Mises en garde et réponses aux questions des internautes
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est important de faire des rappels essentiels.
– Le travail avec charges n’est pas une obligation. Beaucoup d’exercices de renforcement peuvent se faire au poids du corps (PDC) et être très utiles. C’est le cas des pompes, du gainage abdominal ou lombaire, et même des squats ou des fentes. Pour les débutants, il est fortement conseillé de débuter un travail de renforcement selon cette modalité (PDC).
– Le renforcement va toujours d’un travail général à un travail spécifique (groupes musculaires, intensités de travail…)
– Une séance de renforcement est dans la grande majorité des cas d’une importance primordiale et supérieure à une séance de course, en raison des bénéfices escomptés (prévention des blessures, résistance à la fatigue, économie de course…)
– Il n’y a pas d’âge limite pour pratiquer le renforcement. Tout comme pour la puissance aérobie, le maintien d’un travail de force permet de limiter la perte due au vieillissement (la sarcopénie). Sinon, on ne devient pas plus endurant mais seulement plus lent !!
Les 2 premiers articles ont suscité des réactions et des questions pertinentes auxquelles il est important de répondre. Une première interrogation portait sur la planification et la programmation des séances de renforcement. Dans un premier temps, comme pour la course, il faut être en mesure d’évaluer le niveau de l’athlète au regard de sa spécialité, ainsi que les points faibles susceptibles de mener à la blessure. Cela permet d’établir une planification de la force en harmonie avec la planification de l’entraînement course. Si la séance de force est qualitative (développement de la force maximale par exemple), les substrats énergétiques décomposés vont être la phosphocréatine et le glycogène. Il est donc préférable de l’encadrer par des séances de course (ou croisées) à intensités plus basses, inférieures au seuil 2 (85%). Une séance qualitative pouvant laisser des traces (les fameux DOMS) jusqu’à 72 heures, on évite d’en programmer à l’approche des compétitions. On peut imaginer conserver une séance qualitative entre J-7 et J-4, à condition d’en réduire le volume (de 30 à 50%) et de supprimer le travail en excentrique, plus inflammatoire. Pour une séance en endurance de force à dominante concentrique, pas de contre-indication jusqu’à J-3.
Ainsi, la planification de la force suit un schéma classique, du développement général avec renforcement de la ceinture pelvienne pour assurer une bonne transmission des forces, au développement spécifique en passant par le renforcement orienté. En période compétitive, on peut se contenter de séances de maintien.
Une deuxième question portait sur l’hypertrophie, c’est-à-dire la prise de masse musculaire, qui est inhérente à tout travail de renforcement. Est-ce que cette hypertrophie n’est pas pénalisante en trail ? Tout d’abord, nous avons vu que le développement de la force améliore globalement le rendement de la foulée, et par conséquent l’économie de course à une vitesse ou intensité donnée. Certes la prise de masse augmente le coût du travail mécanique interne (cycle des jambes autour du centre de gravité) mais si l’hypertrophie est limitée, le bilan effets positifs/négatifs penche en faveur de la baisse du coût énergétique. De plus, en trail, l’économie de course est une notion complexe en raison de la variété des modes de locomotion (course, marche) et des terrains (montées, descentes, pourcentages, technicité…). La nécessité de préserver le capital musculaire des membres inférieurs est premier par rapport au coût du déplacement. Donc la prise de masse musculaire par hypertrophie (augmentation de la taille des fibres) ou hyperplasie (multiplication des fibres) n’est pas pénalisante mais plutôt indispensable à la maîtrise de son activité. Tout le jeu consiste à trouver le bon équilibre entre prise de masse, force spécifique à l’activité et coût de la locomotion, mais n’oublions jamais l’adage : « Un muscle plus fort est un muscle plus endurant ».
Développer sa force maximale
Nous avons vu précédemment que tout commence par le développement de la force maximale. Zatsiorsky (1966) propose 3 méthodes de développement, à savoir le travail avec charges maximales, le travail à efforts répétés, et le travail dynamique ; résumées dans le tableau ci-dessous :
FORCE MAXIMALE = tension maximale dans le muscle | |||
Charge maximale | Charge non maximale | ||
Jusqu’à la fatigue | A vitesse maximale | ||
Efforts maximaux | Efforts répétés | Efforts dynamiques | |
But | Recruter le maximum de fibres dans le même temps | Recruter alternativement le maximum de fibres musculaires | Participer à la montée en force |
Effet | Amélioration de la coordination intra et intermusculaire | Développement de la masse musculaire (hypertrophie) | Peu d’action sur la force maximale |
Méthode |
Intensité = 90 à 100 % 1 RM Répétitions : 1 à 3 Récup : 5 à 7 min Vitesse : maximale Réitération : 4 à 8 séries |
I = 80 à 90 % 1 RM Rép : 5 à 7 Réc : 3 à 5 min Vit : maximale Réit : 8 à 12 séries |
I = 60 à 80 % 1 RM Répétitions : 6 à 10 Récup : 2 à 3 min Vit : maximale Réit : 10 à 15 séries |
Exemple | 5 séries de 3 répétitions à 90% de 1 RM, récup 5min | 8 séries de 5 répétitions à 80% de 1 RM, récup 3 min | 10 séries de 6 répétitions à 70%, récup 2 min |
Il existe d’autres méthodes de développement de la force maximale. Citons les efforts maximaux excentriques (méthode délicate car intensités jusqu’à 130% et nécessité d’une aide extérieure et d’expérience) ; les efforts maximaux isométriques (intensité de 80 à 110%, méthode permettant un bon recrutement spatio-temporel des fibres) ; les efforts combinés (succession d’un effort excentrique puis concentrique à 120/80% d’intensité), et enfin les efforts combinés (enchaînement excentrique-concentrique-isométrique).
Mais revenons à notre problématique du trail et de la course de montagne. Entre parenthèses, Jean-Claude Vollmer décrit très bien l’importance du renforcement pour les coureurs sur route dans son ouvrage intitulé Objectif Marathon, aux Editions du chemin des crêtes, avec la proposition de nombreux exercices. En trail, et qui plus est sur des durées longues et avec des dénivelés importants, s’il est important de développer sa force maximale, il est encore plus indispensable d’améliorer son endurance de force qui est la capacité à maintenir un pourcentage de sa force maximale sur une distance ou une durée données. Plus ce pourcentage est élevé, plus l’athlète est endurant au niveau de sa force.
Par simplification, on ne parle plus de répétitions mais plutôt de durée de travail. De même, si la vitesse d’exécution est importante, elle ne doit plus être maximale mais simplement régulière. De même, on s’applique sur la phase concentrique alors que la phase excentrique reste passive. Par exemple, pour des exercices classiques de squats, le rythme d’une répétition toutes les 2 secondes est convenable.
Plus la durée de l’exercice est longue, plus l’intensité est faible.
ENDURANCE DE FORCE | |||
Durées | Courte < 1min | Moyenne < 3min | Longue < 8min |
Intensité | 50-70 % | 40-60% | 30-50% |
Récup | 1-2 min | 1-2 min | 2-3 min |
Durée séance* | < 60 min | < 60min | 60 min et + |
* la durée de la séance comprend les temps de récupération. Elle doit bien entendu être progressive.
Exemple de séance en endurance de force à la presse, pour un athlète dont le 1 RM est de 80 kg.
15 séries de 20 répétitions (ou 1 minute) à 60% de 1 RM, c’est-à-dire à 48 kg, avec 2 min de repos entre chaque série, soit 45 min de séance.
Dans le cadre de notre série d’articles sur la Force, nous ne parlerons pas de la force/vitesse, moins utile pour les traileurs. Dans le prochain article, nous proposerons une planification de la force à l’échelle de la saison.