Lepape-info : Cyril, comment avez-vous géré et décidé l’annulation du HDMS en Egypte ?
Cyril Gauthier : Le 7 octobre, le Hamas a attaqué Israël, on avait 2 évènements très proches avec le HDMS en Jordanie 15 jours après et juste derrière le HDMS en Egypte. On a tout d’abord traité avec les autorités Jordaniennes et Egyptiennes, au début tout paraissait bon. L’épreuve en Jordanie a eu lieu, des coureurs étaient stressés avec un conflit à proximité on leur a proposé de reporter leur participation, environ 200 ont fait ce choix et la course s’est parfaitement déroulée.
Ensuite pour l’Egypte on faisait des points opérationnels quotidiens en amont, tout les feux étaient au vert jusqu’au lundi (5 jours avant l’épreuve) où les autorités Egyptiennes nous ont demandé de déplacer notre bivouac près du village le plus proche. En réponse on leur a expliqué que le principe de l’épreuve était d’avoir un bivouac loin de toute civilisation et que si on le déplaçait on n’était plus dans notre ADN et qu’il fallait retracer tous les itinéraires. On nous a demandé de retracer la course près des routes mais pour nous dans l’esprit du HDMS il n’est pas question de croiser des routes, on est au milieu de nulle part. Quand on nous a demandé de ne plus courir la nuit mais que tout se fasse de jour, nous avons répondu que s’il fallait déplacer le bivouac, changer l’itinéraire et annuler l’étape de nuit ce n’était plus un HDMS mais autre chose. On a des coureurs qui nous font confiance, on a statué dans la nuit entre nous au sein de l’organisation avec mon associé on a décidé d’annuler contre l’avis des autorités qui voulaient la course car ils avaient commencé à faire la promotion du pays avec l’épreuve, contre l’avis des équipes locales qui avaient déjà tout installé avec des pertes financières colossales d’au minimum 500 000 euros (logistique, remboursement ou report de participation pour les coureurs sur une autre course). Nous nous sommes dit que s’il y avait autant de demandes différentes par rapport à ce qui était prévu c’est qu’il y avait peut-être des infos que l’on ne nous donnait pas. Pourtant parmi les 450 concurrents en lice, seulement 6 personnes étaient réticentes à l’idée de prendre le départ lorsque nous avions demandé au préalable. Malgré la perte financière, on ne pouvait pas transiger avec l’ADN de la course et la sécurité des coureurs qui nous suivent sur les destinations les yeux fermés, à nous d’en être dignes et responsables.
Cyril Gauthier : « Nous sommes amoureux des déserts, responsables de la confiance que nous font les gens. Lors de l’annulation de la course en Egypte notre seul bonheur fut de voir que 98% des personnes sur les réseaux nous remerciaient et félicitaient. »
Lepape-info : Vous avez déjà du reporter d’autres courses
C.G : Nous avons reporté le HMDS Cappadoce en Turquie initialement prévu du 21 au 27 mai dernier en raison des tremblements de terre qui ont fait 50 000 morts. On a aucun problème à venir pour soutenir économiquement un pays mais 3 mois après les conditions de sécurité, sanitaires n’étaient pas assurées en cas d’hospitalisation. On a donné à la population le matériel (tentes, médicaments etc… ) que nous avions déjà en Turquie. On a fait la même chose pour le Maroc où l’on revient chaque année depuis 38 ans avec le Marathon des Sables qui a eu lieu mais comme nous avions du matériel en plus (tentes, alimentation lyophilisée, médicaments etc…) il était impensable de ne pas intervenir. Quand nous sommes sur plusieurs pays en fonction des aléas climatiques, politiques nous devons parfois reporter comme ce fut le cas pour le Pérou cette année aussi. L’an passé, à la fin de l’édition, le couvre-feu avait été décrété en raison d’une forte instabilité politique, le Consul de France qui avait disputé la course m’a conseillé d’attendre que la situation se calme.
Lepape-info : Avec ces aléas, avez-vous des craintes pour l’organisation de courses dans le futur ?
C.G : Non pas du tout, nous sommes au Maroc depuis 38 ans avec le Marathon des Sables, il y a eu 2 guerres du Golfe, un printemps arabe. Les tremblement de terre il faut savoir réagir, s’adapter et les tensions politiques dans le Moyen-Orient existent depuis l’après-guerre. Pour moi il n’y a pas de changement, on s’y intéresse quand nous sommes directement liés mais pour nous cela n’a pas d’impact. Regardez les attentats en Tunisie et discutez avec les voyagistes, le tourisme s’est arrêté avant que cela ne reprenne 2 mois après. L’important est d’être sur place, d’avoir les vraies informations pour prendre les bonnes décisions et ce fut le cas pour l’Egypte.
Des destinations pour des courses magiques il y en a beaucoup plus que ce que nous pouvons en faire, je passe mon temps à en visiter. Dans notre logique il faut que les destinations ne soient pas trop éloignées ou si c’est le cas comme avec le Pérou il faut un marché de proximité, on respecte notre ADN qui est le désert et afin de rester dans les normes fixées écologiquement parlant pour pondérer les voyages en avion on sensibilise nos participants dans leurs habitudes, attitudes de tous les jours.
Lepape-info : Combien de temps vous faudra t’il pour vous remettre des pertes financières de cette année ?
C.G : On a une vision à 10 ans, on sait que lorsque l’on ouvre une destination il nous faut environ 3 ans pour arriver à l’équilibre. Depuis 2017, lorsque nous avons lancé le programme HDMS, on est dans un plan d’investissement et de développement avant tout, les évènements viennent le ralentir, le pondérer. Il faut pas que cela nous arrive tous les ans car cela nous mettrait en danger mais il n’est pas question je le répète de transiger avec la sécurité et la qualité. Nous sommes amoureux des déserts, responsables de la confiance que nous font les gens. Lors de l’annulation de la course en Egypte notre seul bonheur fut de voir que 98% des personnes sur les réseaux nous remerciaient et félicitaient. Je suis désolé de la peine qu’on leur a imposé mais très fier de la décision prise contre nature.
Cyril Gauthier : « Notre obsession est d’avoir à notre petite échelle des réponses pragmatiques pour la planète, si on arrive à faire cela dans les 10 ans et que nos marathoniens se battent pour que la planète aille mieux, nous aurons une fierté bien au-delà des émotions connues dans le désert. »
Lepape-info : Le Half Marathon des Sables et le Marathon des Sables ont récemment fusionné
C.G : J’ai couru le Marathon des Sables en 2009, présent dans l’organisation à partir de 2010. Depuis 2014, nous étions le plus gros actionnaire du MDS après son fondateur Patrick Bauer avec qui je l’ai dirigé pendant 5 ans en compagnie aussi de Marie Bauer. Cette fusion évoquée dès 2012 était légitime si le développement des HDMS fonctionnait. Patrick souhaitait se consacrer davantage à Solidarité Marathon des Sables, l’association pour l’éveil au sport des enfants crée et soutenue depuis le début et ainsi relâcher la pression d’être aux commandes d’une telle course. J’ai la chance de ne pas être tout seul, j’ai énormément de personnes à mes côtés dont mon associé et passionné de sport Olivier Cerbeland. À partir de 2024, toutes les épreuves auront l’appellation Marathon des Sables avec le nom du pays derrière. Lorsque nous parlerons de la course ancestrale avec 240-250 km au Maroc, nous l’appellerons le « Legendary Marathon des Sables »
Lepape-info : Vous avancez dans votre aventure pour les années à venir avec quel état d’esprit ?
C.G : Mon associé et moi avons fait notre carrière, je suis dans la logistique marketing à destination de gros industriels. Nous avons tout ce qu’il nous faut pour vivre. À présent, on veut créer des évènements où l’on a un maximum de plaisir, d’émotion et de reconnexion avec la vraie vie. L’autre règle importante est de réussir à créer des évènements avec un impact carbone le plus faible possible, utiliser les courses pour impliquer des habitudes de consommation que l’on ne fait pas toujours, on est tous de mauvais élèves et moi le premier. Depuis la création on a 25 000 « Marathoniens des Sables » lorsqu’on leur envoie un mail 75% d’entre eux le consulte, notre but est de pouvoir utiliser cette force partout dans le monde pour s’occuper de notre planète, on est très bien placé pour voir ce qu’est une planète lorsque c’est le désert, ce sont des pays extraordinaires mais il nous en faut pas plus. Notre obsession est d’avoir à notre petite échelle des réponses pragmatiques pour la planète, si on arrive à faire cela dans les 10 ans et que nos marathoniens se battent pour que la planète aille mieux, nous aurons une fierté bien au-delà des émotions connues dans le désert. Plus tard, je veux avoir de vraies histoires à raconter à mes petits-enfants en leur disant que j’ai fait du bien aux gens et à la planète et que j’ai eu un vrai rôle social.