Il y a des rencontres qui suscitent un tas d’interrogations. Celle avec Bertrand Lebugle est de cet acabit. Sur sa carte de visite, il est officiellement « directeur savoir faire » de la Maison Lenôtre. En souriant, il admet que cette appellation n’aide pas beaucoup sa fille de douze ans à répondre à une question pourtant basique : « Ton papa, il fait quoi dans la vie ? ». D’ailleurs, même quand on n’a plus douze ans, la fonction laisse presque autant songeur qu’un coureur débutant qui entend parler de VMA et de séance de fractionnés.
« J’ai plusieurs activités, embraye Bertrand Lebugle. Je m’occupe notamment de la formation, à travers l’Ecole Lenôtre. Mais aussi du pôle assistance technique et conseils ». Comprenez par là : travailler avec des entreprises pour amener un peu de gourmandise dans leur approche de l’alimentation. « A l’hôpital par exemple, le seul moment où les patients peuvent oublier qu’ils sont là pour des soins, c’est le repas, lance Bertrand Lebugle. Même chose sur un porte-conteneurs avec du personnel qui embarque pour plusieurs semaines. Le repas est un moment de convivialité, à condition que le menu corresponde à ce registre ».
Son métier – « un très beau métier » -il l’exerce donc dans un milieu – la gastronomie – où le sport n’est pas vraiment la préoccupation principale. La faute notamment à des horaires décalés et des journées passées quasi exclusivement debout : « Ce sont deux mondes un peu antinomiques », convient Bertrand Lebugle qui fait figure d’équilibriste. « La course à pied est ma soupape intellectuelle. Je connais deux types de séances. Celle où j’évacue, où je suis à l’écoute de mon corps. Et celle où je suis dans un mode « utilitaire », c’est-à-dire que je me projette sur la suite de ma journée : « après la douche tu vas faire ça, etc » ».
Plus jeune, déjà, il avait été séduit par cette pratique, avant de bifurquer vers le vélo. « Mais j’aime me faire mal. Et je ne retrouve pas ça dans le vélo, on ne se met pas dans le rouge de la même manière ». Il s’est remis à la course il y a une dizaine d’années. « Un matin on se lève et on se dit « je vais rééquilibrer ma vie ». Il y a des périodes comme cela dans la vie… J’avais pris dix kilos. J’ai recommencé à courir, et mon rapport aux excès a complètement changé ».
Avec un métier où les dégustations font partie de son quotidien, Bertrand Lebugle l’affirme : « Je ne m’interdis rien de ce que j’aime. Je sais par exemple que je suis un chocolat-addict. Et que je ne maigris pas quand j’arrête de manger du chocolat. Mais quand je me lâche, c’est jusqu’à l’écœurement. Alors je m’interdis l’excès ». L’équilibre alimentaire, il le pense d’ailleurs « sur une semaine. Si un jour je mange une entrecôte/frites, je fais attention le lendemain. Et après une grosse soirée – parce que ça peut m’arriver – le lendemain je fais une séance décrassage. Je ne sais pas si ça sert vraiment à quelque chose, mais j’en ai besoin ! ».
Ce passionné de cuisine prend soin de rappeler que « bien manger ne veut pas dire manger des plats en sauce ou gras ». A la maison, c’est lui qui est aux fourneaux et il adore ça. « Par goût, je ne cuisine pas au beurre. Mais à l’huile d’olive. Chez moi, il n’y a que des pinceaux. Pour utiliser juste ce qu’il faut. J’ai appris ça chez (Bernard) Loiseau ».
Passion commune avec sa fille
Bertrand Lebugle court généralement trois fois par semaine, de préférence « dans les bois » et jusqu’à présent « toujours sans musique ». « La course à pied, c’est mon jardin secret. Par exemple, quand je reviens d’une séance, je ne passe pas des heures à en parler avec ma femme ». En revanche, il partage sa passion avec sa fille de 29 ans… « Une année, elle ne savais pas quoi m’offrir pour la fête des pères. Elle qui n’avait pas l’habitude de courir a participé avec moi aux Foulées des Laveuses, au Coudray-Montceaux, sur 15 km. Elle a pris le virus. C’est devenu fusionnel. Depuis, on a notamment couru ensemble le semi-marathon de Boulogne et le marathon du Médoc ». En 2013, son fils, plutôt adepte du foot, devrait les rejoindre dans l’aventure, sur semi-marathon, en participant à la Foulée Impériale. Ca sera cette fois pour l’anniversaire de Bertrand Lebugle, à Fontainebleau, sa ville de naissance.
Souvent parti aux quatre coins du monde pour les besoins de son travail, ce passionné emporte toujours une paire de runnings dans ses valises. Avec à la clé des footings parfois insolites. « J’ai notamment beaucoup de souvenirs en Afrique, à courir sur des pistes en latérite. Avec le danger de voir des animaux surgir de nulle part. Et le côté magique de rencontrer une horde de gamins qui vous sourient et viennent courir avec vous pendant quelques mètres ».
A 56 ans, Bertrand Lebugle peut courir un semi en 1h50 et un marathon en 4h15. Mais il avoue avoir davantage envie de délaisser la pression du chrono pour privilégier le plaisir du contact avec la nature. Il choisit donc les courses sur lesquelles il s’aligne « en fonction du cadre et de l’ambiance ». Et regarde les longues distances avec envie. « La gestion de l’effort et la dimension mentale m’intéressent ». Sa fille lui parle d’ailleurs de la SaintéLyon. Il songe aussi à l’UTMB. Avant d’ajouter : « Si vous m’offrez quelque chose, là, maintenant, je prends un trekking au Népal ». Parce qu’à la question, « pourquoi cours-tu ? », Bertrand Lebugle répond : « Aujourd’hui, je vis la course à pied comme une démarche personnelle bien plus que comme une performance ».