Commençons par quelques éléments historiques qui, d’emblée, indiqueront la place importante que prend l’entraînement (historiquement) en côtes chez les coureurs de demi-fond et fond.
Le travail en côtes apparaît pour la première fois dans le type de préparation mis en œuvre par Gosse Holmer (Suède), dès les années 30, dans le cadre de sa méthode d’entraînement appelée « fartlek » ( traduction française : le jeu de course ) qui utilise les ressources naturelles d’un site d’entraînement (plat, faux plat montant, montées, faux plat descendant, buttes, côtes, descente …) pour jouer avec les intensités (allures de course).
D’Herbert Elliot (Australie) avec son entraîneur mythique Percy Cerutty, en passant par Peter Snell (Nouvelle-Zélande) et le célèbre entraîneur Arthur Lydiard , Steve Ovett, Sébastian Coe (Grande-Bretagne) les Finlandais Pekke Vasala et Lasse Viren , les Néo-Zélandais Walker et Rod Dixon, Saïd Aouita , Hicaham El Guerrouj ( Maroc) sans oublier les Kenyans et les Ethiopiens, tous les grands champions ont utilisé et utilisent certaines formes d’entraînement en côtes. Depuis Michel Jazy, Robert Bogey, Michel Bernard … les meilleurs Français en demi-fond et fond ont également recours à ces formes de travail. Ainsi, Mehdi Baala et Bob Tahri ont, depuis leurs années cadets – juniors, systématiquement utilisé l’entraînement en côtes.
En résumé, toutes les méthodes d’entraînement en demi-fond et fond incluent systématiquement une forme de travail en côtes. Travail qui s’exécute, en fonction des objectifs poursuivis, sous différentes formes.
Ainsi selon :
- La nature de la pente (% inclinaison)
- La distance à parcourir (de 50 m à 600 m et même plus)
- L’intensité de la charge (vitesse maximale, VMA , % de VMA)
- La durée de la charge (le nombre de répétitions)
- La densité qui dépend de la durée totale de l’exercice et de la durée de la récupération entre les exercices (cela peut aller jusqu’à 20mn pour un travail de puissance lactique) et la forme de la récupération (active en descente, active sur place ou passive)
- La forme d’exécution (course en fréquence, en amplitude, sous forme de bondissements courts)
Les réactions de l’organisme seront différentes et dès lors les effets recherchés par l’entraînement en côtes, diversifiés. On peut ainsi rechercher une amélioration dans le domaine de :
- La force spécifique
- La puissance anaérobie lactique (résistance)
- La puissance maximale aérobie (VMA)
- La capacité aérobie maximale (base aérobie)
- Ou même la vitesse spécifique de course.
Pour répondre précisément à vos questions, je vais m’appuyer sur une très intéressante étude menée à la fin des années 90 par le laboratoire de biomécanique et de physiologie de l’INSEP en collaboration avec la FFA et qui portait sur l’analyse comparée de différentes séances de développement de VO2 max.
Description de l’étude
Après avoir été soumis à un test de détermination de VO2 max sur le terrain (les coureurs portaient un K4 – un analyseur de gaz portable , des cardiofréquencemètres et étaient filmés au moyen de caméras) par la passation du test de « Vaussenat » (un test progressif avec des paliers d’effort de 3 minutes et 1 min de récupération), l’étude a cherché à caractériser l’impact d’une séance de développement de VMA en côtes (6 x 500 m à 85 % de la vitesse maximale aérobie – le temps de récupération est identique au temps d’effort pour un temps total d’effort de 20 minutes) en la comparant avec une séance de VMA de même structure temporelle sur le plat (6 x 600 m à 102 % VMA – récupération identique ) et une séance de 20 minutes de type 30s/30s à 105 % de VMA.
Cette étude a pu être menée (chose assez exceptionnelle) avec des athlètes d’un très haut niveau de performance (coureurs de 800 m au marathon dont des internationaux juniors et seniors parmi lesquels on retrouvera dans le futur des médaillés mondiaux) présentant des VO2 max allant de 70,27 mml / kg à 81, 49 mml/kg et des VMA allant de 19 à 22 km.
Les vitesses de course pour les séances ont été calculées sur la base de la VMA (basée sur le test de Vaussenat) et les paramètres suivants analysés : fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, lactatémie ainsi que les paramètres biomécaniques (temps de contact, fréquence, amplitude de la foulée).
Les résultats
Ventilation |
Fréquence |
Lactatémie |
Vo² |
|
L.min |
Cardiaque (batt.min) |
|||
Séance côtes |
115,47 + ou -12,9 |
174,45 + ou – 8,9 |
8,54 + ou -2,20 |
68,57 + ou – 2,29 |
Séance plat |
126,33 +- 18,32 |
178,31+ ou – 6,36 |
12,63 + ou -4,21 |
71,36 + ou – 3,78 |
30″/30″ |
124,47 = ou – 15,06 |
177,2 + ou – 6 7,84 |
8,6 = ou – 2,2 |
67,2 + ou – 4,13 |
Conclusion de l’étude
On peut aussi bien travailler le développement de VO2 max dans une séance de côtes courue à 85% de la vitesse maximale aérobie que lors des séances classiques de type Intermittent dans leurs formes de développement du type intervalles longs entre 1mn et 4mn ( ici des 600 m ) ou courts ( ici du 30s/30s). En effet si lors de la séance de 6 X 500 mètres sur le plat, le temps passé à au moins 95 % de la VO2 max est de 43 %, il est de 26 % lors des courses en côtes et seulement 9 % pour la séance de 30s/30s. Ces valeurs se situent ensuite respectivement à 34 %, 15 % et 5 % pour le temps passé à au moins 98 % de VO2 .
Les fréquences cardiaques lors de séances pour le développement de la VO2 sont élevées quel que soit le type de séance observé. Elles se situent en moyenne à environ 90 % de la fréquence cardiaque maximale observée lors du test de VMA.
Avec l’entraînement en côtes, on travaille donc moins vite avec une fréquence cardiaque inférieure (entre 85 % et 90 % de VMA contre des allures supérieures à 100 % de VMA pour les autres types de séance de développement de VMA) pour obtenir une VO2 identique.
L’entraînement en côtes présente en outre trois avantages :
- La vitesse de course inférieure (85 % de VMA) amène une lactatémietrès nettement inférieure (8 mmol/l) contre plus de 12 mmol/l pour le travail sur le plat. L’entraînement est donc moins éprouvant.
- La séance en côtes amène une grosse contrainte sur la propulsion avec un temps de contact nettement augmenté par rapport au plat (diminution de l’amplitude et de la fréquence). L’entraînement en côtes sollicite des groupes musculaires plus importants (muscles du mollet : jumeaux et soléaire ainsi que le vaste externe) et un important travail des membres supérieurs.
- Un plus faible risque de blessure particulièrement au niveau des muscles postérieurs de la cuisse) étant donné l’allure réduite.
Comment pratiquer des courses en côtes ?
- Trouver une côte présentant un dénivelé de 5 à 6 % au grand maximum pour ce type de travail de VO2 max (5 % signifie 5 m de dénivelé pour 100 m de distance) suffisamment longue pour courir au moins 300 m et ne présentant aucun danger (circulation automobile).
- Le revêtement doit être de bonne qualité pour permettre une bonne exécution gestuelle (macadam, sol tassé, pelouse de bonne qualité) et sa pente doit être régulière sans à-coup brutal.
- Bien connaître votre VMA (beaucoup de tests et d’interprétations de résultats surestiment souvent considérablement cette VMA, rendant du coup les entraînements basés sur cette allure extrêmement difficiles). Rappel : la VMA est la vitesse minimale permettant d’obtenir le VO2 max !!!
- Tenir compte de votre morpho type – un coureur léger et plus endurant pourra aller de 85 % à 90 % de sa VMA au niveau des allures alors qu’un coureur plus charpenté et plutôt coureur de courtes distances devra choisir une allure inférieure à 85 % de sa VMA (proche des 80%).
- Construire des séances commençant par des temps d’effort tournant entre 25 et 30 secondes (avec un temps de récupération compris entre le temps d’effort et le double, mais jamais plus) pour aller progressivement vers des temps de soutien plus longs jusqu’à 1mn30 et des récupérations de 2mn à 2mn30.
Quelques séances d’entraînement en côtes
Attention : ceci n’est pas une progression mais uniquement des exemples de séances. La charge de travail est indiquée en temps de travail et non pas par une distance à faire dans un temps donné (qu’on fasse un 200 en 40 secondes ou en 42 secondes ne change rien à l’effet physiologique recherché et provoqué).
Les séances peuvent être d’une richesse considérable par la variété des combinaisons possibles (durée – récupération). L’aspect ludique dans l’entraînement des côtes est réel, même s’il demande un engagement fort.
- 3 séries (3 x 30 secondes avec une récupération de 35 à 45 secondes puis 3 x 25 secondes avec récupération de 30 à 40 secondes)
3mn de récupération entre les séries.
Temps d’effort total : 8mn15 à VMA - 2 séries (4 x 35 secondes avec une récupération de 40 à 50 secondes puis 3 x 30 secondes avec récupération de 35 à 40 secondes).
3 à 4mn de récupération entre les séries.
Temps d’effort total : 7mn40 à VMA - 5 x 50 secondes avec une récupération d’1mn/1mn15.
suivies de 4 minutes de récupération
5 x 40 secondes avec récupération de 50s/1mn
Temps d’effort total : 7mn30 à VMA - 2 séries (1 x 20s avec récupération de 30/35s puis 1x 25s avec récupération de 35/40s puis 1 x 30s avec récupération de 40/45s puis 1 x 35s avec récupération de 45/50s puis 1 x 40s avec récupération de 55s/1mn puis redescendre avec les temps d’effort décroissants 35/30/25/20s )
3 à 4mn de récupération entre les séries.
Temps d’effort total : 7mn30 à VMA. - 2 séries de 4 x 1mn avec une récupération de 1mn15 à 1mn30 et une récupération de 3 à 4mn entre les séries.
Temps d’effort total : 8mn à VMA. - 6 x 1mn15 avec une récupération d’1mn30 à 1mn45.
Temps d’effort total : 7mn30 à VMA.
La récupération peut se faire en trottinant vers le point de départ (rejoindre le point de départ initial est parfois difficile sinon impossible si on veut respecter les temps de récupération mais on n’est pas à 10 secondes prêt) ou intermédiaire (on ne redescend pas complètement – d’où l’intérêt de disposer d’une côte assez longue) ou en restant sur place, mais alors il est nécessaire, pour enchaîner les courses, que la côte soit longue.
Où placer les séances d’entraînement en côtes pendant la saison ?
Le travail de développement de la VMA prend place entre 1 et 3 fois par semaine selon le moment de la saison et le type de coureur (demi-fond court , long ou marathonien) selon des formes classiques (séances sur le plat de type long , intermittent court – court, côtes ) ou mixtes (du type fartlek ) ou alors avec des sorties allant de 8 à 30 mn sur le plat ou sur un parcours vallonné avec des allures allant de 95 % de VMA à 85 % de VMA selon le niveau.
J’ai, en tant qu’entraîneur, toujours intégré l’entraînement en côtes dans les cycles d’entraînement de développement, une fois la période de reprise et de construction des bases aérobies réalisés. L’entraînement en côtes prend donc place dès le mois de novembre et jusqu’à début mai dans sa forme développement VMA si l’objectif principal se situe en juillet.
Dans ce cas de figure, la période mars – avril est extrêmement importante pour ce type de séances en côtes (on peut aller jusqu’à 2 séances hebdomadaires) car elle sert de transition pour le travail spécifique.
En conclusion
Oui aux séances d’entraînement en côtes dans votre entraînement ! Les bénéfices que vous en retirerez seront considérables.
N’oubliez pas non plus, que l’entraînement en côtes vous permet de profiter :
- D’un entraînement dans un cadre différent (souvent naturel) loin des séances sur piste.
- Du côté ludique de l’entraînement.
- Du développement d’une mentalité de gagneur (gravir et vaincre un obstacle).
- Du développement de votre aptitude à solliciter au maximum vos capacités physiques.
Faire des côtes n’est pas la recette miracle. Pour progresser, il faut intégrer intelligemment tous les autres facteurs de la performance. Mais cette forme d’entraînement peut et doit prendre une place de choix dans votre préparation.
Jean-Claude Vollmer
Chef de service du suivi des pôles, des conditions d’entraînement et d’encadrement éducatif des sportifs de haut niveau de l’INSEP