CCC 2014 : l’union fait la force

Si toutes les courses figurant au programme de l'Ultra trail du Mont Blanc peuvent se courir seul, vivre sa course avec un accompagnant est indiscutablement un atout.

CCC 2014

A deux on est plus fort. Rien n’est plus vrai sur les ultra-trails et tout particulièrement sur les différentes épreuves de The North Face Ultra Trail du Mont Blanc. Dans chaque peloton, il y a des vécus différents avec pour tous, des douleurs, des moments de doutes, des envies d’abandon, des instants de plaisir, d’euphorie… Mais les vivre seuls ou à plusieurs est une toute autre histoire.

Et sur la ligne de départ de la CCC 2014, en ce vendredi 29 août 2014, les données ne sont pas les mêmes pour tous. Certains vont vivre leur aventure en solitaire, d’autres vont la partager. La différence est visible avec des échanges, des bisous, des cris d’encouragements, des émotions fortes, une complète introspection ou encore, un regard qui erre recherchant un visage connu.

A 9h, top départ. Si pour le coureur c’est avant tout l’heure de mettre à profit des heures et des heures d’entrainement, pour l’accompagnant c’est le début d’une course poursuite. Une course qui a commencé depuis quelques jours avec l’étude du tracé et la comparaison entre les temps estimés du « héros ou de l’héroïne» et le temps de transport entre les points. « Mais je ne sais pas tu sais, c’est un ultra alors… je ne peux pas te dire, peut être ça, ce serait bien » ok, on va faire avec et on improvisera si besoin.

Vient alors l’heure des décisions. Décisions évidemment que l’on remet en cause jusqu’au dernier moment. Que faire ? Aller à Arnuva puis à la Fouly ? Bien tentant car sur le premier point 27 km ont été parcourus, sur le second on est à 41 km et donc au delà de 4h30 de course, même pour les plus forts. Mais voilà Anurva est en Italie, la Fouly en Suisse et plus de deux heures de voiture les séparent sachant qu’il faut obligatoirement prendre une navette pour terminer la montée à Anurva. Le parti pris d’aller tout d’abord à Anurva ne va pas s’avérer payant car si ce n’est le cadre magnifique, c’est un peu tôt dans la course pour que le plus psychologique soit réel. Et surtout, il est strictement impossible de pouvoir être aux deux points si votre coureur envisage de parcourir la distance les séparant en moins de quatre heures.

CCC 2014Il est aussi important de savoir qu’il n’est pas possible d’assister le coureur partout. Voilà bien un point important : les accompagnants ne peuvent offrir une aide matériel qu’à trois points soit à Champex-Lac (55 km), Trient (72km) et Vallorcine (82km). Et si parfois on peut avoir envie de tendre une barre ou une bouteille d’eau, il ne faut pas se laisser aller sous peine de disqualification si un commissaire de course constate l’infraction. De même, il est nécessaire d’opérer sous les chapiteaux, dans l’espace accompagnant et non ailleurs. Être accompagnant c’est avant tout connaitre le règlement, être à l’écoute du coureur et ne pas passer son temps à demander « est ce que ça va ? » mais plutôt «  tu veux quoi ? ».

Au fil des heures et des points de passage, les échanges vont varier et être plus ou moins longs. Et entre suiveurs, c’est le début d’une histoire. On s’entre-aide avec des assiettes non touchées glissées pour un autre, des photos prises en souvenir pour que l’accompagnant apparaisse aussi sur la photo, le partage d’une inquiétude. « Bon, il ne parle pas beaucoup mais il m’a déjà fait pire,» commente une femme qui a eu droit à trois mots et est restée stoïque, debout, répondant aux besoins d’un simple regard.

CCC 2014Sur les zones de ravitaillement, la solitude des coureurs sans accompagnants est de plus en plus sensible. La soupe avalée les yeux rivés sur le vermicelles qu’il y a au fond du bol. La tête se pose sur le bras et les paupières se ferment, personne pour vous remettre le coup de boost nécessaire à l’image de l’amie de Stéphane « sans qui je n’aurais jamais fini« . A Vallorcine alors qu’il arrive dans les 200 premiers, Stéphane est fatigué, ne supporte plus la pluie qui tombe depuis la fin de la journée et va attaquer la partie se courant de nuit. Son amie le motive, l’embrasse, l’encourage. « J’y vais. » Et non, Stéphane a envie de manger un dernier petit truc, il est sur le point de sortir de la tente qu’il fait encore demi tour, pour un verre d’eau. Il le fera trois fois et mettra plus de 20 minutes à repartir. Sans l’abnégation de son amie, il serait resté au chaud.

Au fil des heures, c’est aussi pour les accompagnants un nombre incalculable de minutes passées à regarder sa montre. A rechercher sur le site internet de la course le temps de passage envisagé au prochain point. A tendre le cou pour l’apercevoir comme si cela allait le faire arriver plus vite. Ou encore à regarder partout histoire d’être sûr de ne pas l’avoir raté alors que cela fait de longues minutes que vous fixez l’endroit où il doit arriver et qu’il a fort peu de chance que vous l’ayez raté.

« C’est la première fois, ca se voit non ? »

Au niveau confort de l’accompagnant, après La Fouly, il ne faut pas traîner si on parle de la tête de course mais en dehors des coureurs élites, plus besoin de stresser ou de faire de choix, chaque lieu peut être rejoint sereinement. Enfin sereinement, sereinement, vite dit. Car avant de sortir de la voiture c’est : est-ce que j’ai tout, il va avoir froid, chaud, envie d’un truc ??? Le plus simple est de tout prendre. Il faut aussi bien connaitre son coureur ou sa coureuse. Il est ainsi aisé de voir les « couples » neufs et les anciens. Les habitués ont mis toutes les affaires dans une cagette, installent tout sur la table dans un ordre bien précis, et attendent les consignes ou prennent l’ascendant et sont plus directifs lorsque le besoin semble se faire sentir. Les autres improvisent, regardent ce qui se passent sur la table d’à coté. Florence, belge, attend son mari « c’est la première fois, ça se voit non ? » Pas tant que ça mais il est vrai qu’il y a de quoi se perdre tant les bénévoles, parfois, donnent des consignes très strictes et pas toujours de façon très chaleureuse. De peur sans doute d’être débordés sachant que les espaces accompagnants ne sont pas toujours très grands.

CCC 2014Au fil des heures et des kilomètres, les douleurs, la fatigue et la lassitude se lisent sur les visages, les jambes se tétanisent mais l’arrivée approche. L’heure de la délivrance. Au col des Montets, une possible halte dans la nuit, le point de contrôle est éclairé ce qui permet de bien distinguer les dossards car les visages sont devenus invisibles avec la nuit et les lampes frontales. Un dernier encouragement, il reste 15 km : la montée à la Tête aux Vents, le dernier coup de grâce, et la descente à la Flégère. Pour les suiveurs, il ne reste plus qu’à rejoindre l’arrivée, et attendre une dernière fois. Le héros ou l’héroïne du jour arrive enfin, geste du bras, cris, larmes. Chacun sa façon de vivre l’instant mais c’est pour tous une délivrance : c’est fait ! C’est gagné ! Partager rend alors la performance indiscutablement plus belle. Des bras s’ouvrent, des sourires s’échangent tandis que pour d’autres, les solitaires, c’est l’heure des textos.

Nul doute, c’est bien à plusieurs que s’écrit cette histoire.

 

Réagissez