Dans le précédent article, nous avons expliqué en quoi consiste un tel championnat et quelles pouvaient être les performances attendues en fonction de son expérience et de la stratégie adoptée. Le principe est simple : sur une boucle mesurée à 1114m à Albi et passant invariablement par la piste et la ligne droite des stands, les coureurs tournent pour accumuler un maximum de kilomètres. La limite inférieure pour intégrer le classement des championnats de France est de 120 km. Chaque tour, l’écran géant affiche le chronomètre, le temps au tour et le classement par catégorie.
75,7 km pour les six premières heures de Clavery
La stratégie de la grande majorité des coureurs s’affiche dès le premier tour. Courir lentement et s’économiser pour durer le plus longtemps possible, telle est la règle d’or des circadiens. C’est pour cela que le départ d’Erik Clavery va en surprendre beaucoup. En effet, il va prendre la tête au bout de 100m et aligner les tours en ~5 min pendant près de 4 heures, soit à un peu plus de 13 km/h, sur des bases un peu plus élevées que le record du monde de Yiannis Kouros, au-delà des 300 km.
Au bout de 6h, il a accompli 68 tours (75.7 km). Il passe aux 100 km en 8h05 et atteint les 143 km en 12h. La vitesse moyenne est alors de 11.9 km/h. Erik Clavery restera sur les bases du record de France (11.2 km/h de moyenne et 268 km) jusqu’aux 18 heures de course, avant de baisser le rythme.
La fin sera très dure pour lui et il devra résister aux magnifiques fins de course de Raphael Gérardin et Valentin Costa. Au final, Erik s’impose avec 254km264, ses 2 poursuivants atteignant 251km725 et 250km800. Ces trois coureurs réalisent les 2ème, 3ème et 4ème performances françaises de l’année. La moyenne d’Erik est donc de 10.59 km/h. Bien entendu, si on note très peu d’abandons (normal pour une course au temps), cela n’empêche pas les défaillances. On a vu certains coureurs lâcher subitement au bout de 20 heures de course, au moment où tout semblait aller pour le mieux.
Bagarre chez les femmes
La victoire d’un ultra traileur est donc une nouveauté dans ce milieu très fermé, car très spécifique, de l’ultra endurance à plat. Rappelons tout de même qu’Erik Clavery a été champion du monde IAAF de trail en 2011, qu’il a terminé 6ème et 8ème (en 2018) de l’UTMB, deux fois 4ème du Grand Raid à la Réunion, 5ème du marathon des sables, qu’il a remporté des épreuves populaires (et relativement plates) comme la Saintélyon ou l’Ecotrail de Pari.
Malgré ce palmarès exceptionnel, il a su faire preuve d’humilité pour aborder cette épreuve avec une faible préparation spécifique due à la proximité de l’UTMB. Cela permet d’envisager une grosse performance en 2019 pour les championnats du monde. Chez les femmes, si la victoire fut âprement disputée, la victoire revient également à une néophyte. Stéphanie Gicquel, avec 215.385 km, réalise la meilleure performance française 2018. Elle s’impose elle aussi avec une faible avance devant Christelle Bourreau avec 213,013 km et Karine Zeimer (207,500 km).
Stéphanie est connue pour avoir réalisé la traversée de l’Antarctique en ski sans voile de traction via le pôle sud, fin 2014, c’est donc une spécialiste de l’ultra endurance en conditions extrêmes. Elle a longtemps mené avant de céder la première place à Christelle puis de la reprendre sur les dernières heures.
Ces résultats amènent un vent nouveau sur cette discipline qui reste malheureusement trop confinée. 122 finishers sur le France et 85 sur la course open, nous sommes très loin de l’engouement populaire des ultra trails. Il est vrai que de prime abord, il y a peu d’intérêt à tourner en rond pendant 24 heures. Pourtant, les sources de motivation ne manquent pas et nous y reviendrons dans un prochain article dédié à la physiologie de l’ultra endurance et à la comparaison ultra trail – 24 heures : mêmes durées mais engagements physiques et mentaux différents.