Petite, elle voulait devenir « guide de montagne ». Une « lubie ». Mais « l’alpinisme, c’est rude et dangereux », alors cette envie ne s’est jamais concrétisée. Celle de devenir enseignante est « venue naturellement. J’ai toujours aimé le contact avec les jeunes ».
Caroline Chaverot, 38 ans, enseigne l’histoire géographie dans un lycée de Genève. Et comme lorsqu’elle était enfant et qu’elle allait crapahuter dans la neige, profitant du chalet de ses parents « inaccessible en voiture l’hiver », la montagne n’est jamais bien loin. Elle entoure sa maison très habilement rénovée par son mari sur la commune d’Allonzier la Caille, à quelques encablures d’Annecy et de la frontière suisse. Et lui sert de terrain de jeu pour ses (plus ou moins) quinze heures d’entraînement hebdomadaires. « Je n’aime pas courir en milieu urbain », concède-t-elle. « C’est vrai que pour moi, le trail, c’est avant tout la montagne, le côté technique. Mais j’ai aussi couru le Trail Drôme et c’était sympa. Et j’ai eu l’occasion de courir dans les Calanques, c’était génial. S’il y avait possibilité d’organiser une course là-bas, je signerais tout de suite ».
Passionnée, mais pas bornée. Au point d’évoquer l’idée de faire, un jour, « un marathon. Courir sur la route, j’y prends goût aussi, depuis que je cours un peu plus vite. Dommage que j’aie progressé si tard ! ».
« Sur la fin de ma dernière grossesse, je rêvais que je voulais partir courir mais qu’on m’en empêchait »
En faisant déguster les petits chocolats qu’elle a elle-même confectionnés, cette « gourmande », qui aime « faire les gâteaux », « bien manger, mais des produits de qualité », raconte que la course à pied n’a pas toujours été sa tasse de thé. « J’avais fait de l’athlétisme en étant gamine, mais je n’avais pas trop aimé. J’aimais les sports techniques, et à l’époque je ne trouvais pas la course à pied technique. Maintenant, je me dis qu’il y a plein de choses à travailler. La posture de course. Les descentes. Mais à l’époque, quand je courais, c’était pour ma condition physique, et c’était la corvée ». Longtemps, elle a pratiqué le kayak en compétition. Représentant la Suisse en équipe nationale. Mais « je n’étais pas faite pour ça. Techniquement j’étais plutôt douée, mais physiquement, non. C’est un sport hyper explosif et je n’ai pas du tout de fibre rapide. Je ne suis pas explosive, puissante, tonique » ». Après avoir tourné la page kayak en 1998, elle s’est lancée dans l’escalade. A fond, comme toujours. « J’ai rencontré mon mari, on était dans une logique de performance, on travaillait les voies. Et puis on a épuisé le stock ». 2007 voit le couple se tourner vers le VTT. Caroline Chaverot débute alors vers la course à pied pour entretenir sa condition physique. « Pour la première fois de ma vie, j’ai pris du plaisir en courant ».
Le début d’une aventure… rapidement mise entre parenthèses, le temps de découvrir les joies (et contraintes) de la maternité. Cinq ans plus tard, début 2012, Eve a trois ans et demi, Tom un an et demi, et Noé vient de naître. « Je me suis dit qu’il fallait que je reprenne le sport, j’étais frustrée. Sur la fin de ma dernière grossesse, je rêvais que je voulais partir courir mais qu’on m’en empêchait ».
2015. Ses enfants « ont grandi », elle a compris qu’elle pouvait aussi « s’autoriser » ses moments de course sans « culpabiliser », « à partir du moment où ils reçoivent du temps et de l’amour par ailleurs ». Les barrières sont (très) vite tombées. Y compris celles de l’équipe de France de trail. « Ca n’était pas forcément un objectif, je ne pensais pas que c’était vraiment accessible », lance la Franco-Suisse, qui a remporté le 80 km du Mont Blanc, la CCC et l’Endurance Trail des Templiers en 2013, avant de s’imposer sur la Maxi Race d’Annecy et de devenir championne de France de trail en 2014.
Après une année ascension fulgurante en 2013, l’année écoulée lui a offert son billet pour les championnats du monde de trail 2015, chez elle, à Annecy, en mai prochain. Mais elle ne garde pas que des bons souvenirs de 2014. Dans une grimace, elle souffle : « Ce qui domine, c’est la déception ». Les pépins physiques (entre autres une pneumonie, une chute à vélo et de l’anémie) l’ont minée. « Le fond du problème remonte à 2013, j’ai commis pas mal de petites erreurs », reconnaît celle qui a attendu juin 2014 pour s’attacher les services d’un entraîneur (Pascal Balducci). « Avant, toutes mes séances étaient dures, sinon pour moi ça n’avait pas de sens. J’ai fini par comprendre, avec les programmes de Pascal, que les séances dures, il fallait aussi les assimiler ». Cette boulimique d’entraînement, qui s’adonne à des sessions de musculation et d’étirements « le soir devant les infos », et « mange parfois sous la douche » après sa séance d’entraînement à l’heure du déjeuner, a aussi tiré les leçons de son erreur sur la dernière CCC. Une assistance organisée au dernier moment avec son mari, deux ravitaillements hors zone, une pénalité d’une heure décidée par l’organisation (voir plus d’informations) et au final un abandon qu’elle a mis des semaines à digérer.
Son amour pour la compétition a repris le dessus. Mais pour 2015, elle travaille « avec une sophrologue », pour être « plus cool, plus détendue ». Forcée au repos complet pendant trois semaines suite à une opération mi-janvier, elle pense déjà à son stage avec son équipementier en février à Madère. A la Transgrancanaria, début mars. Aux Mondiaux de trail, donc, fin mai. A l’Eiger Ultra Trail en juillet. Puis à l’UTMB, cette course qui la « fait rêver », fin août. Quand on lui demande ce que serait une année 2015 réussie, elle réfléchit. Sourit. Et lance : « Un podium sur la Transgrancanaria. Et dans mes rêves les plus fous aux Mondiaux ». Avant d’ajouter : « Mais plus que des podiums, des courses réussies ». Car elle le martèle : « Le chrono est hyper important pour moi. Si je gagne mais que je ne fais pas un bon chrono, je repars mécontente. Pour moi, chaque seconde compte, j’ai gardé ça du kayak… ».
Caroline Chaverot en bref
Née le 16/10/76 à Genève (Suisse)
Franco-Suisse
Membre du Team Trail Hoka
Palmarès principal en course à pied
2013
Vainqueur du Trail du Salève, du 80 km du Mont-Blanc, du 60 km de la Montagn’Hard, de la CCC et de l’Endurance Trail des Templiers ; Vice-championne de France de trail à Gap.
2014
Vainqueur de l’Ultra Montée du Salève (8 montées en 4h51mn49s, record de l’épreuve), du Trail des Forts de Besançon, de la Tecnica Maxi-Race d’Annecy. Championne de France de trail à Buies les Baronnies.