« Il est 4h45 du matin, j’ajuste une derrière fois mes manchons en prenant soin de ne pas abîmer mes petits tatouages Organicoach. Il ne fait pas froid la température est bonne mais le fond de l’air est un peu plus humide ce matin, en cause les pluies de la veille.
Zane Grey 50 miles est la première grosse course de ma saison, ce premier test devrait me servir de repère pour la suite de ma préparation.
Inutile de vous dire que j’ai les crocs ! J’aimerais conclure ce merveilleux voyage aux US par une victoire, pour mon Team, Sébastien Camus, nos partenaires de l’équipe team Garmin Adventure, pour Nicolas Lebrun (notre coach spécialiste des courses en endurance avec 10 titres de champion de France, 13 podiums en Championnat du Monde (Xterra, Triathlon des neiges et Duathlon), mes amis et pour moi.
Le départ est lancé ! Plutôt cool, je prends les devant mais rapidement au bout de 500m je m’efface avec prudence au profit d’un autre Trailer. Tout juste le temps de chauffer le moteur que la course s’emballe ! Jason Wolfe (USA) du Team Adidas Trail, qui lui aussi semble avoir autant les crocs que moi, prend la course en main et le rythme s’emballe si bien que rapidement nous ne sommes plus que deux !
Je me sens bien et je laisse faire Jason en suivant, concentré dans tous mes gestes et mes choix. Joe Grant (USA) reviendra sur nous aux alentours du 5ème mile mais de nouveau, il nous laissera rapidement repartir devant et prendre de l’avance. Miles 8, premier ravito, Jason continue d’appuyer et je sais pertinemment que je n’ai pas 80km à cette allure dans les jambes à cette époque de l’année ! Je dois rester prudent et faire ma course. Je décide de le laisser partir. Le terrain est très sinueux, ça monte, ça descend. Il est facile pour moi avec ce profil de pouvoir gérer ce qui me sépare de Jason et le garder à vue. Il est en point de mire, jamais plus de 2 ou 3 mn, je ne le lâche pas, la course est encore longue !
Au mile 21,5 je rentre dans le ravito, il en sort. Mon instinct de coureur me dit que je recommence sans faire plus d’effort que ça à lui reprendre du terrain. Au mile 24 au détour d’un chemin, il est là, juste devant !
A sa foulée, je pressens qu’il a déjà tiré pas mal de ses cartouches et je fonds sur lui pour le dépasser avec respect et continuer seul mon chemin au 25ème mile. Je suis en tête ! Très vite je fais le trou, pour le moment tout va bien, les jambes sont encore là. Je fonce vers le 33ème mile, synonyme de ravito… là je commence un peu plus à m’inquiéter car je sais qu’à ce ravito « (USA) sera le Pacer de Jason Wolfe (perso je n’ai pas de pacer) ! Ce gars-là n’est pas n’importe qui, il a tout gagné aux US et je sais pertinemment qu’il est capable de remettre en course mon adversaire direct du moment. Après un ravito express au mile 33, je continue d’appuyer au cas où !
Finalement il n’en sera rien, Jason n’est vraiment pas très bien, il ne reviendra plus et le danger pour moi viendra de l’arrière un peu plus tard dans la course pour me mettre un peu la pression.
Je suis toujours en tête mais à ce moment-là de la course je me rends compte qu’il est toujours plus facile d’être le chasseur que le chassé ! A partir du 35/36ème mile, je commence à serrer les dents un peu plus. Je m’en doutais ! 50/60km à cette vitesse, je les ai dans les jambes, au-dessus ça sera plus compliqué !
Je gère mon petit passage à vide entre les 60/70km en attendant avec impatience le ravito du 44 mile synonyme de l’approche de l’écurie et de la ligne d’arrivée. C’est un peu dur, je pense à « Seb » (Sébastien Camus, ndlr) qui doit aussi se battre derrière en espérant que sa blessure soignée récemment ne se réveille pas, je pense à « Nico » (Nicolas Lebrun, ndlr) et ses conseils, je m’accroche…
Vers le 43ème mile en me retournant pour vérifier si je suis toujours relativement confortable leader, j’aperçois un gars au loin sans être capable d’évaluer le temps qui nous sépare !
Coup de pression, je repars à l’assaut, sors de ma torpeur, sers les dents de nouveau un peu plus et relance mon rythme !
Il n’est pas possible que je perde cette course que je mène depuis aussi longtemps ! Ravito express des 44ème miles, je jette tout ce qui me reste de force dans la bataille ! Au final, je réussis à recreuser un écart qui était semble t’il d’environ 3mn au 44ème mile jusqu’à plus 8mn à l’arrivée, j’en avais encore un peu sous mes adidas Riot 6 !
Le dernier kilomètre sera interminable ! En effet, dans l’espace temps du 44 au 50 mile, obnubilé par le fait de vouloir absolument gagner la course, j’en oublie un peu de continuer à me ravitailler, si bien que je suis obligé de prendre un dernier gel à même pas 1km de l’arrivée pour ne pas risquer de terminer en zig zag les derniers mètres ! Quelques cris, une cloche qui raisonne, un chrono au loin où le temps continue de défiler, c’est l’arrivée ! J’ai gagné ! Ugo (notre photographe) m’accueille à bras ouverts, les organisateurs aussi ! Gagner c’est toujours aussi bon !
Pour terminer en apothéose ce merveilleux séjour et cette superbe course je suis heureux de voir Sébastien en finir sans souci, solide et content ! Et Laurent, flanqué de ses nouvelles chaussettes aux couleurs de l’Arizona, terminera lui aussi sa course sans jamais n’avoir rien lâché !
Je n’ai plus qu’une chose à dire pour terminer cette belle aventure, Merci Brian ! »
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