Jérôme Trublet diabète

Diabète et course à pied : un mariage heureux

Certains exemples valent parfois mieux que de longs discours. A bientôt 40 ans, Jérome Trublet est ce qu’on appelle un coureur à pied assidu. Il s’entraîne six fois par semaine – avec parfois deux séances par jour -, a déjà couru le marathon en 3h28 (à Paris en 2010), prépare le 50 km de l’Eco-Trail de Paris 2013 et participera ensuite aux marathons de Sénart et Berlin. Ses proches et les membres du club de Moissy Cramayel Athlétisme (77) dont il fait partie depuis 2005, ont donc l’habitude de le voir runnings aux pieds. Mais ce n’est pas le seul accessoire qui fait partie du quotidien de cet infirmier. L’autre, c’est sa pompe à insuline.

Car depuis l’âge de six ans, Jérôme Trublet est diabétique. Comprenez par là qu’il présente un taux de glucose dans le sang anormalement élevé (on parle de diabète au-delà d’1.26 g de glucose par litre de sang). Comme dans environ 10% des cas, Jérôme est atteint d’un diabète dit « de type 1 ». Généralement découvert sur des sujets jeunes, il se caractérise par la destruction des cellules qui fabriquent l’insuline (hormone chargée d’amener le sucre aux cellules du corps) dans le pancréas. Plus fréquent, le diabète de type 2 se manifeste lui la plupart du temps à partir de 45 ans, chez des personnes présentant un terrain familial, sédentaires et/ou en surpoids ou encore hypertendues.

Pour réguler leur glycémie, les diabétiques dits « insulino-dépendants » s’injectent de l’insuline, soit via une pompe comme Jérôme, soit via des multi-injections.  Et concrètement, les patients contrôlent au quotidien leur glycémie, au minimum trois à quatre fois par jour. Pour Jérôme, c’est plus : six à sept fois, et même en courant.

Avec un père marathonien, capable de boucler les 42.195 km en 2h50 et le semi en 1h16, il a toujours baigné dans un environnement sportif. « Mon père m’a mis des baskets aux pieds très jeune. On allait courir tous les dimanches. A l’adolescence, et pendant mes études, j’ai mis la course à pied de côté, mais je m’y suis remis à mon entrée dans la vie active ».

Jérôme Trublet clame aujourd’hui haut et fort : « On peut vivre normalement. Le diabète, c’est ma force », mais il a bien conscience que tous les diabétiques ne vivent pas leur maladie de la même manière. Et que certains n’osent pas surmonter certaines barrières.

« On a souvent tendance à surprotéger les diabétiques, notamment les enfants, renchérit le docteur Karim Belaid, médecin du sport et coordonateur d’un réseau diabète dans l’Aisne. Pour empêcher tout risque de situation critique d’hypoglycémie, les parents comme le monde sportif préfèrent ne pas prendre de risques. Mais on a aujourd’hui les connaissances suffisantes pour gérer le diabète en situation de sport ».

Bien sûr, cela ne fait pas sans vigilance. Pendant la pratique sportive, l’organisme brûle des glucides, d’où la nécessité de contrôler le taux de sucre dans le sang avant, pendant et même après l’effort. Objectif : éviter l’hypoglycémie (en dessous de 0,7 g de glucose par litre de sang)… principal risque encouru par un diabétique lors d’une activité sportive. La glycémie « peut baisser très fort, et l’hypo est plus fréquente chez ces patients », explique le Dr Belaid.

Au vu de sa vitesse de course et de son vécu personnel, Jérôme Trublet sait par exemple qu’avant un marathon, il va réduire son débit d’insuline de 70% et laisser sa glycémie atteindre 2.5g. Du jus de banane dans son camel bag, 15g de glucides (3 morceaux de sucre) toutes les 20 minutes lui permettront ensuite de subvenir à ses besoins pendant l’effort.

Les données sur la pratique sportive des diabétiques sont encore insuffisantes et les résultats d’une enquête réalisée à partir de 2 000 questionnaires devraient être bientôt publiés par l’Union Sports et Diabète (voir le site de l’association). Mais ce qui est sûr, c’est que les bénéfices du sport sont nombreux. « Pour les diabétiques de type 1, au-delà des bienfaits classiques du sport – qui sont les mêmes que pour l’ensemble de la population – il y a surtout un intérêt au niveau de la motivation : le sport peut augmenter l’envie de se suivre, de se gérer correctement. Et offrir aux patients une meilleure image d’eux-mêmes », explique le Dr Karim Belaid. Autre avantage confirmé par Jérôme Trublet : une sensibilité augmentée à l’insuline. « L’insuline est plus efficace, donc on peut réduire la quantité », souligne le médecin du sport.

Pour les diabétiques de type 2, la sédentarité et le surpoids étant souvent des facteurs favorisants de leur pathologie, les bienfaits de l’activité physique sont encore plus flagrants : amélioration de la circulation sanguine, baisse de la tension, augmentation du bon cholestérol. « Je participe souvent à des randonnées avec des personnes diabétiques de type 2, confie le Dr Belaid. On mesure leur glycémie avant et après l’effort. Pour un taux à 2g avant, on peut atteindre 1.2 g après une heure et demi de marche, même à une allure très modérée (4,5 km/h). Et ce n’est rien d’autre que l’activité physique qui a provoqué cette baisse de la glycémie ».

Et d’insister sur le cercle vertueux que peut déclencher l’activité physique: « Les patients qui se mettent au sport associent souvent une démarche diététique, font attention à leur alimentation et perdent du poids ».

« Bougez ! » Voilà donc le message adressé par l’Union Sports et Diabète. Sans oublier, évidemment, d’insister sur la prévention : « L’activité physique empêche le diabète de type 2 d’apparaître trop tôt », rappelle le Dr Belaid. Le mariage entre sport et diabète est donc d’autant plus efficace qu’il est mis en place chez des personnes jeunes et en bonne santé. Surtout en présence d’antécédents familiaux…