François Barrer vainqueur du 10 000 m

10 000 m : À Pacé, ça s’est passé à merveille pour François Barrer

Mélody Julien l’emporte mais manque le coche pour Birmingham

Niveaux de Performances Requis :
Coupe d’Europe : 33’35 / Championnats d’Europe Espoirs : 34’05

Si le thermomètre affichait près de 20 degrés au départ de la course féminine programmée à 20 heures, le vent s’invitait aussi à la partie dans un stade déserté par les spectateurs compte tenu du contexte sanitaire. Phillipe Chaput et Benoît Blanchard se relayaient au micro pour couvrir le silence inhabituel de l’anneau de la banlieue rennaise, tandis que l’équipe du Tempo Run Club assurait un live vidéo permis par un dispositif conséquent d’Autonome Événements.

Très grande favorite, l’espoir Mélody Julien prenait d’emblée la course à son compte. Après deux premiers kilomètres très rapides couverts en 6’30 (bases de 32’30), elle comptait dix secondes d’avance sur le duo Aude Clavier (CA Montreuil) – Emeline Delanis (Athlé 91), elles aussi sur des bases inférieures aux 33’35 ouvrant les portes de la Coupe d’Europe.

Alors que le vent redoublait d’intensité, Mélody Julien levait progressivement le pied vers un rythme plus raisonnable en enchaînant une série de tours en 1’21. En chasse, Clavier augmentait progressivement son avance sur Delanis. La protégée de Jean-Paul Allegro était reprise au quart d’heure de course par un petit groupe sous l’impulsion notable d’Eugénie Lorain et d’Aurore Guérin, avant de glisser progressivement (finalement septième en 35’17’’25)

À la mi-course, le chrono affichait 16’42 pour Mélody Julien qui bouclait le cinquième kilomètre en 3’26. La marge de manœuvre d’une dizaine de secondes sur les NPR fondait au cours du kilomètre suivant et la projection chronométrique basculait défavorablement. Aude Clavier, très seule aussi, comptait alors un débours de seize secondes. Derrière elle, le groupe de poursuivantes se disloquait et la Rémoise Eugénie Lorain prenait la troisième place provisoire devant Clarysse Picard.

À l’avant, la décélération progressive de Mélody Julien continuait (3’29 du 6 au 7, 3’28 du 7 au 8). Elle relançait finalement dans les cinq derniers tours pour sauver l’essentiel en s’imposant largement en 33’48’’53 validant les NPR des Championnats d’Europe Espoirs mais échouant face à ceux de la Coupe d’Europe. Aude Clavier la secondait en 34’28’’32.

Le suspens restait entier pour la troisième place puisque Eugénie Lorain était reprise par Clarysse Picard à six tours du terme. Si la deuxième nommée lançait avec la manière son accélération à la cloche c’est finalement celle qui évolue sous la houlette de Farouk Madaci qui s’adjugeait la place de trois dans les tout derniers instants (34’34’’05 contre 34’34’’49).

 

Les réactions :

Mélody Julien – 1ère en 33’48’’53 – « Je suis déçue, j’ai couru toute seule »

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« Je suis déçue, j’ai couru toute seule. C’est dommage, je pensais que j’aurai fait les minima. J’ai respecté les chronos au début mais comme j’étais seule devant ce n’était pas facile à gérer. Je pense que je suis qualifiée pour Championnats d’Europe Espoirs donc je ferai le 10 000 mètres, ensuite je ne sais pas. Mon objectif c’était la Coupe d’Europe mais je n’ai pas pu faire les minima ce soir. »

À la question « Tu venais à Pacé pour battre ton Record de France (33’27’’41) ? », Mélody répondait par la simple affirmative. La Tarnaise relevait logiquement le manque de densité comme responsable pour faire mieux ce soir.

 

Aude Clavier – 2ème en 34’28’’32 – « J’ai passé un véritable enfer »

Tu es satisfaite de ta course ? « Je ne vais pas vous cacher qu’absolument pas. Je pensais pas du tout à la Coupe d’Europe, si ça l’avait fait c’était vraiment un plus. Je pensais surtout aux minima pour les Europe Espoirs et là je ne les fais pas. J’ai passé un véritable enfer, j’ai dû faire huit kilomètres toute seule et c’était très très long.. »

Celle qui évolue maintenant sous la houlette d’Adrien Taouji à l’INSEP était ensuite lancée sur la suite de sa saison.

« Je vais m’orienter sur 3000m Steeple, c’est vraiment l’objectif de la saison. Là le 10 000 mètres c’était un plus en ce début de saison mais pour la suite oui je vais plutôt axer ma saison sur 3000m steeple et 5000 mètres. Je vais déjà essayer de trouver un très bonne course sur le steeple. Le calendrier n’arrête pas de bouger donc je ne peux vraiment pas vous dire. Si j’ai la chance de courir à Carquefou pourquoi pas mais si ce n’est pas le cas ça sera sur steeple. »

 

Eugénie Lorain – 3ème en 34’34’’35 – « Il y a beaucoup de positif »

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« Cela s’est plutôt bien passé je dirai. C’est sûr que ma référence… j’avais le pire chrono des engagées je pense » souriait Eugénie. « Je suis contente, il y a beaucoup de positif pour cette première expérience. Il y avait quand même pas mal de vent et j’ai dû faire dix ou douze tours seule. Il y a beaucoup de bonnes choses à retenir et de l’expérience pour les prochaines. C’est long quand même, il faut se le dire, c’est long mais j’aime bien. Je pense que c’est une distance qui va bien me convenir au fur et à mesure. Il faudra peut-être mieux le préparer aussi. »

Elle évoque alors le retour de Clarysse Picard sur la fin de la course : « C’est bien, cela m’a évité de trop m’endormir. Le dernier trois cents mètres elle me décroche vraiment bien et dans le dernier cent mètres j’ai tout donné. Je pense que le reste de la raison sera sur 5000 mètres, à voir avec la situation sanitaire. »

 

 

Barrer, de retour aux affaires dans une belle densité masculine.

Niveau de Performance Requis :
Coupe d’Europe : 28’45 / Championnats d’Europe Espoirs : 29’10

Une heure après le départ des femmes, une course plus indécise s’annonçait côté masculin. Les conditions météo cette fois parfaites laissaient envisager des chronos intéressants pour les vingt-et-un protagonistes tous chaussés du dernier modèle de la marque à la virgule à l’exception du Brestois Florian Caro, en baskets. Afin d’éviter que les leaders ne se regardent, l’organisation ajoutait même un meneur d’allure chargé d’emmener trois kilomètres sur les bases de 28’20. Au coup de feu, la physionomie de course était bien différente de celle des femmes. Douze hommes décidaient de se caler dans la foulée du lièvre avant que l’écrémage ne s’opère. Au retrait du pace, Mehdi Frère passait en tête d’un groupe de neuf coureurs en 8’30 au 3000 mètres (bases de 28’20).

 

 

Loin de son niveau de l’été Corentin Le Roy cédait peu avant le quatrième kilomètre couru dans la même allure. La tête se scindait alors en deux groupes, un premier de cinq unités où les relais commençaient à passer (Frère, Choquert, Schrub, Barrer et Gras), puis un second qui perdait progressivement du terrain (Bordeau, Le Déan et Gondouin). L’espoir Bordelais décidait alors de faire un jump sensationnel en bouchant seul près de trente mètres en l’espace d’un demi-tour. Une accélération que beaucoup l’imaginaient payer.

Les six hommes passaient 14’11 à la mi-course sur des bases bien inférieures aux NPR. Un kilomètre plus loin, François Barrer prenait la tête maintenant l’allure qui commençait à faire souffrir l’arrière du groupe. Mickaël Gras et Pierre Bordeau lâchaient progressivement le train tandis que Benjamin Choquert semblait en sursis. Le marathonien de retour d’altitude luttait quelques tours de plus avant de laisser filer le trio juste avant le passage au septième kilomètre (19’49). À 5 tours de l’arrivée, l’allure ne faiblissait pas et Frère relayait Barrer. Cent mètres derrière-eux, Bordeau continuait de faire sensation en dépassant Mickaël Gras, le regard porté sur Choquert, en point de mire. Le podium était assuré à l’avant où Schrub passait en tête du trio à deux tours du verdict (26’10). Frère grimaçait et Barrer semblait le plus frais. Ce dernier déployait sa grande foulée à cinq cents mètres de la ligne et ses deux compères ne pouvaient plus suivre.

 

 

Harangué par son entraîneur dans le dernier tour bouclé en cinquante-neuf secondes, François Barrer signait son grand retour en l’emportant tout en maîtrise en 28’17’’06. Juste derrière, Schrub et Frère qui s’étaient employés pour rentrer dans les trois se poussaient mutuellement sur la ligne. Le valeureux Lorrain trouvant qu’il avait moins mené que le Francilien et méritait donc moins, franchissait finalement le premier (28’22’’19 contre 28’22’’32). L’accolade entre les deux athlètes devenait l’image de la soirée. Benjamin Choquert préservait à l’arrachée sa quatrième place en 28’35’’29 juste devant l’espoir Pierre Bordeau 28’36’’32, éclosion du jour. Pour compléter la belle densité masculine, Mickaël Gras (28’43’’64), Geoffrey Le Déan (28’53’’83) et Valentin Gondouin (28’55’’13) passaient tous sous la barre des 29’ en rafraichissant très nettement leur record personnel respectif (route et piste confondues). Le dernier nommé s’adjugeait même les NPR pour les Championnats d’Europe U23 tout comme Pierre Bordeau.

 

 

 

Les réactions : 

François Barrer – 1er en 28’17’’06 – « L’essentiel c’était surtout la place aujourd’hui ».

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« L’essentiel c’était surtout la place aujourd’hui. Je voulais surtout me qualifier pour la Coupe d’Europe et réaliser les minima olympiques là-bas. Je voulais économiser le plus de forces possibles pour ne pas trop perdre de cartouches. Je suis resté un peu derrière pendant la première partie de course et puis j’ai mis une petite boîte après la première moitié pour qu’on ne soit plus que trois et ensuite on a pris quelques relais chacun. Je suis parti au dernier cinq cents mètres pour assurer le coup. »

« Logiquement on sera tous les trois à la Coupe d’Europe pour essayer d’aller chercher chacun nos objectifs respectifs. »

 

 

 

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Au lendemain de son retour en grâce, le membre du clan des seize français à avoir déjà réalisé sous 28 minutes sur 10.000 mètres (27’55 à Palo Alto en 2018), reconnaissait sans sourciller sur Twitter certaines qualités à la nouvelle génération de chaussures qui affecte maintenant les performances sur la piste après avoir bousculé les repères sur la route. Pas si banal chez les athlètes de premier plan, alors même que l’adhésion totale et les performances récentes à travers le monde continuent, aussi, de mettre en lumière les chaussures avec ceux qui les portent.

 

 

Yann Schrub – 2ème en 28’22’’19 – « Je ne devais pas être deuxième ».

L’interne en médecine qui battait samedi son record absolu sur la distance (28’25 sur route à Houilles en 2019), n’étonne presque plus par son fair-play « Je trouvais que François et Mehdi ont vraiment pris beaucoup de relais. Moi dans la course j’ai eu un coup de moins bien vers le sixième donc je pensais que j’étais ric-rac pour prendre des relais. À la fin j’essaye de terminer fort, je vois que je suis devant Mehdi, pour moi je ne le méritais pas forcément parce que comme il disait c’était une course où chacun prend des relais, moi j’en ai pris un peu moins que les deux autres. Dans une course de meeting je pense que je ne devais pas être deuxième mais plutôt troisième derrière François et Mehdi qui ont fait un super boulot. »

 

Mehdi Frère – 3ème en 28’22’’32 – « Il y avait un contrat initial […], contrat rempli ».

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« Il y avait un contrat initial : des allures élevées, essayer de rentrer sur les minima, que tout le monde prenne ses relais, tout le monde soit au maximum et que personne ne se cache. C’est ce qui s’est passé donc super. Contrat rempli. On vient à Pacé parce qu’on sait que l’organisation est super. »

« Malheureusement on n’a pas l’ambiance habituelle cette année avec le contexte mais c’est déjà super de pouvoir courir. Je remercie toutes les personnes qui ont pu mettre ça en place. Merci à Loïc (Rapinel), merci à la Fédération. On se donne rendez-vous maintenant à la Coupe d’Europe j’espère. »

 

 

 

Pas de répit pour le membre de la Garde Républicaine puisqu’à l’issue d’un contrôle antidopage par lequel sept athlètes masculins sont passés dans la soirée, il prenait la route pour un stage en altitude à Font-Romeu accompagné notamment par son ami Faustin Guigon.

 

Pierre Bordeau – 5ème en 28’36’’32 – « Aujourd’hui faire 28’35 c’est beaucoup d’émotion »

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« Normalement c’était 29’10 les minima donc je pense que ça doit être bon » lançait tout en retenue la surprise de la soirée. « En fait je me suis accroché à partir du 5ème quand un athlète craquait devant moi. J’essaye de recoller directement à Mickaël qui m’a amené 2 km de plus. Après j’essaye de recoller à Benjamin puis quand Benjamin craque j’essaye de finir comme je peux, il me double à la fin ».

L’ambition ne manque pas non plus à celui qui aura encore une année en U23 pour faire mieux et qui signait sa 1ère licence en 2018.

« Juste le petit regret c’est que je savais que le record de France était en 28’28, ce sera pour l’année prochaine peut-être. C’est une distance qui me plaît beaucoup. J’ai commencé il n’y a pas longtemps l’athlétisme, c’était un rêve quand j’ai débuté de passer sous les 30 minutes quand j’ai commencé en 35’ et aujourd’hui faire 28’35 c’est beaucoup d’émotion. »

 

Si François Barrer, Yann Schrub, Mehdi Frère et Florian Carvalho (Champion de France sortant) semblent assurés d’une nouvelle cape internationale, le doute subsiste encore pour les potentiels deux compléments. La sélection officielle paraîtra le 4 mai prochain mais selon les informations du journal l’Equipe (https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/Francois-barrer-domine-le-10-000-m-de-pace/1246086), il devrait s’agir de Morhad Amdouni (27’36 à Londres en 2018) et de Fabien Palcau (28’07 à Pacé en août dernier) qui s’entraîne actuellement en altitude à Font-Romeu.

S’il n’a pas été le théâtre de l’effervescence de la discipline comme le 29 Août dernier compte tenu du contexte, Pacé a tout de même permis l’obtention de neuf niveaux de performance requis (six pour la Coupe d’Europe, tous masculins et trois pour les Championnats d’Europe U23, deux masculins et un féminin). Trente-sept coureurs ont pu regoûter avec plaisir à la saveur d’un « vingt-cinq tour » dans l’enceinte qui accueillera la Coupe d’Europe en 2022.