Manon Trapp 2e du marathon de Séville (Espagne) en 2h23’38 a amélioré de 34 secondes le record de France du marathon établi par Méline Rollin en 2h24’12 il y a un an déjà à Séville. Une performance remarquable pour la triple championne de France de cross qui était venue en Andalousie avec des ambitions alors qu’elle ne disputait que son 3e marathon. Entretien.
Lepape-info : Manon, quel sentiment prédomine après cette superbe performance ?
Manon Trapp : Je suis trop contente, c’est un peu comme un rêve qui s’est réalisé. On s’était dit que j’allais partir sur ces allures de record mais il fallait tenir jusqu’au bout car tout est possible sur marathon. Avant Séville, je n’avais terminé qu’un seul marathon (record à Valence en 2023 et abandon à Rotterdam l’an passé) dans ma vie, j’ai très peu d’expérience. Je suis soulagée de l’avoir fait parce que je savais que j’en avais le potentiel avec les séances réalisées. Il fallait être au taquet physiquement et mentalement le jour J, on a peu le droit à l’erreur car on ne court pas souvent un marathon.
Lepape-info : Comment avez-vous vécu la course de l’intérieur ?
M.T : J’avais de bonnes sensations, j’ai eu un coup de moins bien entre le 18e et le 25e kilomètre comme lors mon premier marathon, il y avait un peu de vent c’était un peu compliqué par moments, heureusement j’avais un lièvre derrière lequel je me suis cachée le plus possible. Par rapport à Valence il y avait moins de densité, il a fallu gérer et me mettre à l’abri comme je pouvais. J’ai eu encore quelques soucis de ravitaillement, il faut que je m’améliore sur ce point. J’ai loupé une bouteille au 20e kilomètre avec un gel tombé par terre qui devait m’apporter 30 grammes de glucides et de la caféine et sur lequel je comptais. Malgré cet aléa le résultat final est là, c’était l’objectif de battre le record de France, je suis très contente.
Lepape-info : Quelle fin de course, vous êtes en négative split sur le second semi (1h12 puis 1h11’38) avec une belle remontée à la 2e place à l’arrivée
M.T : Je m’étais dit de partir quad même prudemment, comme lors de mon premier marathon je constate que me sens mieux en fin de course étonnement à partir du 30e kilomètre. Sur les derniers kilomètres je me suis dit qu’il fallait lâcher les chevaux, chaque seconde comptait et mon corps a suivi. À partir du 38e kilomètre je me suis dit qu’on était sur la fin et que c’était le moment d’accélérer si je le pouvais. Je l’ai fait à tel point que mon lièvre n’a pas pu suivre l’allure, j’ai essayé de me rapprocher des personnes que je voyais devant moi en essayant de les rattraper progressivement, j’ai récupéré des places de cette façon. Je n’étais pas focalisé sur le classement mais sur le chrono et mon objectif.
Lepape-info : Superbe finish au coude à coude avec la Kenyane Cynthia Chepchirchir Kosgei (3e en 2h23’43)
M.T : Sur le marathon en fin de course il y a moins de compétition, on sait que c’est dur, on s’entraide davantage car on sait à quel point c’est difficile de terminer un marathon seul(e). On se disait qu’il fallait le meilleur chrono possible, courir dans ces moments là avec quelqu’un c’est mieux.
Lepape-info : Que représente pour vous ce record de France ?
M.T : Mon premier marathon à Valence en 2023 fut une révélation pour moi quand je l’ai terminé, j’ai réalisé que j’adorais le marathon, le rythme, que cette discipline était pour moi, cela demande d’être extrêmement concentrée, l’aspect mental est très important, c’est passionnant sans oublier les sensations. En terminant Valence je voulais continuer, refaire des préparations marathon. La quête des Jeux de Paris s’est moins bien passée avec mon abandon au 25e kilomètre à Rotterdam, un marathon trop proche de Valence, c’était nouveau pour mon corps qui n’a pas suivi en terme de récupération. Cette course avec ce record est une preuve de résilience, j’aime toujours autant le marathon, renouer avec le sourire et cette fois le record de France, les émotions que l’on vit à la fin d’un marathon c’est juste dingue.
Lepape-info : Le travail avec votre nouvel entraîneur Jean-François Pontier paye énormément également
M.T : Je lui fais entièrement confiance, la préparation s’est très bien passée (avec notamment un stage de 4 semaines au Kenya) c’est grâce à lui que je bats aujourd’hui le record de France, il a fait un super travail, notre duo fonctionne à merveille c’est top !
Lepape-info : Nouveau record de France mais pas assez pour atteindre les très difficiles minima FFA (2h21’13) pour les Mondiaux de Tokyo en septembre prochain
Manon Trapp : Je trace ma route, je fais ce que je peux, je ne pouvais pas partir sur les bases de 2h21 aujourd’hui, je n’en suis pas là du tout. Mon état d’esprit était de faire du mieux possible. Je vais voir si c’est possible de se qualifier avec le ranking et me préparer bien pour Tokyo si c’est jouable mais il faudra le savoir rapidement car cela influencera ma suite de saison et mes objectifs.
Lepape-info : En attendant un verdict pour Tokyo, quels sont les objectifs immédiats à venir ?
Manon Trapp : Les championnats du monde militaire en cross le 26 mars pour une reprise je ne pense pas être au top de ma forme. Ensuite j’aimerai bien faire les championnats d’Europe de course sur route, sur semi marathon en avril à Bruxelles (Belgique).
Ce remarquable record de France du marathon de Manon Trapp au terme d’une course parfaitement maitrisée derrière l’Éthiopienne Anchinalu Dessie Genaneh victorieuse en 2h22’17 est salué par Christelle Daunay, championne d’Europe 2014 de marathon et désormais 3e performeuse Française de tout les temps sur la distance (2h24’22):
« Elle a parfaitement géré, c’était son objectif de battre le record de France. Elle a fait une très belle course, elle est remontée au classement pour finalement terminer 2e avec un beau négative split. Elle est toute jeune sur marathon elle avait commencé à Valence en 2023 en 2h25’48 pour aller chercher la qualification pour les Jeux de Paris mais à Rotterdam ce n’est pas passé quelques semaines plus tard. Depuis elle s’était très bien préparée on avait vu des signes avec sa victoire sur le 20km de Paris en octobre dernier, elle a un nouvel entraîneur Jean-François Pontier qui connaît bien le marathon. Elle a encore de l’expérience à gagner, on connaissait ses capacités, son abnégation, ses prises de risques comme aux Europe de cross en décembre dernier, son envie d’aller de l’avant comme aux 20km de Paris et on l’a encore vu aujourd’hui sur la fin de course. Elle n’a rien lâché elle a tout pour elle. Sa régularité pendant la course est remarquable, avec une 2e place aussi à aller chercher sur la fin en accélérant, elle a mis en avant ses qualités de vitesse, de spécialiste de cross. Sa 2e place à Séville va lui ouvrir la porte pour d’autres marathons encre plus grands. Le record de France commence à avoir de l’allure même s’il faut encore grappiller des secondes pour atteindre le haut niveau mondial. C’est un beau record de France, Manon Trapp comme Méline Rollin, Mélody Julien est une athlète jeune avec de belles années à venir pour encore faire baisser le chrono. »