Pendant des décennies, les tests d’efforts, et notamment le test dit de VO2max, se sont concentrés sur une unique qualité : celle de la puissance aérobie.

Or s’il reste nécessaire d’avoir un gros moteur dans toute discipline aérobie, cela n’est pas suffisant pour performer en trail. Rappelons que si, sur la route, les facteurs de la performance aérobie sont bien circonscrits : VO2max, endurance, coût énergétique, cinétique de VO2 ; ce n’est pas encore tout à fait le cas en trail où les facteurs de performance sont légion et font l’objet de nombreuses recherches (1,2).

Parmi ces paramètres figure notamment le coût énergétique de la locomotion en côte. Certes, jusqu’à présent, il existait des protocoles avec de la pente (jusqu’à 6%, et très rarement jusqu’à 10%), mais dans la plupart des cas il s’agissait principalement de ralentir les athlètes rapides. Et de plus, l’économie de course n’était pas évaluée.

C’est d’ailleurs ce type de test que nous avions mis en place il y a une dizaine d’années à Saint-Etienne avec le professeur Guillaume Millet. Nous faisions une première partie de protocole à plat pour calculer le coût énergétique de l’athlète (car il n’existait que des références à plat), puis nous poursuivions par un test progressif à 6% que nous complétions par un temps limite. Mais il faut le reconnaître, nous restions dans la comparaison traileurs-coureurs de route ou piste, et ce n’était pas satisfaisant.

 

Un test en côte, pourquoi pas ?

 

Pour réaliser un test d’effort en pente, il fallait d’abord s’assurer que le VO2max de pente ne diffère pas du VO2max à plat, car la littérature était pauvre mais contradictoire sur le sujet. Nous avons donc mené des recherches (3) en réalisant des tests à plat, à 12.5 et 25% de pente pour des mêmes athlètes traileurs. Aucune différence statistiquement significative n’est apparue sur les VO2max, mais ce sont les coûts énergétiques plat/pente qui ont montré de très intéressantes variations. En effet, des athlètes économes à plat se sont révélés dispendieux en côte, et vice versa. Or nous allons voir que cela a des conséquences directes et importantes sur la performance en montée. Bien entendu, en raison de facteurs limitants périphériques, il est déconseillé de faire passer un test d’effort en pente (> 6%) à un coureur de route ou de piste.

Maintenant, la question de la pente se pose. Quelle pente choisir ? Encore une fois la réponse nous vient de la physiologie. On estime que 15% représente une limite théorique concentrique/excentrique. Cela veut dire qu’au-delà de 15% de pente, le stockage-restitution d’énergie élastique devient très faible, voire nul en terrain technique. 

C’est donc ce type de test qui est maintenant effectué à Saint-Etienne, mais aussi à Toulouse au centre de médecine sportive du CHU avec le Dr Fabien Pillard, ou encore à Dôle (39) avec le Dr Samuel Béliard. C’est dans ce dernier centre que nous avons fait passer récemment 2 jeunes athlètes de 20 ans que je vous présente brièvement :

Sylvain Cachard : en 2019 vice-champion de France de trail et de montagne (2 titres en espoirs), 37 aux France de cross (5ème espoirs). Il disputera cette année son 4ème championnat du monde consécutif de la montagne (2 en juniors, 2 en séniors). 12ème et 1er français aux Europe de montagne à Zermatt.

Baptiste Fourmont : Il a uniquement 2 saisons de course à pied. Cette année 15ème aux France U de cross, et 150ème aux France FFA

Ces 2 espoirs sont en 3ème année de l’INSA Lyon en section sports-études.

 

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Bilan cardiologiques, spirométrie, tests d’efforts

 

Au-delà du VO2max, nous nous sommes intéressés aux économies de course de ces athlètes, à plat et en côte. Le coût énergétique (Cr pour Cost of Running) est la consommation d’oxygène par unité de distance (m, ou km). La conversion en kilojoules est plus complexe car elle nécessite de déterminer le mélange de carburants (glucides/lipides) dégradés par 1 litre d’oxygène, et donc de connaître le quotient respiratoire auquel nous avons déjà consacré un article. Pour calculer les Cr, on doit atteindre un état stable de la consommation d’oxygène (VO2) (figure 1). Ici, la valeur la plus intéressante est celle déterminée à 14 km/h car elle correspond à une véritable allure de terrain à plat, en endurance fondamentale.

 

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Fig 1 : Courbe de VO2 à 12 puis à 14 km/h

 

Une fois ces calculs effectués, le coureur enchaîne sur un test en pente à 15%. L’idée est d’être dans la continuité en termes d’intensité. Pour cela, l’équation de di Prampero (qui calcule le coût en pente à partir du coût à plat et de l’inclinaison) nous permet de calculer le rapport entre la vitesse à plat et la vitesse en pente. Ainsi 14 km/h à plat correspondent environ à 7.5 km/h à 15%. Nous vérifions cela par les VO2 (voir tableau 1) qui augmentent faiblement du plat à la montée, et cela peut être dû aux différences de sollicitations musculaires. Sur la figure 2, on voit bien un magnifique état stable de VO2 qui permet de calculer un coût en pente. 


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Figure 2 : Calcul du Cr de pente (15%) à 7.5 km/h

 

Dans le tableau 1, nous avons consigné un grand nombre de données récoltées sur ces tests. Les coûts à plat et en pente, les consommations d’oxygène correspondantes, les prédictions de l’équation de di Prampero, et la vitesse pour un QR = 1 correspondant au début du seuil anaérobie et à une consommation exclusive de glucides. 

 

PARAMETRES CALCULES/ATHLETE Baptiste Sylvain Remarques
VO2 à 12 km/h  (mLO2/kg/min) 41.2 37.4
Coût énerg plat 12 km/h (mLO2/kg/m) 0.206 0.187
VO2 à 12 km/h  (mLO2/kg/min) 49.5 43.5
Coût énerg plat 14 km/h (mLO2/kg/m) 0.212 0.187 Normes sur la route. Athlète très entraîné 0.193 et Elite 0.171
Coût énerg 15% – 7.5 km/h (mLO2/kg/m) 0.406 0.361
VO2 à 7.5 km/h  et 15% 50.7 45.2 +2.4% et 3.9% d’augmentation/plat 
Prévision statistique Coût à 15% 0.388 0.369 D’après équation de di Prampero
Vitesse en km/h à QR = 1 pour pente de 15% 9.5 10

Tableau 1 : Paramètres énergétiques à plat et à 15% de pente

 

Quelques remarques : le coût énergétique à plat de Sylvain est très intéressant et se rapporte à son profil de coureur élancé avec un faible travail mécanique interne (4). Mais le plus intéressant est son coût à 15% qui est inférieur aux prédictions de di Prampero. Or, sur plus de 30 traileurs testés, c’est la première fois que cela se produit, l’écart moyen entre les coûts mesurés et les coûts prédits étant en moyenne de + 8.9% (1).

Pour Baptiste, le fait d’avoir une plus forte VO2 à 14 km/h implique logiquement un Cr plus élevé, et donc une déplétion énergétique accrue avec une majoration de glucides.

 

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Sylvain Cachard, une progression constante vers les sommets

 

Pour démontrer l’importance de ces calculs d’économie de course, imaginez que ces 2 athlètes réalisent une montée à 15% et à une même intensité de 80% de VO2max, et en se basant sur un même VO2max de 75. Sur 15 min de montée, Sylvain prendrait 277m d’avance, soit 1min52 (écart uniquement dû au coût énergétique, et avec VMA = VO2max/Cr).

Maintenant, si on calcule avec leurs vrais VO2max, on trouve 2’34 et 380m de différence. 

Ce constat étant fait, la problématique pour l’entraîneur est de savoir comment améliorer le Cr en côte, et nous tenterons d’y répondre dans un autre article.

 

1 Balducci, P., Clémençon, M., Trama, R., Blache, Y., & Hautier, C. (2017). Performance factors in a mountain ultramarathon. International journal of sports medicine, 38(11), 819-826.

2 Vercruyssen, F., Ehrström, S., Tartaruga, M., Easthope, C., Brisswalter, J., & Morin, J. B. (2018). Short Trail Running Race.

3 Balducci, P., Clémençon, M., Morel, B., Quiniou, G., Saboul, D., & Hautier, C. A. (2016). Comparison of level and graded treadmill tests to evaluate endurance mountain runners. Journal of sports science & medicine, 15(2), 239.

4 Balducci, P. (2017). La place du coût énergétique dans les facteurs de performance en trail running (Doctoral dissertation, Université Claude Bernard, Lyon 1).