Lepape-info : Clément, quel bilan tirez-vous de votre année ?
Clément Guibert : Ce fut une belle saison car j’ai coché toutes les cases que je m’étais fixé. J’avais prévu au départ de faire 6 courses, finalement je n’ai pas participé à la dernière le Trail des Templiers (annulé en raison du mauvais temps). Sur les 5 autres rendez-vous, j’ai réalisé les 5 meilleures performances de ma carrière qui déterminent ma côte ITRA* (indice de performance). J’ai converti en 2019 des choses que j’avais esquissé en 2018 en terminant 25ème de la Lavaredo (dans les Dolomites) et 32ème de l’UTMB (Ultra-Trail du Mont-Blanc) en 25h40’28 ». Le nouveau challenge lorsque je vais m’aligner sur les mêmes courses sera de vivre pleinement l’évènement sans vouloir se comparer aux années précédentes et qui met une pression qui va à l’inverse d’un certain lâcher-prise dont vous avez besoin en Ultra et qui n’est ma qualité première.
Lepape-info : La Lavaredo et l’UTMB ont demandé une préparation spécifique ?
C.G : Mes 3 premiers Trails de la saison m’ont servi de préparation. Les Cabornis, le So Bugey et le Nivolet Revard m’ont validé mes indicateurs en vue des Ultras. Pour le So Bugey, j’avais même fait 4-5 heures d’entraînement corsé la veille après déjà une semaine chargée pour arriver bien fatigué histoire de valider des cycles d’entraînement. Ces rendez-vous entre 40 et 55 km vous forgent la cuisse avant l’été.
Lepape-info : Comment se gère l’enchaînement des courses ?
C.G : L’enchaînement devient compliqué l’été quand vous arrivez dans vos objectifs principaux. Le but est d’en avoir fait suffisamment pour encaisser les efforts mais pas trop pour ne pas être cramé. Il faut éviter de sursaturer une saison, pour moi c’est 2 ou 3 Ultras maximum par année. En 2020, il y’en aura 3 mais avec le premier plus tôt aux Canaries en mars. Tout dépend si vous cherchez ou pas la performance optimale intrinsèque. Je n’ai pas envie de collectionner les Ultras comme des perles, certains le font parce que cela leur permet aussi de faire des voyages. Moi je suis revenu cette année pour la 3ème fois sur l’UTMB car c’est le « game », la référence, le maître-étalon de l’Ultra.
Clément Guibert : « Cette année, pour finir l’UTMB, je me suis calé ma play-list sur « Killing In The Name » du groupe Rage Against The Machine et je l’ai écouté en boucle pendant 3 heures ! »
Lepape-info : Cette année votre préparation à l’UTMB fut loin d’être idéale …
C.G : Deux semaines après la Lavaredo, lors d’une reconnaissance de l’UTMB, je me suis fait une tendinite et je n’ai pas couru de la mi-juillet jusqu’à deux semaines avant l’UTMB. J’ai fait 160 km en un mois alors que vous êtes censé en faire environ 500 ! J’ai fait du vélo avec j’estime 40 000 m de dénivelé au total en 4 semaines. Cela fait deux ans que je travaille avec un préparateur mental Stéphane Brogniart (ancien trailer de haut-niveau, TOP 10 UTMB). Il m’aide à convertir des aspects de mon entraînement, de mon travail que je fais en parallèle avec Optimasport Solutions et Vincent Rabec, mon coach depuis mes premières foulées en 2014. Cette année, cinq jours avant l’UTMB, j’appelle Stéphane Brogniart et je lui dis que ma tendinite était revenue, qu’elle n’était pas partie. Et là il me dit: « Tu te compares à 2018 et tu te trouves toutes les excuses pour t’arrêter au stand au bout de 30 bornes ! » Après vous vous persuadez que la tendinite c’est dans la tête que c’est lié au stress et d’ailleurs je n’ai jamais eu mal une fois la ligne d’arrivée franchie.
Lepape-info : Vous faites de beaux comptes-rendus sur votre page Facebook de vos Ultras
C.G : C’est une certaine tradition dans le milieu du Trail. Sur un Ultra on vit une aventure qui dure entre 15 et 50 heures selon les épreuves, à raconter et à mettre sur papier cela prend du temps mais cela permet de revivre le truc. Après la performance il faut descendre de son petit nuage, le Trail s’est démocratisé. Boucler des Ultras en étant un peu préparé c’est maintenant quelque chose d’abordable et c’est bien d’en faire profiter les autres.
Lepape-info : Avec une anecdote sympa cette année sur l’UTMB …
C.G : En 2018, sur l’UTMB j’avais décidé de courir sans musique, sans chrono, à l’aveugle et du coup j’étais complètement libéré. Cette année, je ne voulais pas faire de comparaison avec l’an passé et je me suis dit que j’avais la musique avec moi et que si j’en avais besoin à un moment je la prenais. A 4 heures de l’arrivée, j’ai senti qu’il me fallait ce coup de boost additionnel. Cette année pour finir l’UTMB, je me suis calé ma play-list sur « Killing In The Name » du groupe Rage Against The Machine et je l’ai écouté en boucle pendant 3 heures ! Le coté hypnotique, engagé, révolté de la chanson m’a porté. Elle était à l’image de ce que je voulais montrer, moi qui au début avait fait une course sur la réserve je voulais sur la fin sortir tout ce que j’avais en moi avec mes tripes, c’était un beau voyage.
Lepape-info : Où trouvez-vous la motivation course après course ?
C.G : Je ne la cherche pas, c’est dans mon mode de vie. C’est un rapport au Trail, à la nature qui me passionne pour aller m’entraîner puis aussi une préparation pour les compétitions. C’est un mélange des deux aspects, l’entraînement jour après jour et la compétition sont aussi importants. Par exemple, pour en revenir à l’UTMB, le paysage est magnifique après si c’est pour admirer le paysage rien ne vous empêche de faire le tour du Mont-Blanc en 7 jours ! Quand je me suis fait ma tendinite avant l’UTMB cette année et que je n’étais pas sur de pouvoir être au départ et que je me préparais quand même je me disais: « Au moins tu auras « poncé » les Dolomites à vélo ! » et rien que de me dire cela j’étais heureux.
Lepape-info : Quels sont vos objectifs en 2020 ?
C.G : Je commence en mars par la Transgrancanaria (Canaries) avec 127 km et 7 000 m de dénivelé. C’est la première fois que je vais faire un Ultra à la sortie de l’hiver et c’est exprès pour bouleverser mes schémas préconçus. Jusqu’à présent je pensais que ceux qui faisaient un Ultra si tôt dans l’année étaient des grands malades d’être prêts à ce moment de la saison. Du coup, le ski de randonnée cet hiver sera plus orienté dans un axe de préparation compétition. Ensuite, j’ai prévu de participer avec mon épouse au One & 1, un Trail en deux étapes en duo. En juin, je serai au départ du Samoëns Trail Tour avec 129 km et 9 200 m de dénivelé, c’est une « boucherie » en terme de dénivelé ! A Samoëns, je cours à domicile, là où j’ai mon pied à terre. J’ai envie d’aller dans une introspection profonde. Enfin la tentation est grande de retenter l’UTMB avec d’ici deux ans le défi de passer sous les 24 heures en attendant en 2020 je vais faire la TDS (Sur les Traces des Ducs de Savoie), l’une des courses de l’UTMB.
Lepape-info : Quelle est votre devise, votre leitmotiv dans la vie ?
C.G : « Ici et maintenant » ou encore « l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ». C’est un peu cela, pour beaucoup qui font du Trail, c’est une sorte d’exutoire à tout vouloir contrôler. Quand tu te lèves tôt, c’est pour contrôler ta journée, quand tu fais du Trail tu as envie de tout contrôler, ta nourriture, ton sommeil, ton état physique, le dénivelé, il y’a plein de paramètres, de joujoux qu’il faut prendre en compte à un endroit donné et à l’instant présent.
* La côte ITRA est un algorithme qui prend en compte la distance, le dénivelé et la technicité du parcours. Cet indice de performance au maximum de 1000 compare également votre temps de course par rapport à un temps de course théorique maximal sur l’épreuve que vous avez réalisé.
1 réaction à cet article
Bertrand Lellouche
Bravo Clément !!!
C’est génial de te voir aller au bout de tes rêves et de les réussir aussi bien 🙂