L’obtention d’un certificat médical de non contre-indication (CNCI) à la pratique en compétition est un moment redouté par tous. Par les sportifs qui ressentent cette consultation comme une perte de temps, parfois comme une punition. Par les médecins, mal formés à la prévention, de moins en moins nombreux en France et de ce fait très occupés par les véritables malades. Par les dirigeants de clubs ou les organisateurs de course sur route souvent terrorisés à l’idée de voir leur responsabilité engagée pour n’avoir pas enregistré ce document réglementaire.
Rappelons le texte précis du Code du Sport concernant ce certificat : « La participation aux compétitions sportives organisées ou autorisées par les fédérations sportives est subordonnée à la présentation d’une licence sportive portant attestation de la délivrance d’un certificat médical mentionnant l’absence de contre-indication à la pratique sportive en compétition, ou, pour les non-licenciés auxquels ces compétitions sont ouvertes, à la présentation de ce seul certificat ou de sa copie, qui doit dater de moins d’un an. » (voir le certificat médical type)
Le Ministère des Sports cherche actuellement les voies possibles pour rendre plus simple cette procédure lourde au regard des millions de licenciés et de pratiquants sportifs en France. D’autres pays européens se posent moins de question : en Italie par exemple, la consultation est obligatoire annuellement et doit se faire chez un médecin spécialiste de médecine du sport.
Les médecins du sport souhaitent pourtant que la visite de délivrance d’un CNCI pour la compétition continue à être obligatoire. Car c’est une consultation essentielle de dépistage de différentes pathologies qui pourraient être révélées par l’exercice intense, notamment les maladies cardio-vasculaires ; car c’est le bon moment pour faire un bilan locomoteur et mettre en place des conseils de prévention des blessures, blessures quasi-inéluctables en course à pied et que tous les compétiteurs redoutent.
Le déroulement d’une consultation pour l’obtention d’un CNCI à la pratique en compétition devrait donc se dérouler en quatre étapes : cardio-respiratoire, locomoteur, nutritionnel et psychologique.
- Sur le plan cardio-respiratoire
L’entretien et les questionnements vont chercher à dépister facteurs de risque familiaux ou personnels et les signes de mauvaise tolérance à l’effort intensif. Sont considérés comme facteurs de risque : antécédents familiaux de mort subite, cholestérol, diabète, tabac, hypertension artérielle, cardiopathie. Les signes de mauvaise tolérance à l’exercice qui doivent alerter médecins et sportifs sont les suivants : palpitations ou irrégularités cardiaques, syncope ou malaise, douleur ou gêne thoracique à l’effort, essoufflement inapproprié à l’effort, fatigue inappropriée à l’effort. Les coureurs à pied ont trop souvent tendance à minimiser ces « signes d’appel » importants qu’il ne faut surtout pas hésiter à décrire au médecin.
Un cas particulier, le coureur à pied asthmatique pourra profiter de cette consultation pour s’assurer que son traitement préventif est bien adapté.
- ECG de repos et épreuve d’effort maximale devraient être systématiques
En Europe et en France, les différentes sociétés savantes de cardiologie ont élaboré un consensus concernant les examens préventifs à réaliser chez les sportifs de compétition.
– Dès l’âge de 12 ans un électrocardiogramme de repos devrait être réalisé tous les trois ans. Son objectif est de rechercher les signes d’une maladie du muscle cardiaque d’origine familiale. Ces « myocardiopathies » génétiques ont parfois une expression tardive, les signes électrocardiographiques pouvant n’apparaître que tardivement après 25-30 ans par exemple.
– Après 40 ans, l’électrocardiogramme de repos et l’épreuve d’effort maximale doivent être réalisés systématiquement chez un sportif compétiteur. L’intérêt de l’épreuve d’effort est triple : révéler une possible maladie coronaire, détecter d’éventuels troubles du rythme, évaluer les capacités cardio-respiratoires. Cette dernière évaluation permettra de mettre en adéquation les capacités du sportif et les objectifs, parfois irrationnels, qu’il s’est fixé.
– Toutes les études montrent que le tabagisme actif, ancien ou récent, est le facteur de risque à prendre en compte en priorité. Dans ces conditions, un certificat de non contre-indication à la pratique sportive en compétition chez un fumeur de plus de 35-40 ans devrait être l’objet d’un interrogatoire très précis à la recherche des signes décrits plus haut et d’une épreuve d’effort au moindre doute.
- Sur le plan ostéo-articulaire
La course à pied est un sport à risque au niveau des blessures du fait des impacts au sol et de la répétition d’un geste sportif très spécifique sur des durées parfois très longues.
Un bilan articulaire des douleurs, des amplitudes, de la souplesse, de la force et de la stabilité doit être systématisé au niveau de la colonne vertébrale et des articulations portantes : chevilles, genoux, hanches. La recherche de raideurs au niveau des différentes chaînes musculaires va pouvoir orienter ensuite les conseils sur les étirements à pratiquer par le sportif, avec ou sans l’aide d’un kinésithérapeute.
Chez les plus de 40-45 ans, les contraintes osseuses et articulaires subies vont pouvoir aggraver les phénomènes arthrosiques débutants. Les conseils de prévention pour éviter surmenage articulaire et tendinopathies vont découler de cet examen clinique.
- Sur le plan nutritionnel
Au cabinet du médecin, les critères de suivi les plus habituels sont anthropométriques : poids total, indice de masse corporelle (IMC), périmètre abdominal, masse maigre, masse grasse. Les coureurs à pied sont le plus souvent très bien informés sur le plan nutritionnel. Concernant leur poids, je pense pouvoir me permettre de l’écrire sans vexer personne, les coureurs à pied sont souvent « obsessionnels ». Ils souhaitent surtout connaître le « poids de forme » qui leur permettra de réaliser les performances escomptées. Certains, et notamment les femmes qui pratiquent le fond et le grand fond, ont des troubles des conduites alimentaires proches de l’anorexie.
Dans ces cas particuliers, un suivi biologique spécifique par des analyses sanguines pourra permettre de suivre et prévenir anomalies générales, osseuses ou du métabolisme du fer.
- Sur le plan psychologique
Pour la grande majorité des pratiquants et des compétiteurs, la course à pied est avant tout un moment privilégié qui permet d’oublier les problèmes professionnels, quotidiens ou familiaux. Comme pour toutes les pratiques sportives, il s’agit d’une parenthèse psychologique, sociale et conviviale dans un monde « plein de bruit et de fureur ».
Certains sportifs, sans doute parce qu’ils se sont mis des objectifs trop difficiles à atteindre, présentent des troubles anxieux en relation directe avec la performance et la compétition. Ceux-là méritent d’être suivis et soutenus plus particulièrement sur le plan psychologique.
Pour conclure, la course à pied est un sport de haute intensité sur le plan cardio-vasculaire et un sport à risque sur le plan des blessures. Nous en sommes tous persuadés, coureurs comme encadrants. Cette consultation de prévention est donc importante chez tous les coureurs à pied et ceci à tous les âges. Faut-il pour autant la répéter tous les ans ? Certains groupes de travail préconisent plutôt une consultation complète tous les trois ans avec un entretien complet de suivi, un bilan ostéo-articulaire, un bilan nutritionnel et psychologique et au minimum un électrocardiogramme de repos.