Laurence Klein

Laurence Klein, une gazelle à l’assaut des montagnes

Dans sa très cosy et spacieuse maison de la campagne rémoise, la phrase a fusé dans un grand éclat de rire. « Le Tour du Mont-Blanc, je l’ai déjà fait. J’avais 23 ans et c’était… en huit jours ! ». Plus de vingt ans plus tard, Laurence Klein, 45 ans, sera bientôt de retour à Chamonix. Cette fois avec un rendez-vous qui tient en une date et quatre lettres : 29 août 2014, UTMB. L’Ultra Trail du Mont-Blanc, donc. 168 kilomètres, 9 600 m de dénivelé positif, que les meilleurs bouclent en… moins de 24 heures !

Elle devait déjà y aller l’an dernier. Mais 2013 n’était pas son année. Une déshydratation et un abandon sur le Marathon de Sables,  une rupture partielle d’un tendon, et au final sept mois d’arrêt. « Arrêt total, précise-t-elle. Même pas de vélo. Mon corps a dit stop, après avoir été malmené pendant 33 ans ». Celle qui baigne dans l’univers de la compétition depuis l’âge de 11 ans a attendu d’avoir « envie de reprendre le sport. Parce que je crois que de la même manière qu’on peut faire un burn-out professionnel, il existe aussi un burn-out du sport ». Heureusement, Laurence Klein a « d’autres piliers » dans sa vie. Son travail – elle est commerciale –, sa vie sociale – « j’ai aussi besoin de faire la fête » -, son goût pour la décoration – « mon autre passion », et bien sûr sa famille, à commencer par sa fille de 13 ans et son garçon de 18 ans.

Et puis l’envie est revenue. Retour à l’entraînement en décembre. Reprise d’un dossard en février, avec une victoire sur le 50 km du Gruissan Phoebus Trail (voir les résultats). La suite était écrite, il fallait qu’elle retourne sur le Marathon des Sables. Le désert est son jardin. Les médailles et trophées de cette épreuve où elle s’est imposée trois fois ont une place de choix dans une vitrine de son salon. « Je savais que je manquais de foncier. Et que sur la longue étape, face à une coureuse comme Nikki (Kimball) qui a de l’endurance, ce serait compliqué ». Sur une édition « plus sablonneuse que les autres années » et dont elle a finalement pris la deuxième place (voir les résultats), elle confie avoir « subi pendant 50 km » durant l’étape qui en faisait 81.5. « Je me disais : « allez, c’est ton dernier MDS, accroche toi » ».

LLaurence Klein portraita der, donc ? Pas si sûr. La ligne d’arrivée franchie, elle l’avoue : « On vit de bons moments sur cette épreuve. Ce n’est pas une compétition d’un jour, il y a un esprit bivouac. Plus la distance est longue, plus on est dans l’aléatoire. Tu deviens ta propre faiblesse, tu fais partie de tes adversaires. Je sais déjà que j’y retournerai ».  Et de résumer sa pensée : « C’est comme un accouchement. L’entraînement, la préparation, c’est la grossesse. Tu prépares ton corps à accepter. Et puis, de la même manière que sur la course tu peux avoir des courbatures, des contractures, l’accouchement ne se passe pas toujours comme c’était prévu. Sur le moment, tu te dis : plus jamais… Et tu as quand même d’autres enfants ! ».

Elle s’amuse en se souvenant d’un échange avec sa fille, à qui elle conseillait un jour de courir. « Elle m’a répondu : «pour quoi faire ? ». Autant dire qu’elle a plus de maturité que sa mère, qui court depuis 30 ans ! ». Il n’empêche, au fil de la conversation, certaines phrases donnent de sérieux indices sur les motivations de la recordwoman de France du 100 km (7h26mn44s). « J’aime les extrêmes ». « L’aventure est dangereuse mais la routine est mortelle ». Et à propos de l’UTMB : « Je ne sais pas où je vais, c’est ce qui me plaît. Peut-être que je n’aimerai pas du tout. Cela m’étonnerait, mais ça peut arriver ».

Championne d’Europe et vice-championne du monde du 100 km en 2007, vainqueur du 80 km de l’Eco Trail de Paris en 2010 et 2013, elle explique : « J’ai souvent entendu dire que j’étais une coureuse de courses plates, sans difficultés. Je veux bien l’entendre. Parce qu’effectivement, une course comme le trail du Morbihan convient parfaitement à ma foulée. J’y suis plus à mon avantage ». On lui demande alors si elle pense avoir quelque chose à prouver en partant à l’assaut du Mont-Blanc. « A moi, oui ». On l’imagine mal envisager de se contenter de faire de la figuration. Elle sourit. « Bien sûr, si je dis que j’y vais pour terminer, ça ne fait triper personne ! Mais bon… ». et de concéder :  «  je n’y vais pas avec l’appareil photo ».

Elle rappelle qu’elle n’a jusque-là jamais couru plus de 100 km en une seule étape. Qu’elle participe justement à l’UTOP à Madagascar (130 km, 5 640 m de D+) pour « un petit avant-goût ». Confie qu’elle « n’aime pas beaucoup courir la nuit » mais « adore le lever du jour » et attendra « avec impatience de voir le soleil se lever sur les montagnes », en croisant les doigts pour « qu’il fasse beau ».  D’ici là, en juillet elle prévoit un stage sur place, histoire de « reconnaître le parcours et voir les paysages », bien consciente que le jour de la course elle aura probablement plus « le nez dans les chaussures ».

« Impatiente », Laurence Klein dit avoir davantage d’appréhensions, « physiques que mentales ». « Pour avoir eu une déshydratation, je sais que chez n’importe quel athlète, le corps peut avoir une défaillance ». Quant à son mental, il est rodé. « Comme sur 100 km, j’envisage d’avoir un organigramme de mes pensées. Parce que sur des épreuves longues, il faut savoir s’imposer des pensées. Personnellement, je pense à des personnes qui ne sont plus là mais m’accompagnent toujours, à mes enfants, etc… Des choses qui doivent aller dans le positif ».

Peut-être pensera-t-elle, aussi, à ses envies dont elle fourmille. Elle qui explique : « J’avance en réalisant mes rêves ». Pour l’avenir, elle songe au Trail de la Muraille de Chine. « C’est bête, dans j’étais petite, un instituteur nous avait dit que c’était le seul monument où on voyait de la Lune. Depuis, ça m’a toujours fascinée ». Et dans un futur beaucoup plus proche, elle devrait rapidement concrétiser un autre rêve d’enfant : avoir un âne, chez elle, dans son vaste jardin.