Joseph Berlin Sémon : « Le niveau d’implication et de professionnalisation des jeunes est de plus en plus élevé. »

Pour commencer, peux-tu nous décrire ton rôle au sein de la Groupama-FDJ continental ?

Joseph Berlin Sémon : En 2021 nous étions 2 coaches à évoluer à temps plein dans l’équipe (l’autre coach est Nicolas Boisson). Au sein du staff nos missions sont de planifier et d’analyser les entraînements bien sûr. Mais aussi d’organiser et d’animer les différents stages et les entraînements à Besançon. Enfin nous sommes aussi présents sur les courses, notamment sur les contre-la-montre.

 

Quels sont vos rapports avec l’équipe première ?

J.B.S : C’est le même fonctionnement, le même cadre de travail mais nous faisons aussi attention à bien différencier les deux équipes. Au niveau de l’entraînement chaque entité fonctionne en toute indépendance même si nous échangeons aussi régulièrement.

 

En tant qu’entraîneur, avez-vous des consignes collectives pour orienter les charges de travail ?

J.B.S : Tout d’abord tous les entraîneurs sont passés par l’UPFR des sports de Besançon et nous avons tous été formé auprès de Frédéric Grappe (responsable de la performance à la Groupama-FDJ). Donc nos méthodes sont naturellement similaires. Personnellement, j’ai aussi beaucoup appris auprès de Nicolas, il est donc normal que nos approchent se ressemblent. Ensuite il y a eu le premier confinement pendant lequel nous nous sommes appuyés sur un modèle commun. Cela avait bien fonctionné et nous avons donc réitéré cette expérience pour la préparation hivernale (2020-2021). On peut donc dire qu’effectivement nous suivons une trame collective. Mais chaque entraîneur apporte aussi sa touche personnelle et l’échange, qu’il soit avec le coureur ou avec les autres coachs, reste extrêmement important pour nous.

 

Votre équipe s’appuie exclusivement sur des coureurs de la catégorie U23. Sur quelles qualités insistez-vous à l’entraînement pour préparer au mieux ces derniers aux exigences du haut niveau ?

J.B.S : Cela dépend beaucoup de l’âge du coureur. Avec les espoirs 1ère et 2ème année nous insistons davantage sur la progression et beaucoup moins sur les résultats. À la sortie de la catégorie juniors l’accent est généralement mis sur l’endurance. À l’inverse, avec les espoirs 3ème et 4ème année nous travaillons plus les seuils et recherchons plus les résultats en compétition pour qu’ils puissent passer plus facilement à l’échelon supérieur.

 

Concernant le recrutement, est ce que vous vous basez sur des critères précis ?

J.B.S : Evidemment nous regardons de près les résultats surtout sur les grandes courses Junior et Espoir. Mais nous accordons également beaucoup d’importance aux valeurs de puissance. À travers leur évolution au fil des saisons, nous essayons de déterminer une marge de progression pour chaque coureur. Nous misons aussi sur certains profils plus que sur d’autres, notamment en concertation avec l’équipe World Tour. Enfin nous suivons de très près certains jeunes avant qu’ils n’aient l’âge de signer avec nous. Ainsi nous anticipons et parions sur certains potentiels que nous trouvons très intéressants.

 

En France, on a parfois l’impression que certains talents repérés en juniors ont du mal à s’exprimer à l’échelon supérieur. Quel est ton avis là-dessus ?

J.B.S : Pour commencer, je pense que l’écart se creuse entre un jeune coureur qui signe en Division Nationale et un coureur qui signe en Continental. En amateur la pression du résultat est plus forte et il est plus difficile de mettre en place un travail cohérent. A l’inverse, en Continental le sportif est déjà professionnel. Dans les équipes dites de développement il y a moins de pression de résultat et il est donc plus facile de se concentrer sur l’entraînement et le développement des qualités. En plus de cela, il y a une marche supplémentaire à gravir lorsque l’on passe directement d’une équipe amateure à une équipe World Tour ou Continental Pro. Donc au final peut être que la France a un peu souffert, ces dernières années, de l’absence d’équipes professionnelles centrées sur la formation.

Ensuite, la réduction du nombre de contre-la-montre en Espoirs est pour moi un vrai problème. C’est une discipline qui est très importante pour progresser et pour s’exprimer plus tard au haut niveau, surtout sur les courses à étapes. Peut être qu’il y a aussi des choses à mettre en place pour remédier à cela.

Pour finir, on voit aujourd’hui des talents éclore très tôt. Le niveau d’implication et de professionnalisation des jeunes est de plus en plus élevé. Certainement qu’il faut prendre le wagon en marche même si on n’a pas encore beaucoup de recul pour juger tout cela. Même en juniors il y a eu un petit creux générationnel ces dernières années (évidemment cela ne concerne pas la génération actuelle). En France, il nous a fallu peut-être un peu plus de temps pour adapter notre approche auprès des juniors et des cadets pour en récolter les fruits à l’échelon supérieur.

 

Et pour terminer, quels conseils à l’entraînement donnerais-tu à un cadet ou un junior qui rêve du haut niveau ?

J.B.S : Surtout il faut prendre le temps et y aller étape par étape. En cadets c’est encore de l’apprentissage. En juniors, généralement c’est à ce moment-là que l’on commence à travailler plus spécifiquement. Mais là aussi il faut savoir faire les choses dans le bon ordre malgré un contexte qui peut parfois nous pousser à aller trop vite.