus me voir au bord du parcours notamment lors de cette montée, cela vous donne des frissons c’est impressionnant. Cela vous galvanise et vous donne vraiment envie de finir.
David Barnabé : Le travail de côtes que j’ai notamment fait pendant les 2 mois qui ont précédé la course m’a beaucoup servi même si j’en ai bavé. Quand vous travaillez en fractionné sur des montées sur une courte période de 20-30 minutes, on subit au niveau des jambes lorsque l’on est handicapé. En montée vous souffrez et en descente vous devez apprendre à gérer pour ne pas partir comme un fou. »
Lepape-info : Vous avez fait ce 10 km avec les autres concurrent(e)s qui n’étaient pas en situation de handicap, c’était une première pour vous ?
D.B : Dans le peloton nous étions seulement une dizaine en situation de handicap. Il y en avait un qui avait une prothèse en titane, un malentendant et d’autres qui avaient d’autres handicaps. J’avais déjà fait il y a 15 jours pour une association un trail qui s’appelle la Gend’Run (challenge running caritatif au profit d’associations Gendarmerie) qui cette année se disputait au profit des Gendarmes de Cœur et des Etoiles Bleues. Je suis le parrain de l’association Gendarmes de Cœur qui œuvre au quotidien pour venir en aide aux militaires de la gendarmerie touchés par la maladie, le handicap ou un décès.
Lepape-info : Faire un trail avec une prothèse est un sacré défi, comment l’avez-vous envisagé ?
D.B : J’aime beaucoup me lancer des défis, cela ne fait qu’un an et demi que je cours. L’an passé j’ai fait le semi marathon de Paris mais qui est une course sur route. Ensuite j’avais fait un cross avec la gendarmerie qui était un peu plus compliqué, vallonné mais ce n’était pas un trail. Cela n’a rien à voir au niveau des appuis, la préparation et même le repos sont différents. J’ai la chance d’avoir mon coach qui est devenu un ami et qui m’a dit que je ne pouvais pas préparer un trail tout seul. Il s’appelle Christophe mais son surnom c’est Titi cross. Pour un trail le programme est adapté avec un gros travail sur les montées. Certains jours j’avais la consigne de courir tranquillement et d’autres jours je faisais du fractionné. Le travail de côtes que j’ai notamment fait pendant les 2 mois qui ont précédé la course m’a beaucoup servi même si j’en ai bavé. Quand vous travaillez en fractionné sur des montées sur une courte période de 20-30 minutes, on subit au niveau des jambes lorsque l’on est handicapé. En montée vous souffrez et en descente vous devez apprendre à gérer pour ne pas partir comme un fou. Des séances que j’ai fait principalement en forêt de Fontainebleau (Seine-et-Marne) près de chez moi et donc pas sur route. Autre détail important ma prothèse prise pour le trail est plus lourde que celle utilisée sur route. Elle pèse 2,4 kg, j’ai un pied Challenger avec une chaussure alors que ma lame de course sur route pèse 1,2 kg.
David Barnabé : « Les gens n’ont pas l’habitude de voir des personnes comme moi faire un trail. Certains qui me voyaient déjà avec ma prothèse normale, que j’utilise au quotidien, sont venus me voir pour me poser des questions et savoir si j’allais courir. Lors du semi marathon de Paris, beaucoup de personnes avaient déjà été étonnées, vous imaginez sur un trail avec le terrain accidenté, plus compliqué. »
Lepape-info : Que retenez-vous de cette expérience trail ?
D.B : Une grande fierté d’avoir couru pour une bonne cause et de voir l’engouement autour de moi avec les remerciements, les félicitations de certaines personnes. Quand vous voyez cela vous vous sentez normal, cela fait plaisir et du bien de se sentir normal. Très fier également d’avoir ma femme présente à l’arrivée, elle subit mes entraînements, mes absences, elle me suit beaucoup au niveau de l’alimentation, de ma préparation, elle me booste, heureusement qu’elle est là. Enfin je ressens aussi beaucoup de fatigue, je suis épuisé mais je retiens beaucoup de belles images. Rien que le départ avec la tradition de le faire avec des chevaux devant les concurrent(e)s (tradition du Tail des Gendarmes et Voleurs de Temps), de courir dans un champ, de faire attention avec la prothèse mais dans une telle ambiance que vous avez envie d’aller au-bout. Ensuite quand vous voyez certaines montées vous vous demandez ce que vous faîtes là et puis avec le sourire et les encouragements des spectateurs, vous leur dites merci et vous continuez. C’est un monde à part. Depuis que je cours je me rends compte que les gens sont sincères avec vous, tout le monde s’encourage et est heureux de faire le parcours ensemble.
Lepape-info : Beaucoup de gens étaient étonnés de vous voir faire le trail avec votre prothèse ?
D.B : Oui les gens n’ont pas l’habitude de voir des personnes comme moi faire un trail. Certains qui me voyaient déjà avec ma prothèse normale, que j’utilise au quotidien, sont venus me voir pour me poser des questions et savoir si j’allais courir. Certains ne se rendent pas compte tout de suite que j’ai une prothèse avec la chaussure. Quand ils sont vraiment à côté de moi et qu’ils réalisent que c’est une prothèse ils sont très étonnés. Beaucoup sont venus me féliciter. Lors du semi marathon de Paris, beaucoup de personnes avaient déjà été étonnées, vous imaginez sur un trail avec le terrain accidenté, plus compliqué.
Lepape-info : Vous avez 53 ans, votre handicap date de quand ?
D.B : Je suis gendarme mobile instructeur à l’école de gendarmerie de Fontainebleau. En 2007, je me suis blessé à la cheville lors d’un exercice de nuit au Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) à Saint-Astier. Ma cheville a fait une 180 degrés. Le premier médecin voulait m’amputer, le deuxième a refusé et m’a sauvé la jambe. Mais à partir de 2013, cela s’est compliqué, j’avais retrouvé mes aptitudes, j’ai subi une deuxième opération, cela n’a pas trop fonctionné. Après une dernière opération en 2016 et ensuite 2 ans et demi de souffrance, j’ai demandé l’amputation de ma cheville droite le 11 janvier 2019. J’ai commencé à courir en 2020.
Lepape-info : En tant qu’instructeur, quel est votre rôle ?
D.B : Je veux montrer aux jeunes dans les écoles de Gendarmerie que ce n’est pas parce que vous avez un accident dans la vie que tout s’arrête. Je suis content car 2-3 jeunes ont voulu courir avec moi, même si ce n’était que sur 100 m cela m’a touché, c’était beau. Vous vous dites : « J’ai fait passé le message ». C’est bien quand dans un sport avec un handicap ou pas on peut se mélanger. C’est bien de faire les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques à côté mais disputer des épreuves tous ensemble cela ferait du bien, on se sent un peu plus normal.