Lepape-info : Bastien, que retenez-vous de ce nouveau record personnel établi à Valence ?
Bastien Augusto : Je retiens qu’avec le travail on arrive à faire beaucoup de choses. Il faut travailler et s’entraîner dur. Sur cette course je partais pour faire un chrono aux alentours de 28’30, je passe au 5ème kilomètre en 14’13 sur les bonnes bases. Derrière les quelques Kenyans devant, j’étais dans un groupe de 4-5 coureurs où j’étais bien protégé.
À partir de la mi-course le rythme a ralenti j’ai du prendre mes responsabilités, j’ai décidé de mener avec aucun relais des autres avant de me faire sortir sur les derniers 500 mètres. C’est juste dommage qu’il n’y ait pas eu de relais mais au final ça s’est très bien passé, je fais une course assez régulière avec un record personnel, je suis content.
Lepape-info : Avec ce nouveau chrono de référence qui vous permet d’intégrer le TOP 25 Français sur 10 km, vous avez l’impression d’avoir changé de dimension ?
B.A : Depuis le mois de mars, je ne travaille plus, j’ai passé un contrat avec l’Armée qui me permet de me consacrer à 100% à ma carrière d’athlète. J’ai pu mieux me professionnaliser, j’ai fait un bel été avec une 1ère année sur 1 500m où j’ai fait 3’38 lors des championnats d’Europe espoirs à Tallinn (Estonie) avec une participation à la finale. Un objectif bien rempli qui m’a fait passé un cap et qui m’a permis de me découvrir sur cette distance qui était nouvelle pour moi. Ensuite j’ai coupé 15 jours et au bout d’un mois de reprise et avec seulement une ou deux séances spécifiques j’établi un record personnel aux championnats de France du 10 km à Langueux en 29’08 avec un titre national chez les espoirs. J’ai senti que tout le travail effectué pendant l’été payait lors de cette reprise. Ensuite je suis allé à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales), avec 3 semaines de plus en altitude j’étais sûr que le chrono allait encore descendre en prenant encore plus de risques pendant la course. J’ai vraiment passé un cap.
Lepape-info : À Langueux, vous aviez terminé devant des athlètes comme Mahiedine Mekhissi ou Nicolas Navarro
B.A : Oui lors des précédents championnats de France du 10 km en 2019, j’avais terminé 3ème au classement scratch en étant espoir 1ère année, j’avais terminé sur le podium chez les élites. Cela ne me fait pas peur de courir avec des élites. Cette année j’ai fait une course assez prudente parce que je ne savais pas où j’en étais. Avec mon état de forme actuel je pense que j’aurais pu batailler devant pour aller chercher le podium chez les seniors avec Yohan Durand et les autres. Le parcours n’était pas très facile avec une bonne densité d’athlètes, je termine 6ème au scratch avec déjà un record personnel que j’ai finalement battu à nouveau à Valence.
Lepape-info : Ces belles performances sur 10 km et 1 500 m vont vous ouvrir de nouvelles perspectives
B.A : Mon 3’38 sur 1 500 m va me permettre de pouvoir participer à des courses plus rapides (niveau 3’35) la saison prochaine en meeting. Sur 10 km cela va être la même chose, on est pas beaucoup en France à courir en 28’30 actuellement, cela va m’ouvrir des portes sur les courses mais aussi au niveau des partenaires, sponsors. C’est une bonne chose pour ma carrière.
Bastien Augusto : « Depuis le mois de mars, j’ai quasiment doublé le nombre de séances par semaine, sur les semaines de stage je suis à 10-12 entrainements hebdomadaires avec aussi des séances de vélo, la progression s’est produite grâce à tout cela. »
Lepape-info : Maintenant place à la préparation de la saison de cross ?
B.A : Je suis retourné à Font-Romeu jusqu’au 15 octobre et je me prépare en vue des championnats de France de cross avec l’objectif de terminer dans les 6 premiers chez les espoirs qui seront du voyage pour les championnats d’Europe mais je vise une place dans le TOP 3 au niveau national. Lors des derniers championnats de France de cross il y a deux ans j’avais terminé 2ème chez les espoirs depuis je n’ai plus fait de cross à cause de la crise sanitaire. On verra cela reste du cross mais je pense que le podium est envisageable. J’aime bien les cross difficiles, boueux où cela monte. Cela fait plaisir de revenir aux bases de l’athlétisme avec les cross après quasiment 2 ans d’absence.
Lepape-info : Quel regard porte votre entraîneur Patrick Ribeiro sur votre progression ?
B.A : J’ai commencé l’athlétisme il y a 3 ans en 2018 avec une progression linéaire. Ce fut difficile d’enchaîner sans se blesser et de passer des caps alors que je travaillais encore à côté de mes entraînements jusqu’en mars dernier, c’était physique et compliqué. Malgré mon activité professionnelle dans le bâtiment j’avais déjà des résultats très intéressants. Mais là avec mon entraîneur on a vu la différence au niveau de la récupération, de l’enchaînement des séances et des performances depuis que je me consacre entièrement à l’athlétisme. Depuis le mois de mars, j’ai quasiment doublé le nombre de séances par semaine, sur les semaines de stage je suis à 10-12 entrainements hebdomadaires avec aussi des séances de vélo, la progression s’est produite grâce à tout cela. Après 5-6 mois d’entraînement dur on voit les effets.
Lepape-info : Votre progression est remarquable vu que vous avez commencé l’athlétisme il y a 3 ans
B.A : Je réalise ma belle progression mais je ne veux pas rester là-dessus parce que je sais que j’ai un potentiel pour faire encore beaucoup mieux. Je vais terminer mes années en catégorie espoirs avec un podium sur quasiment chaque championnat de France que ce soit sur route, en salle, sur piste en plein air et cross. En plus j’ai été en confrontation directe avec les élites en étant loin d’être ridicule. Je termine 4ème des France élite sur 1 500 m cette année derrière les trois qui sont allés aux Jeux olympiques. Les prochains JO sont dans 3 ans et vont arriver très vite, il n’y a pas de temps à perdre, il faut continuer à travailler et on verra où cela me mènera.
Bastien Augusto : « J’ai fait le tour de France chez les compagnons du devoir. J’ai terminé à l’âge de 17 ans meilleur apprenti de France comme maçon et cela passait par le travail. À 15-16 ans c’est costaud de partir loin de chez ses parents, aux 4 coins de la France tout seul, cela forge un caractère. »
Lepape-info : Vous vous voyez sur quelle distance lors des Jeux de Paris 2024 ? 1 500 m ou une autre ?
B.A : Au regard de cette année je dirais le 1 500 m, sur des courses tactiques comme aux Championnats de France j’arrive à être assez fort. Je n’ai pas eu l’occasion de faire de 5 000 m cette année, le dernier que j’ai fait remonte à un an, c’était juste une course en plus en reprise d’une blessure lors des Championnats de France à Albi en septembre 2020, je termine 2ème chez les espoirs. En gros avec le confinement je n’ai pas fait de 5 000 m depuis 2019. Avec ma progression sur le court et les effets sur le long, je pense que je ne dois pas être si mal sur le 5 000 m. À voir ce que cela donnera la saison prochaine mais pour l’instant ma priorité serait le 1 500 / 5 000 m.
Lepape-info : Paris 2024 sera le rendez-vous à manquer sous aucun prétexte
B.A : Oui bien sur à long terme mais avant j’aurais pas mal d’objectifs avec les championnats d’Europe l’an prochain à Munich, je pense que le niveau pour espérer être aux championnats du Monde à Eugene sera un peu trop élevé. En 2023, il y aura de nouveau des Mondiaux avant tout cela la priorité immédiate reste les Europe de cross à la fin de l’année une dernière fois avec les espoirs. Le passage de la catégorie espoirs à élite / seniors ne me fait pas peur parce que j’ai l’habitude de courir avec eux, il y a très peu de courses uniquement avec des espoirs. Depuis 2 ans je suis confronté à eux en compétition, le changement de catégorie est juste une transition.
Lepape-info : Quelle est votre moteur au quotidien ?
B.A : Le travail et depuis tout petit. À la base, j’ai fait le tour de France chez les compagnons du devoir. J’ai terminé à l’âge de 17 ans meilleur apprenti de France comme maçon et cela passait par le travail. Originaire de Limoges, ce tour de France m’a emmené à Nantes, Bordeaux, Anglet et mon école était dans le Jura. Après la classe de 3ème, j’avais 15 ans, j’ai quitté le cocon familial, je suis parti dans le Jura à 500 kilomètres de chez moi pour apprendre mon métier avec des horaires très intenses. Quand j’étais en entreprise je travaillais comme un artisan de 8h à 17h-18h, j’avais en plus tous les jours des cours du soir de 20h à 22h. Tout cela passait par le travail, de l’envie, de la motivation. Je connais plein de personnes qui ont arrêté en cours de route. À 15-16 ans c’est costaud de partir loin de chez ses parents, aux 4 coins de la France tout seul, cela forge un caractère. Il fallait travailler pour y arriver et dans le sport c’est pareil, si on veut quelque chose il faut s’entraîner, ce n’est pas en claquant des doigts. Vous pouvez avoir un talent qui vous permet de vous démarquer des autres mais il faut savoir l’exploiter et travailler.
Lepape-info : Vous avez quitté le cocon familial de votre propre chef ?
B.A : Je ne voulais pas rentrer dans un CFA (centre de formation d’apprentis) basique, je voulais viser autre chose qu’être un simple maçon, il n’y avait qu’une seule école en France et en Europe : l’Institut Européen de Formation des Compagnons du Tour de France. J’ai été pris après avoir passé des concours d’entrée, après la 3ème je suis donc parti à Mouchard dans le Jura. Les entreprises étaient un peu partout en France, on changeait à chaque vacances scolaires, un coup l’école dans le Jura, un coup l’entreprise à Bordeaux (1ère année), Nantes (2ème année) et Anglet (3ème année).
Lepape-info : Ensuite vous êtes revenu à Limoges et vous avez commencé l’athlétisme
B.A : En 2018, j’ai commencé l’athlétisme, avant j’étais cycliste et encore avant au collège je jouais au football. Quand je faisais du vélo, l’hiver il n’y avait pas de cyclo-cross là où j’habitais à côté de Limoges. J’avais des amis qui étaient dans un club d’athlétisme qui m’ont incité à courir, je faisais des cross à l’UNSS déjà quand j’étais au collège et j’avais de bons résultats. Lors de ma première vraie saison d’athlétisme j’ai gagné les régionaux de cross devant des jeunes comme Pierre Proust qui avait fait les Europe de cross dans sa catégorie. On m’a dit qu’il y avait quelque chose à faire, après je me suis blessé je n’ai pas pu faire les championnats de France à Plouay. En 2019, j’ai arrêté le vélo et je me suis entièrement consacré à un seul sport : l’athlétisme. J’ai fait un TOP 10 aux championnats de France de cross et 2ème chez les espoirs avec 3 semaines après un 30’05 pour le premier 10 km de ma vie à la Corrida de Houilles (Yvelines). J’ai rencontré mon coach Patrick Ribeiro qui m’a fait progresser. Au début je suis resté à Limoges parce que je travaillais comme maçon. Après une année à distance, à l’été 2020 j’ai décidé de le rejoindre à Bourges.
Lepape-info : Bourges, une nouvelle étape dans votre vie et votre carrière d’athlète
B.A : Je me suis installé tout seul dans un appartement à Bourges afin de pouvoir m’entraîner et avoir un coach au quotidien. Je n’avais pas les bases : les gammes, la PPG que je ne pouvais pas faire bien en étant tout seul dans mon coin. J’ai trouvé un travail sur place dans une entreprise de menuiserie spécialisée où je faisais de la maçonnerie et de la menuiserie. Jusqu’au mois de mars dernier j’ai travaillé avant de m’arrêter et de me consacrer à 100% à l’athlétisme.
Lepape-info : Que ressentez-vous en évoquant toutes ces années d’efforts, de choix, de décisions ?
B.A : Depuis très jeune j’ai été livré à moi-même, il a fallu que je me débrouille, je ressens beaucoup de fierté, il y a 5 ans je ne me voyais pas là et même pas être athlète tout simplement. Je pensais plus faire une carrière de cycliste mais les aléas du travail ont fait que c’était trop compliqué de m’entraîner, de rouler avec mon travail en même temps. Travailler et courir j’ai pu le faire car une heure de course à pied c’est déjà un bon entraînement et c’est facile à caser dans l’emploi du temps alors que de rouler une heure ce n’était pas assez long, cela ne servait à rien. Le choix s’est fait naturellement. Je veux continuer à progresser, aller toucher mon rêve d’être aux Jeux olympiques à Paris dans 3 ans et de faire la plus belle carrière possible en courant un jour sous les moins de 28′ sur 10 km, moins de 3’34-3’35 sur 1 500 m, se rapprocher des 13’20 sur 5 000 m. J’ai toujours aimé la course à pied et je suis très heureux ainsi. Je suis complètement épanoui dans ce que je fais.
2 réactions à cet article
Frédéric Fontaine
Belle lucidité et belle motivation. Souhaitons lui le meilleur pour la suite. L’athlétisme français a bien besoin d’une belle relève qu’il pourrait bien incarner
PEYRILLOUX Eric
Belle progression et impressionnantes charges d’entrainemen. Le club de Limoges, c’est bien le Km42 …. pourtant, il n’est pas cité une seule fois ….dommage