Traversée du désert Namibien, entre solitude et partage - Crédit photo : ©Florent Schneider

Steven Le Hyaric : « Pour moi l’aventure c’est vivre quelque chose de particulier et ça passe par le corps. »

Rémy Deutsch : Steven, pour commencer peux-tu te présenter à nos lecteurs et lectrices ? 

Steven Le Hyaric : J’ai 35 ans, je pratique le cyclisme depuis l’âge de 5 ans et j’ai mené une carrière de coureur Elite amateur jusqu’en 2011 (en DN1 qui est l’antichambre du monde professionnel en France). À ce moment-là j’avais perdu l’envie du haut niveau et je me suis reconverti, après l’obtention d’un Master, dans la communication digitale et le marketing. Cela m’a permis notamment de travailler avec la fédération française de triathlon jusqu’aux Jeux Olympiques de Rio.

Mais encore une fois je ne me sentais pas pleinement accompli dans cette vie. C’est alors que j’ai décidé de partir plusieurs mois au Népal en 2017 pour faire de l’humanitaire. J’y ai également effectué une retraite en monastère. C’était une remise en question totale. Et c’est à ce moment-là que j’ai décidé de vivre mes rêves, d’aventures, de transmission et de voyages. En 2018 je traverse l’intégralité de l’Himalaya népalais et depuis j’enchaîne les projets et l’aventure à vélo est devenu mon mode de vie et mon gagne-pain. Actuellement je suis sur le « projet 666 » pour lequel je vise de traverser les plus vieux déserts du monde sur les 6 grands continents.

 

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Crédit photo : ©Florent Schneider

 

Steven Le Hyaric : « Le sport de haut niveau, et le cyclisme particulièrement, est extrêmement difficile. En cyclisme on perd tout le temps ou presque. Sauf si on est un champion, la reconnaissance est minime. Souvent j’utilise cette citation qui dit que le cyclisme est un sport alors que le football (par exemple) est un jeu. Cela traduit bien la difficulté de faire du vélo en compétition. »

 

Rémy Deutsch : Tu es donc passé du sport de haut niveau au « métier » d’aventurier. Quel a été ton cheminement à ce moment-là ?

Steven Le Hyaric : En tant que coureur, je ne supportais plus la pression qui était constante. Pression liée aux attentes, aux résultats, à la vie de cycliste qui demande beaucoup de sacrifices. J’étais en burn-out. Et quand je me suis reconverti dans la communication avec des sportifs, j’avais l’impression de me retrouver encore dans ce système mais à une place différente. J’avais cette sensation de me voir dans ces athlètes que j’accompagnais. À cette époque je ne me sentais pas complet. Finalement j’ai choisi autre chose, vivre mes rêves. Et surtout retrouver du partage. Dans ce que je vis aujourd’hui il y a une grande dimension humaine que je ne retrouvais pas dans ma vie d’avant.

 

Rémy Deutsch : Tu parles de burn-out quand tu étais cycliste à haut niveau. C’est un sujet qui a fait l’actualité plusieurs fois ces derniers temps (par exemple Tom Dumoulin qui a mis sa carrière entre parenthèse durant plusieurs mois). Est-ce que tu as un avis plus général là-dessus ?

Steven Le Hyaric : Je ne suis pas chercheur ou psychologue, donc je n’ai pas d’avis expert à donner là-dessus. Mais le sport de haut niveau, et le cyclisme particulièrement, est extrêmement difficile. En cyclisme on perd tout le temps ou presque. Sauf si on est un champion, la reconnaissance est minime. Souvent j’utilise cette citation qui dit que le cyclisme est un sport alors que le football (par exemple) est un jeu. Cela traduit bien la difficulté de faire du vélo en compétition. Bien sûr il y a aussi beaucoup de points positifs à pratiquer à haut niveau. Il y a des sensations, de l’adrénaline, etc. Mais pour arriver à cela il y a énormément de sacrifices. Aujourd’hui être dans le peloton professionnel c’est une saison extrêmement longue, tout est calculé, il faut être à 100% dans tous les aspects de la performance. Donc oui, le métier de cycliste n’est pas facile. Moi aujourd’hui, à travers mes aventures, je joue au vélo, c’est différent.

 

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Crédit photo : ©Florent Schneider

 

Steven Le Hyaric : « 6 grands déserts (Atacama, Gobie, Arctique, Antarctique, Simpson, Kalahari-Namib) à traverser avec pour ambition de sensibiliser à la problématique du réchauffement climatique. Je veux me frotter à des conditions extrêmes que l’on rencontrera peut-être un jour en Europe si rien ne change. Et aussi montrer la beauté de la nature à travers les paysages exceptionnels que je parcours et qui risquent de se détériorer ou de disparaitre. »

 

Rémy Deutsch : Parlons maintenant de ta préparation. Comment t’entraînes-tu pour réaliser ces défis qui sortent de l’ordinaire ?

Steven Le Hyaric : Mon entraînement est très cadré. Globalement je respecte le principe de la polarisation avec 80% du temps passé en endurance de base et 20% à haute intensité. Ou disons que pour moi c’est davantage du 90%-10% avec des volumes importants. Mes hivers sont généralement très conséquents (entre 5 000 et 7 000 km les trois premiers mois de ma préparation). Je travaille également avec un préparateur physique et n’hésite pas à réaliser des tests d’acclimatation (à l’altitude ou aux conditions extrêmes de température) en amont de mes défis, soit en conditions réelles soit en simulées. Concernant mes sorties je vais régulièrement rouler entre 150 et 300 km, mais il y aussi des séances plus courtes. Et une fois par mois, en moyenne, je vais me faire des gros blocs de 3-4 jours pour accumuler de la charge. Enfin je me sers des épreuves d’Ultra pour travailler spécifiquement et me tester sur les très longues distances. Pour donner un ordre d’idée, je termine mes saisons entre 22 000 et 30 000 km au compteur.

 

Rémy Deutsch : L’actualité c’est donc ton périple en Namibie que tu viens de terminer (Nous sommes le 11 juillet). Peux-tu nous en dire plus sur ce projet ?

Steven Le Hyaric : Après ma traversée de l’Himalaya, je voulais quelque chose d’encore plus fort. J’ai alors imaginé un projet mondial, sur les 6 grands continents. 6 grands déserts (Atacama, Gobie, Arctique, Antarctique, Simpson, Kalahari-Namib) à traverser avec pour ambition de sensibiliser à la problématique du réchauffement climatique. Je veux me frotter à des conditions extrêmes que l’on rencontrera peut-être un jour en Europe si rien ne change. Et aussi montrer la beauté de la nature à travers les paysages exceptionnels que je parcours et qui risquent de se détériorer ou de disparaitre. Je repense par exemple à ces montagnes de plastique que j’ai longé lors de mon Paris Dakar à vélo. Pour l’instant je viens de terminer une trace de plus de 4 000 km dans les déserts Namibien de Kalahari et de Namib (trace du parcours ci-dessous et photos). Et si tout se passe bien je devrais poursuivre d’ici quelques mois avec la traversée du désert d’Atacama (Chili) ou du désert de Simpson (Australie).

 

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La trace du périple de Steven Le Hyaric

Rémy Deutsch : Evidemment tout ça est assez extrême. Mais pour toi qu’est ce qui est le plus difficile lors d’un périple comme celui-ci ?

Steven Le Hyaric : Pour moi l’aventure c’est vivre quelque chose de particulier et ça passe par le corps. J’ai vécu des conditions extrêmes (- 30 degrés au lac Baïkal) et je vais en vivre encore. Le plus dur en fait c’est la réalité de la vie, du terrain. C’est aussi se rendre compte du monde des autres qui peut être très difficile. En Europe on a des œillères. On se plaint beaucoup mais à côté il existe tout un monde en souffrance. C’est peut-être ça le plus difficile.

 

 

Rémy Deutsch : L’interview touche à sa fin. Je te laisse donc conclure avec les mots de ton choix. 

Steven Le Hyaric : Ne jamais hésiter à ouvrir les yeux, à s’ouvrir au monde et aux autres. Et bien sûr poursuivre ses rêves !