Il est 5 h 30, mon réveil sonne. Je n’ai pas de peine pour me lever. Je suis excité par ce deuxième marathon. Comme l’année dernière, je vais faire Paris. Je suis content de revenir sur ce même parcours. Je vais pouvoir comparer mon chrono par rapport à ma première expérience (lire l’analyse de sa première performance 2014). Ce n’est pas le tracé le plus rapide sur cette distance mais il y a toujours beaucoup de monde pour encourager. Si vous n’avez jamais fait de marathon, je vous conseille vivement de choisir une épreuve réputée. L’effort est long et solitaire, les soutiens nombreux et réguliers sont vraiment appréciables.
Je prends mon petit déjeuner tranquillement. Je le termine vers 6 h. Mes affaires ont été préparées la veille, je n’ai plus qu’à confectionner ma boisson énergétique. Durant toute cette phase et jusqu’à dix minutes avant le départ, je bois régulièrement une boisson d’attente (500 ml) et de l’eau. Il est maintenant temps de s’habiller chaudement pour partir en scooter rejoindre mes amis. Ma conjointe et mon frère m’accompagnent pour me soutenir tout au long de cette matinée. Nous nous garons avenue Foch, proche du ravitaillement final. Je devine l’état dans lequel je vais finir et il faut que la distance entre la ligne d’arrivée et mon véhicule soit la plus courte possible !
À 8 h 10, je pars pour un échauffement traditionnel de vingt minutes suivi de quelques lignes droites. En remontant vers l’Arc de Triomphe, je constate qu’il y a déjà beaucoup de monde. Je décide de partir un peu à l’écart pour rester au calme. Je rejoins un ami qui va faire la course. Après quelques derniers conseils et encouragements pour nous rassurer et évacuer un peu notre stress pré compétitif, nous rentrons dans le sas dix minutes avant le départ. C’est déjà dense et nous progressons doucement vers la ligne. Aidé par une météo favorable, l’ambiance est bonne. Le soleil nous amène progressivement vers une température idéale et fait ressortir cette odeur de crème si caractéristique des sas d’attente. Les coureurs sont concentrés mais il y a moins de tension que sur une course plus courte. C’est le moment de visualiser une dernière fois son parcours. Un regard vers l’Arc de Triomphe pour se rendre compte du nombre de participants, c’est impressionnant. Il y a plus de quarante mille personnes !
On se croirait sur une étape du tour de France !!!
8 h 45, le coup de feu retentit. J’ai juste le temps d’apercevoir les élites avant qu’ils ne disparaissent. Je pars à l’allure voulue. Je passe le premier kilomètre et le suivant à la seconde près. Ce début de course correspond à mes prévisions. Il faut vraiment avoir le sentiment de partir lentement afin de compenser l’excitation du départ et cette partie du parcours favorable. Il nous amène vers la Concorde puis la place de la Bastille en empruntant la rue de Rivoli. C’est un faux plat descendant suivi d’une longue ligne droite. Le passage au 5ème km est conforme. Durant les cinq kilomètres suivants, il y a quelques faux plats montants et une côte. Je décide de ne pas forcer l’allure et je passe au 10ème avec sept secondes de retard. C’est correct. Je fais ce marathon à la sensation. Je choisis de regarder mes temps de passage uniquement tous les cinq kilomètres. Je suis régulier à chaque fois avec plus ou moins huit secondes. Ce choix m’a paru intéressant sur un marathon. Il ne génère pas de stress à tous les kilomètres dû à la différence entre un temps de passage voulu et un temps de passage réel. Dès lors, on ne cherche pas à compenser cet écart en variant excessivement l’allure. Ceci pourrait être fatal sur ce type d’épreuve excepté sans doute pour les élites qui courent plus stratégiquement. Le circuit étant assez varié (faux plat, montée, descente), la régularisation chronométrique se fait naturellement à condition d’avoir des bonnes sensations. Au château de Vincennes, je retrouve mon frère qui me donne une boisson énergétique et me souhaite bon courage. Ça fait du bien. Le temps de boire quelques gorgées et deux kilomètres plus tard, je croise Jean-Claude Vollmer. Il m’avait préparé et suivi l’année dernière pour mon premier marathon. Un peu surpris de se voir, on se salue et il m’encourage vivement. Cette rencontre fortuite est bien sympathique. La traversée du bois de Vincennes est un peu plus calme mais quelques groupes musicaux animent le parcours. C’est le moment de bien se concentrer sur sa course. Nous sommes à un peu plus du premier tiers du marathon, il faut vraiment veiller à son allure et son alimentation. C’est une phase où le corps se sent bien. Il faut rester humble sur ses capacités car le chemin vers la ligne d’arrivée est encore long. Le retour dans Paris se fait au 19ème km par la Porte de Charenton. Je suis impressionné par la densité de la foule. On se croirait sur une étape du tour de France !!! C’est extrêmement entrainant.
S’il y a un élément clé pour réussir un marathon, c’est la concentration !
À partir du 20ème kilomètre, Pierre-Yves me rejoint et m’accompagne. Son renfort est précieux sur plusieurs points. Sur le plan matériel déjà, il me donne une boisson énergétique et un gel liquide que je prendrai au moment voulu. Son concours est également intéressant au niveau physique. Étant plus frais et surveillant sa montre régulièrement mais sans m’annoncer mes temps de passage, il m’indique si je suis dans le bon tempo. Il me permet de conserver l’allure. Mais le bénéfice majeur qu’il apporte est son soutien psychologique. Tout au long de la course, il sait trouver les bons mots pour m’encourager et me stimuler. En amont de la compétition, nous avions fait avec lui et un autre partenaire, une préparation mentale. En utilisant l’hypnose, nous avons travaillé l’inconscient et choisi des outils à mettre en place le jour J pour franchir des moments clés. Un marathon est une course longue, une épreuve physique et mentale. Ce rendez-vous avec soi-même doit vraiment se préparer sur tous les points. La petite expérience qu’ils m’ont fait découvrir à travers l’hypnose a été très positive.
Après un passage au semi-marathon dans le temps que je m’étais fixé et un crochet par la Bastille, nous atteignons les quais. La population ne faiblit pas et les applaudissements vont bon train. Situé entre le 24ème et le 30ème kilomètre, le passage le long de la Seine n’est pas si facile. Il y a tout d’abord un risque de lassitude psychologique. En effet, l’arrivée est encore loin et les premières douleurs peuvent apparaître. De plus, le parcours n’est pas si plat que nous pourrions le penser. Il y a plusieurs tunnels, chacun marqué par une petite côte en sortie. Pierre-Yves en profite pour me rappeler les éléments que nous avions travaillés en hypnose et m’invite à les mettre en place dès que j’en sentirai le besoin. S’il y a un élément clé pour réussir un marathon, c’est la concentration. Il faut se mettre dans sa bulle comme il me le précise à plusieurs reprises. Revenir sur soi, accepter son état physique pour maintenir le cap.
L’allure de Karine Pasquier est impressionnante
Au 28ème kilomètre, nous sommes rejoints par la deuxième Française, Karine Pasquier. Son allure est impressionnante, elle donne le sentiment d’être en pleine bataille ! Nous restons avec elle car son rythme correspond finalement au nôtre. Pierre-Yves ne cesse de nous encourager avec un vocabulaire toujours adapté pour nous stimuler. Il m’avait dit quelques jours auparavant cette citation qui est bien justifiée pour la course à pied : « la douleur est éphémère, le chrono est éternel ». Il a entièrement raison. C’est si simple d’arrêter de souffrir, il suffit de passer la ligne d’arrivée ! Plus vite on y arrive, plus vite la douleur s’estompe. J’aime beaucoup cette phrase que je me répèterai régulièrement pendant le parcours.
Nous approchons maintenant du 30ème kilomètre. Comme à l’entrée dans Paris, la foule est très nombreuse. Point de mur à franchir mais un gros panneau humoristique l’indiquant. C’est amusant. La sortie de Paris se fait par la porte Molitor. Ma conjointe, accompagnée de mon frère et de ma nièce, est présente à cet endroit. La difficulté physique est croissante et c’est formidable d’avoir un soutien familier à ce moment-là. Elle me donne une boisson et ils m’encouragent fortement. Après une petite boucle vers l’ouest qui nous ramène porte d’Auteuil, je les retrouve. Ils me boostent à nouveau. Dernière difficulté du parcours, le faux plat montant entre le 35ème et le 36ème kilomètre me fait sentir mon incapacité à pourvoir accélérer l’allure ! Dès lors je vis l’épreuve kilomètre après kilomètre. Karine est toujours avec nous et le trio que nous formons est vraiment moteur. Pierre-Yves nous encourage sans cesse. Ces derniers kilomètres sont un combat avec moi-même. Il est maintenant de plus en plus difficile de parler. Je ne crois pas vraiment au mur du marathon. Pour moi, ce moment est plus psychologique que physiologique. Je suis convaincu que le corps, par l’énergie qu’on lui apporte les jours précédents et durant l’épreuve, a suffisamment de ressources pour finir le parcours. Évidemment, il n’empêche que l’on peut avoir des difficultés physiques. Et j’en suis le premier témoin.
À partir du 38ème kilomètre, je commence à sentir des crampes au niveau du mollet gauche. Pierre-Yves a encore les mots justes. Au lieu de nier cette douleur, il me fait accepter le flux qu’elle génère. Elle est le résultat d’une fatigue musculaire inhérente à ce type d’épreuve : je répète à ma conscience que c’est NORMAL ! Dès lors, cette gêne ne devient plus un frein à mon action… du moins pendant les deux kilomètres suivants. C’est facile à dire mais je dois avouer qu’à partir du 40ème kilomètre, je n’arrive plus à trouver de sensation. Après un passage conforme en terme de chrono, j’éprouve beaucoup de peine à maintenir le rythme avec ces crampes. Je pense qu’elles sont dues à une hydratation insuffisante et un manque de préparation physique (renforcement musculaire).
Le tapis rouge nous mène vers la fin de notre périple
Au passage du rond point de la porte Dauphine, je retrouve ma fratrie qui me donnera des ultimes encouragements. L’avenue Foch s’ouvre devant nous. Nous pouvons apercevoir la ligne d’arrivée. Ces derniers mètres sont magiques. La foule exhorte les coureurs. Le tapis rouge nous mène vers la fin de notre périple. La douleur s’efface et le temps semble s’arrêter. Je termine ce marathon en 2h35mn05 par une franche accolade pour remercier Pierre-Yves. Il a largement contribué à la réussite de ma course. Je suis exténué mais satisfait. Contrairement à l’année dernière, je n’ai pas de sentiment d’écœurement. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour améliorer mon temps. Je n’ai qu’une seule envie : revenir en 2016. Je rejoins maintenant ma conjointe et mon frère. Elle est coureuse également et nous aimons partager ces instants. La course à pied est un sport individuel mais vivre ensemble une épreuve est un moment magique. Quelques minutes après, mon camarade qui a couru ce marathon nous retrouve. Heureux, il a fait un superbe chrono. Le soleil chauffe agréablement et mes amis nous ont fait la surprise d’emmener du champagne. Nous nous posons sur l’herbe et discutons inlassablement de l’expérience que nous avons vécue.