Brice Panel : « Ingénieur et Athlète de haut niveau, difficile mais pas impossible »

Samedi 7 avril 2012. 11h00 à l’INSEP (Institut National du Sport de l’Expertise et de la Performance), Brice Panel arrive sur la piste d’athlétisme. Le regard sombre, le sourire timide, la tenue de course impeccable, les signes ne trompent pas : la séance d’entraînement du jour s’avère difficile et la concentration est à son maximum. Ce blond aux yeux bleus, surnommé par ses camarades d’entraînement « le blond » (faisant référence au sketch de Gad Elmaleh) pour ses petites manières à l’échauffement, sa façon de se conditionner avant une séance et son style parfait ou presque à un parcours atypique. Assis sur le tartan, il se prête avec plaisir au jeu de l’entretien en évoquant sa jeunesse étudiante à Lyon entre 18 et 25 ans : « J’ai intégré l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées) en 2002. Le cursus classique s’étend sur 5 années mais je fais parti des 5% d’étudiants sportifs de haut niveau à bénéficier d’un aménagement d’études, même si nous suivions le même programme que les autres étudiants. De fait c’est un peu plus long… ». Pour Brice, il n’était pas question de faire un choix entre le sport et les études : « Je me sentais capable de faire les deux. A l’INSA, l’emploi du temps était plus flexible, nous terminions la semaine le vendredi midi et reprenions le lundi après-midi pour nous consacrer aux entraînements et aux compétitions. Cela me permettait de m’entraîner chaque jour et quand je rentrais des entraînements je bossais mes cours jusqu’à 1h du matin ». Pour ce génie en science, il a fallu très rapidement se plier à ce rythme et conserver cette rigueur afin de valider sa première année (25% d’échec la première année) et réussir à se qualifier pour les championnats du monde junior à Kingston (Jamaïque) en juillet 2002. Etudiant brillant, athlète prometteur « Je n’ai jamais douté sur le plan sportif, mais au niveau étude, j’avais peur de ne pas y arriver. Contrairement au lycée où les leçons me paraissaient faciles, dans le supérieur il faut travailler et prendre le temps de comprendre. Je n’étais pas certain de réussir », se souvient-il. Une inquiétude vite dissipée quand en juin 2002, au terme de sa première année, il termine major de sa promotion et réalise 46s70 sur 400 mètres. Une performance qui lui permet d’intégrer l’équipe de France Junior et de s’envoler pour la Jamaïque. Une année magique dit-il rêveur : « Bizarrement, c’est l’année où j’ai eu le moins de temps pour me reposer et m’entraîner que les résultats sportifs ont été à la hauteur de mes espérances. J’ai gagné 2 secondes en un an. J’avais une telle rigueur au quotidien que cela m’a donné une constance dans la vie ». Au fur et à mesure des années scolaires l’emploi du temps se modifie peu à peu et devient plus spécialisé et moins chargé en quantité de travail. En 2008, le diplôme d’ingénieur « presque » en poche, il peut se consacrer pleinement à son rêve Olympique dès le mois de mars. Un objectif pas facile à réaliser puisque cette saison Brice se blesse (grave entorse à la cheville). Il se repose complètement pendant 4 mois (de décembre 2007 à mars 2008) : « Cette année là, j’étais vraiment très fort. Je sortais d’une belle saison estivale (en 2007, record personnel porté à 45s54 au championnat du monde à Osaka), cette blessure m’a obligé à revoir mon objectif à la baisse. A partir de mars 2008, l’école me propose de faire une pause de 3 mois pour me consacrer pleinement à la préparation Olympique pour Pékin, cela m’a beaucoup aidé pour revenir à mon meilleur niveau. Je m’entraînais comme un fou et mon temps libre, je le consacrais à la récupération et aux soins kinésithérapeutes ». Une recette qui marche,  Brice se qualifie avec le relais 4 fois 400 mètres même s’il reste critique sur sa performance : « J’étais heureux de participer à ces Jeux car c’est un évènement planétaire et historique mais sportivement très déçu car je voulais me qualifier en individuel et par équipe le résultat était très moyen ». L’homme est exigeant, appliqué et ne se satisfait pas d’un simple petit chrono ou d’une sélection en équipe de France. Brice veut voir plus grand et plus vite. Il rêve aussi de changement et d’un nouveau virage dans sa carrière. Une page se tourne quand, en Juin 2009, il revient à Paris : « J’avais envie de me rapprocher de ma famille et de changer de discipline. J’avais fait mes preuves sur 400 mètres, et j’avais envie de découvrir le demi-fond et le 800 mètres », dit-il sur un ton qui en dit long sur ses ambitions. Brice s’impose un double challenge : celui de passer à la vie active et de courir vite sur une nouvelle épreuve. Un choix qui n’étonne pas ses proches. Son papa,  médecin, à longtemps brillé sur le double tour de piste. Pas étonnant que le fiston souhaite finir sa carrière sur cette distance. 2009 l’année du changement et de la nouveauté « J’aménage sur Paris en Juin 2009 l’occasion pour moi de passer des entretiens avec les entreprises. Bingo, je signe mon premier contrat en juillet avec ETDE (Pôle Energies et Services de Bouygues Construction). J’étais en lien avec le Ministère de la Jeunesse et des Sports afin de  rencontrer les entreprises qui autorisent un aménagent de l’emploi du temps pour les sportifs de haut niveau. Un contrat de mécénat se signe avec ETDE. Ce mécénat a pour but la mise à disposition d’une convention entre l’employeur et le ministère. Je suis détaché à mi temps pour les entraînements et payé à temps plein ». Présenté ainsi cela semble simple mais la réalité est une toute autre histoire. Brice doit gérer un rythme infernal entre les entraînements (deux séances par jour) et sa nouvelle profession: « En tant qu’ingénieur chargé d’affaire, je supervise des chantiers de A à Z. J’ai beaucoup de responsabilités, une équipe que je dois encadrer, des objectifs professionnels à atteindre…beaucoup de stress et de fatigue pour l’organisme. Heureusement que je suis entouré d’une superbe équipe compétente, enthousiaste qui m’encourage quotidiennement car je me sens en permanence frustré de ne pas pouvoir être à 100% ni dans le boulot ni sur la piste», grimace Brice. « Avec du recul je ne sais pas comment j’ai fais » Sur le stade à l’INSEP, il doit aussi « encaisser » les entraînements du 800 mètres sous les conseils de son entraîneur Bruno Gajer. L’athlète n’a pas une minute à lui. La journée commence à 8h au siège de l’entreprise à Saint Quentin en Yvelines. A 11h, il se transforme en athlète pour un entraînement de 2 heures. A 13h douche, sandwich et voiture pour se rendre sur les chantiers en île de France. Fin du boulot au mieux à 16h au plus tard 17h30 pour pouvoir se rendre à L’INSEP pour le deuxième entraînement de la journée. « J’étais à fond, la tête dans le guidon. Avant la fin de la semaine, j’étais complètement épuisé. En 2011, au retour d’un stage, j’étais fatigué avant même de commencer la saison. Cette année là, je réalise 1mn47s40 sur 800 mètres. Ce n’est pas trop mal pour un débutant mais je me rends tout de suite compte que si je veux passer un cap et m’approcher des minimas Olympiques (1mn45s20) il faudra que je me consacre à temps plein à l’entraînement et surtout à la récupération ». Une prise de conscience qui sera le point de départ d’un nouveau projet établit avec son entreprise et son club. Objectif JO 2012 : Tous avec Brice L’objectif est simple : se qualifier aux Jeux Olympiques de Londres en juillet 2012 mais avant L’athlète doit trouver une solution sur le plan professionnel.  Avril 2011, il entame des  négociations avec son employeur : «  A mon retour de stage en Afrique du Sud, mon patron (Eric Spielmann, directeur des ressources humaines chez ETDE) qui est une personne très humaine a remarqué mon état de fatigue. Nous avons discuté et cherché une solution pour la saison prochaine. J’ai imaginé une forme de partenariat individuel entre l’entreprise, moi et mon club pour que ce projet personnel puisse prendre une dimension collective. Ce partenariat me permet d’être salarié de l’entreprise en bénéficiant d’un détachement à temps plein ». En novembre 2011, Brice est libéré des contraintes professionnelles et peut se consacrer entièrement à l’entraînement. Direction Rabat (Maroc) pour un stage de 15 jours : « Le stage n’a pas très bien démarré. Je me sentais très fatigué, je décompressais. C’est comme pour une personne qui travaille beaucoup toute l’année et part en vacance, il y a une phase de grande fatigue. Mais enfin les temps de repos étaient réellement du repos », plaisante-t-il. Ce nouveau planning transforme l’athlète : « J’ai l’impression d’avoir retrouvé un corps de cadet, la qualité de mes entraînements est meilleure, je consacre du temps à la récupération et surtout, j’ai vraiment l’esprit au sport et non aux dossiers comme avant », murmure t-il soulagé. Du temps pour le club et sa passion Brice profite de ce planning plus souple pour consacrer plus de temps à son club et s’amuse à jouer le communicant entre l’association et ETDE. « Le but du partenariat est de créer une dynamique autour du sport dans mon club notamment autour de la course sur route. Dernièrement, le 1 avril, 70 collaborateurs de mon entreprise ont participé au 10 km organisé par mon club Saint Quentin en Yvelines. Un  moment de partage entre le monde de l’entreprise et le monde associatif et sportif ». L’athlète ingénieur a su fédérer les passions et générer un réel engouement : « Se sont des ondes positives, cette dynamique me donne des ailes. Tous et toutes me soutiennent même si le rêve est très difficile et très élitiste. Je ferai du mieux possible. L’objectif immédiat c’est le championnat d’Europe (du 27 juin au 1 juillet 2012 à Helsinki) après les Jeux. L’essentiel est d’y croire et que l’on croit fort en moi ». Verdict début juillet à la fin des sélections. Sa carte de visite Brice Panel Né le 13 juin 1983 à Neuilly-sur-Seine, Taille / Poids :  177 cm / 69 kg Licencié au club de l’Entente Athlétique Saint-Quentin-en-Yvelines. Diplômé de  l’INSA de Lyon. Sous contrat avec ETDE (Pôle Energies et Services de Bouygues Construction) Palmarès 2009  : Championnat d’Europe en Salle, 4×40 0m (Finale) 6e en 3mn 11s 27 2008  : JO Pékin,: 4x400m (Série) 8e en 3mn 03s 19 2007  : Championnat du monde, 400m (Série) 46s 02 – 4x400m (Série) 3mn 04s 45 2006  : Championnat d’Europe, 400m (Série) 46s 98 – 4x400m (Série) 3mn 03s 87 / Championnat du monde en salle, 400m (Série) 48s 52 – 4x400m (Finale) 6e en 3mn 09 s55 / Coupe du Monde, 4x400m (Finale) 4e en 3mn 03s 85 2005  : Championnat d’Europe Espoir, 400m (1/2 fin.) 8e en 46s83 / Championnat d’Europe en Salle, 400m (Série) 4e en 47s89 – 4x400m (Finale) 1er en 3mn07s90 Records personnels 200 m : 21s 36 (2007) 400 m : 45s 54 (2007)

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