Courtney Dauwalter, exceptionnelle à la Réunion

Où sont les femmes ?

Revenons en premier sur la participation des femmes en course à pied. Si sur la route, on obtient peu à peu la parité, c’est loin d’être le cas en trail où l’on ne dénombre que 26% de femmes, toutes distances confondues.

Si cette participation augmente peu à peu, elle reste très faible en ultra trail où elle dépasse rarement les 10%.

Ce chiffre est important car il peut expliquer à lui-même la moindre densité des femmes au niveau des résultats, comparativement aux hommes, mais également en comparaison des marathons sur route.

Comme nous l’avons plusieurs fois expliqué, la meilleure façon de comparer les performances est de calculer les écarts de performance en pourcentages. Sur la route, ces écarts sont objectifs ; ils sont plus subjectifs en trail en raison de la variété des parcours et des conditions de course.

Dans le tableau suivant, nous résumons les écarts Hommes/Femmes au niveau des records mondiaux sur la piste et sur la route : 

Quelle que soit la discipline, on remarque que les écarts sont stables, autour des 10%. Mais attention, nous nous basons ici sur la meilleure performance mondiale qui peut parfois être exceptionnelle et gonfler les écarts dans un sens ou dans l’autre.

Par exemple sur 100 m, les écarts sont faibles en raison de la performance stupéfiante de Florence Griffith Joyner, 10 »49 en 1988 ; idem sur 24h route où la récente performance d’Aleksandr Sorokin (> 319 km) est largement supérieure à celle de Camille Herron (> 270 km).

Par conséquent, l’idéal serait de faire une moyenne des 5 ou 10 meilleures performances mondiales pour obtenir des écarts plus fiables, c’est-à-dire moins discutables.

Si les écarts de performance sont stables sur la route, ce n’est pas le cas en trail où ils sont en moyenne de 20%, mais avec une forte variabilité.

Par exemple, en 2015, 2016 et 2017, les écarts H-F à l’UTMB sont respectivement de 19.4, 14.8 et 35.6 %, dépendants de la performance du premier homme et de la performance objective de la première femme.

En 2021, l’écart entre François d’Haene et Courtney Dauwalter est de 8,4 % ! Ecart exceptionnel toutes disciplines confondues (piste, route et trail), agrémenté d’une 7^ème place au scratch.

En 2022, l’écart entre Kilian Jornet et Katie Schide est de 17,2%, montrant encore une fois la forte variabilité des écarts, contrairement aux grands marathons sur route, où rappelons-le la participation des femmes dépasse les 35%.

GRR 2022, quand la femme défient les hommes

Au Grand Raid de la Réunion édition 2022, l’écart entre Beñat Marmissolle le Basque et Courtney Dauwalter l’Américaine est de 5,8 % avec une 4^ème place au scratch.

Beñat Marmissolle n’est pas le premier venu malgré sa discrétion : 3^ème du GRR 2021 et 6^ème de l’UTMB 2022, il fait partie de l’élite mondiale du trail running.

Ainsi, la performance de Courtney est tout à fait exceptionnelle et vient apporter de l’eau au moulin de ceux qui affirment que les femmes se rapprochent des hommes dans les épreuves d’ultra endurance.

Il est vrai que de récentes recherches ont confirmé que les femmes ont une meilleure endurance de force, ainsi qu’une meilleure utilisation des lipides à l’effort, avec par exemple un fat max à 52% de VO2max contre 45% pour les hommes. Cela leur confère un avantage indéniable dans les épreuves d’ultra endurance.

Mais est-ce suffisant pour compenser les moindres capacités cardiovasculaires (VO2max, taux d’hémoglobine…) ? la question reste posée. Il faudra multiplier les études pour progresser dans ces connaissances.

Au-delà de la comparaison entre les 2 premiers, il est intéressant de pousser l’analyse un peu plus loin et de comparer les écarts sur le podium et au sein des 10 premiers de chaque catégorie.

Sur cette 30^ème édition du Grand Raid de la Réunion, l’écart entre le 1^er H et le 2^ème H est de 0,4% ; de 4,7% entre le 3^ème H et le 1^er ; et de 13,1% entre le 10^ème H et le 1^er.

Ces résultats montrent une belle densité au niveau des hommes. Pas de méga star pour réaliser un chrono d’exception, mais de nombreux concurrents pour rentrer dans le top 10. Notons d’ailleurs que la 10^ème place a été conquise par Julien Chorier, double ancien vainqueur de l’épreuve.

Concernant les femmes, l’écart entre la 1^ère et la 2^ème F est de 17,7 % ; de 22,8 % entre la 3^ème F et la 1^ère ; et de 44,2 % entre la 10^ème F et la 1^ère. Bien entendu, l’énorme performance de Courtney distend les écarts entre les femmes. La 2ème paraît déjà très loin alors qu’il s’agit d’Anne-Lise Rousset, autrice cette année d’un exceptionnel record du GR20 en Corse en un peu plus de 35 heures. Quant à la 5^ème concurrente au scratch femmes, elle pointe à plus de 10 heures de la tête.

Tout cela démontre encore une fois la faible densité de performance chez les femmes, à mettre en lien avec leur faible pourcentage de participation en ultra.

Ces constats mettent en lumière un joli paradoxe : les femmes semblent mieux adaptées aux efforts de très longue durée (où la puissance aérobie est moins déterminante), et c’est là qu’elles sont le moins nombreuses.

Espérons qu’à l’avenir les femmes s’engageront davantage sur ces longues épreuves qui nécessitent une répartition différentes des charges de travail, mais pas nécessairement un plus gros volume d’entraînement.

Résultats du GR 2022 scratch et femmes

https://www2.trailpei.run//resultats/resultats-diagonale-des-fous/

Résultats Femmes

https://www.hdsports.at/running/resultats-grand-raid-reunion-photos