Bien sûr qu’il a regardé le marathon olympique féminin, couru dimanche 5 août à Londres (voir les résultats). « J’adore le marathon, ce grand effort, tellement dur, où tout peut changer à tout moment ». Robert Membré 67 ans, habite Saint-Genis-Laval dans la région lyonnaise, et sait de quoi il parle. « J’ai arrêté de faire des courses chronométrées à 50 ans, avec un dernier marathon à Lyon. Je l’ai couru en 2h54. J’ai commencé à courir très jeune, jusqu’à douze, treize ans. J’étais très bon, je courais le mille mètre en 3 minutes. J’ai arrêté pour reprendre pendant l’armée en Allemagne car je me suis aperçu que ceux qui faisaient du sport étaient bien vus. J’ai ensuite repris la course à pied à 30 ans. J’ai commencé l’ère marathon, puis les 100 km, les 24 heures, le triathlon, aussi ». Un parcours qui aurait déjà de quoi épuiser un néophyte… mais auquel il faut, notamment, ajouter deux Spartathlon (250 kilomètres entre Athènes et Sparthe) courus en 1997 et 1998.
Quinze ans plus tard, après avoir notamment travaillé pendant 30 ans dans le secteur financier chez Total, Robert Membré est à la retraite. Mais à 67 ans, il n’est pas tout à fait un retraité ordinaire. Certains diront même qu’il est extraordinaire. Si aujourd’hui il assure « savourer les moments de la vie quotidienne, comme prendre un livre, s’asseoir sur une chaise et discuter tranquillement », c’est qu’il en a été privé pendant un an. Un an à parcourir les routes européennes, à avaler les kilomètres pour tenter de boucler le défi fou qu’il s’était lancé : parcourir plus de 18 000 kilomètres en courant, de Lyon à Londres en passant pour les 27 capitales de l’Union Européenne.
Avant d’arriver dans la capitale anglaise pour l’ouverture des JO (où il avait espéré un accueil plus chaleureux du Club France), il a fallu affronter des conditions climatiques extrêmes. Le froid, la pluie, la neige. « Quand vous passez une nuit à moins 30 degrés et que vous devez repartir le matin, ça n’est pas facile. J’ai été trempé, gelé, j’ai passé parfois 10 heures sous la pluie. Je me suis dit de nombreuses fois qu’il fallait arrêter. Mais je m’étais fait une promesse, et je l’ai tenue : sauf impossibilité totale d’aller plus loin, je ne devais pas abandonner ».
Levé tous les matins entre 4h30 et 4h45, Robert Membré a couru chaque jour en moyenne 55 à 60 kilomètres lorsque son épouse (et parfois quelques proches) l’accompagnai(en)t en camping car. Et 45 à 50 kilomètres quand il était seul (au total 4 mois sur 12). « Je n’ai pas eu de grosses blessures. Deux ou trois débuts de tendinite. Deux hypoglycémies, mais j’ai réussi à rejoindre le fourgon. Et probablement une chute de tension un jour ». Des ampoules, aussi, bien sûr. « Mais ce n’est rien du tout pour moi. Et de toute façon, j’ai les pieds plats, je suis mal foutu ».
[quote]Sauf impossibilité totale d’aller plus loin, je ne devais pas abandonner[/quote]
Seul, il s’est nourri de « ce qu’(il) trouvait ». « Quand mon épouse était avec moi, mes repas étaient essentiellement composés de sucres lents. De pâtes, de riz. Je buvais aussi des boissons sucrées, je prenais des céréales. Des choses qui donnent des forces ! » Et lorsque le camping car n’était pas là pour lui offrir un toit, il s’est débrouillé, comme il pouvait. « J’étais un peu comme un SDF, à dormir sur un banc, dans un hangar. En espérant au moins trouver un abris couvert pour passer la nuit au sec ». Dans son sac de 16 kilos, il s’est arrangé pour protéger son sac de couchage. « Je l’ai enveloppé dans plusieurs épaisseurs de plastique pour que je sois sûr de passer la nuit au sec ».
Ses défis olympiques
Sydney 2000 : « C’était une année mythique, je voulais me lancer dans quelque chose de conséquent. J’ai pensé à un tour du monde à vélo. Mais c’était un peu facile. Alors quand j’ai appris que les Jeux Olympiques seraient à Sydney, je me suis dit que je serais là bas pour l’ouverture. Les Jeux Olympiques sont un symbole de paix ». Athènes 2004 : « La distance était un peu moindre, alors j’ai fait l’aller retour entre Lyon et Athènes ». 3306 km en 73 jours. Pékin 2008 : plus de 12 000 kilomètres entre Saint-Genis-Laval et Pékin, en tractant un chariot de 45 kg et sans assistance. Une aventure de 280 jours. Londres 2012 : départ de Saint-Genis-Laval le 23 juillet 2011, arrivée à Londres le 26 juillet 2012. Plus de 18 000 kilomètres. 20 paires de chaussures utilisées. 37 000 euros de budget. |
Robert Membré n’en était pas à son premier défi (voir ci-contre). Alors cette aventure, il l’a bien sûr préparée. « C’est un entraînement de 30 ans ! Et durant les 6 mois qui ont précédé la course, j’ai couru 30 km par jour, tous les jours. Je devais arriver ultra frais pour le départ. J’ai couru tantôt en extérieur, tantôt sur tapis, avec très peu de fractionné. Ce n’est pas vraiment utile pour la course d’endurance et l’ultra fond, contrairement au marathon. Je ne m’échauffe pas. Les premiers pas me servent d’échauffement. Les étirements, après, j’en fais très peu. J’arrive à avoir des muscles relâchés après l’effort, ils sont habitués ».
Et maintenant ? Comme après chacun de ses défis, Robert Membré va organiser des conférences pour raconter son aventure, notamment dans des écoles. L’intégralité des recettes sera alors reversé à des associations caritatives. Parce que Robert Membré ne court « certainement pas pour le prestige, mais pour un idéal ». « Courir pour un idéal », c’est d’ailleurs le nom de l’association dont il fait partie. Cet idéal, il tient dans les trois initiales du mot « pas ». P comme paix, A comme amour et S comme solidarité. « J’ai traversé 70 pays dans le monde. J’ai rencontré des gens formidables. Des gens qui sont malheureux, qui n’ont rien, mais qui vous accueillent les bras ouverts. Alors, quand il m’arrivait de souffrir, je me disais que je ne souffrais que momentanément, qu’il y aurait une fin. Je l’ai choisi, je suis chanceux. J’ai vu des gens qui souffraient beaucoup, beaucoup, plus que moi et qui eux souffriraient toute leur vie ».
Pour la suite de sa vie, Robert Membré s’est fixé plusieurs objectifs : « Battre, à 70 ans, le record du monde du nombre de kilomètres parcourus en 24 heures. Je voudrais en faire 180. J’ai 2 ans et demi pour me préparer. J’aimerais aussi recourir un Spartathlon après mes 70 ans ». Autre grand projet : profiter de sa famille. En novembre, il va se lancer dans la réalisation d’une « bande manga » intitulée « Londres 2012 ». Et c’est le petit-fils de Robert Membré qui va mettre en images l’aventure de son papy. « Il a 13 ans, il fait des bandes dessinées depuis qu’il a 6 ans. Il a même remporté un concours devant des adultes ». Il n’y a vraiment pas d’âge pour sortir de l’ordinaire.
Pour plus d’informations sur Robert Membré et l’association Courir pour un idéal : www.courirpourunideal.com