Lepape-info : Antoine, le marathon de Nevers sera le premier marathon qui va pouvoir enfin se disputer en France depuis le mois de mars
Antoine De Wilde : Oui, le premier et sans doute malheureusement le seul de cette fin d’année 2020. J’ai une énorme pensée pour mes confrères de l’évènementiel sportif qui traversent une période très compliquée. Cela ne nous réjouit pas de voir toutes les courses qui s’annulent les unes après les autres depuis des mois que ce soit pour les organisateurs ou les coureurs. Participer à une course est un échappatoire pour beaucoup, c’est une période assez triste. Nevers sera le premier marathon qui se tiendra en France depuis le début de la crise sanitaire, c’est une fierté mais c’est aussi une grosse responsabilité et cela nous a demandé énormément de travail depuis des mois et notamment ces dernières semaines. Nous sommes heureux que l’évènement puisse avoir lieu, espérons que la météo soit avec nous. Cela restera une année particulière.
Lepape-info : Les discussions ont été longues, nombreuses pour que le marathon puisse être maintenu
A.D.W : En temps normal, il faut savoir que le « Nevers Marathon by Plus » part du circuit de Nevers Magny-Cours et rejoint le centre-ville de Nevers en passant par la rase campagne. Ces derniers jours le décret est tombé comme quoi tout rassemblement de plus de 6 personnes sur le domaine public était interdit. Il a fallu se réorganiser, il y’a eu une véritable symbiose entre les différents services de l’Etat, Madame la Préfète de la Nièvre, les partenaires, le directeur du circuit de Magny-Cours pour essayer de trouver une solution, une alternative qui respecte le protocole sanitaire demandé. Le week-end dernier, l’idée du circuit nous est apparue comme assez simple, elle s’imposait. Le circuit évite tous les barrages de rues en centre-ville, la mise en place de signaleurs etc …et puis cela nous permet de créer des « bulles ». Il y’aura une « bulle spectateurs » qui ne sera pas mêlée aux coureurs. Des bulles de courses, par exemple les participants à l’Ekiden ne seront pas directement mêlés à ceux du marathon. On isole aussi les partenaires, le staff. Tout le monde devra se soumettre à un protocole sanitaire strict avec port du masque (pour les coureurs avant et après la course), désinfection des mains et même contrôle de température.
Antoine De Wilde : « Même si l’évènement va avoir lieu, la fête ne sera pas gâchée mais elle ne sera pas comme avant … Cela reste un choix par défaut … On a la chance d’avoir le circuit. S’il n’y avait pas de circuit, il n’y avait pas de marathon. »
Lepape-info : Tout a été étudié pour que les concurrents puissent respecter au mieux les règles sanitaires
A.D.W : Le départ du marathon a lieu à 20h celui de l’Ekiden à 21h ce qui permettra à l’ensemble des marathoniens d’étendre le peloton sur le circuit (9 tours de circuit à parcourir). Toute la grande ligne droite et très large nous permettra de faire cohabiter au mieux les marathoniens et les participants de l’Ekiden qui vont pouvoir se passer les relais de manière isolée dans la voie des stands du circuit de Formule 1.
Lepape-info : L’idée du circuit de F1 avec la course en nocturne rend du coup vraiment l’évènement à part
A.D.W : L’idée on l’avait déjà eu il y’a quelques années quand on avait pensé à faire un marathon mais le concept avait été abandonné très rapidement car le circuit est relativement difficile pour y courir. À chaque tour, vous avez un dénivelé positif de 45 à 50 mètres soit au final environ 400 m sur la totalité du marathon. Moi qui suis coureur à pied je ne voulais pas infliger une telle difficulté aux coureurs ce n’était pas un cadeau à leur faire. Par contre en revanche c’est un écrin exceptionnel qui va être utilisé à sa juste valeur avec une tribune magnifique face à la grille de départ où l’on va donner un départ « type F1 » avec des spectateurs tranquillement en tribune qui vont pouvoir voir passer les coureurs 10 fois, cela n’existe pas sur un marathon classique.
Lepape-info : Pouvoir disputer un marathon sur le circuit de Magny-Cours en nocturne après 21h pendant que 46 millions de Français seront concernés par le couvre-feu, la situation parait incroyable
A.D.W : Lorsque l’on parle d’année exceptionnelle et atypique nous sommes en plein dedans. C’est vrai que par rapport à la conjoncture il y’a un énorme décalage sportivement parlant mais aussi par rapport à beaucoup d’autres domaines professionnels (NDLR: le département de la Nièvre n’est pas concerné par le couvre-feu à partir de 21h). Tout le monde en France fonctionne maintenant région par région, département par département; On a mis en place un système qui fonctionnait par rapport aux règles de notre département. Même si l’évènement va avoir lieu, la fête ne sera pas gâchée mais elle ne sera pas comme avant. En tant qu’organisateur je souhaite que tout se passe bien, que mon staff soit en sécurité, que tout le monde prenne du plaisir à courir mais cela ne sera pas comme les courses que l’on a connu. Cela reste un choix par défaut. Je pense que par la force des choses nous sommes obligés d’essayer de se réinventer et c’est ce que nous avons fait. On a la chance d’avoir le circuit. S’il n’y avait pas de circuit il n’y avait pas de marathon.
Antoine De Wilde : « Cela serait bien d’analyser la situation, de se concerter pour penser au running de demain. C’est une certitude, il y’a des choses qui se sont faites dans le passé comme des marathons de masse qui ne seront plus possibles à court et moyen terme. »
Lepape-info : Qu’attendez-vous en tant qu’organisateur et quels sont les premiers retours des participants que vous avez avant la course ?
A.D.W : Les réactions sont mitigées, nous avons modifié le programme initial (parcours, horaire) il y’a seulement 4-5 jours. Le marathon a été avancé à samedi soir car le circuit n’était pas disponible dimanche. Nous comprenons que cela puisse déstabiliser certaines personnes qui ont préparé leur déplacement etc … Maintenant il a fallu que l’on se réadapte et que le participant se réadapte à ce nouveau format. C’est toujours moins difficile que d’annuler une course et de se dire je me suis préparé pendant des semaines et une nouvelle fois je ne vais pas pouvoir courir. D’autres participants trouvent cela exceptionnel de courir un marathon sur un circuit de Formule 1 en nocturne. Dans 10 ans quand on dira avec le coronavirus il n’y avait eu qu’un seul marathon en France en 2020, on se souviendra du circuit. Il y’aura un côté historique, c’est super mais en tant qu’organisateur et en connaissant le métier et le milieu, on n’oubliera pas que malgré tout l’idée de la course à pied c’est de tous se rassembler, c’est une vraie communion, c’est un mélange de personnes de tous niveaux mais sur une même ligne de départ et cela malheureusement on ne va pas forcément le retrouver à cause des contraintes sanitaires. J’ai une pensée pour ceux et celles qui ne vont pas pouvoir courir, qui ne peuvent pas courir. Ceux et celles qui vont pouvoir courir il faut qu’ils et elles le fassent pleinement parce que c’est un privilège de pouvoir courir la distance reine du marathon en 2020.
Lepape-info : Quel sentiment prédomine à 24h de l’évènement ?
A.D.W : Ma priorité est de voir et revoir tout ce qui a été imaginé, travaillé pour que tout se passe parfaitement bien samedi. La situation sanitaire actuelle nous a demandé encore plus de rigueur par rapport aux autres évènements que l’on a mis en place dans le passé. On essaye d’être aux petits soins pour nos participants, de répondre individuellement aux messages, de faire en sorte qu’ils soient accueillis du mieux possible, de bétonner notre protocole sanitaire, de bien communiquer pour que tout le monde ait le maximum d’infos. Nous sommes très rigoureux pour aller au bout de cet évènement parce que c’est une chance, il faut que nous soyons dignes de pouvoir le réaliser par respect pour tous les organisateurs qui n’ont pas eu cette chance.
Lepape-info : En tant qu’organisateur mais aussi athlète de haut-niveau comment voyez l’avenir du running en France avec la crise sanitaire ?
A.D.W : Nous sommes dans un monde où durant des décennies il y’a eu des choses qui ont bouleversé les habitudes de chacun et le monde s’est réinventé à chaque fois. Cela fait bientôt un an que l’on connait le coronavirus, les restrictions seront peut-être encore plus dures dans les semaines à venir, je pense que le running va évoluer, la vie aussi. Si nous attendons qu’elle revienne comme avant, je pense que l’on va rester à l’arrêt très longtemps. Cela serait bien d’analyser la situation, de se concerter pour penser au running de demain. Je ne sais pas si cela sera en circuit fermé, je ne le souhaite pas non plus il y’a tellement de belles choses à voir en France et dans le monde, cela serait dommage. C’est une certitude, il y’a des choses qui se sont faites dans le passé comme des marathons de masse qui ne seront plus possibles à court et moyen terme. Chez nous ce samedi, 1500 participants (courses jeunes, marathon, Ekiden) sont attendus et il n’y aura pas plus de 1000 personnes en même temps qui vont courir en même temps sur une boucle de 4,411 km. En tout cas j’espère que tout le monde va prendre du plaisir et profiter pleinement de cette chance parce que très peu de gens ont pu courir cette année. Que les concurrents courent pour eux mais aussi un peu pour les autres.