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La question est de savoir si la préparation doit être différente ou semblable si l’on va accomplir 50 kms, 150 kms, ou 3 fois 50 kms en trois jours. Nous avons déjà évoqué sur Lepape-info les différences qualitatives et quantitatives qui existent dans la préparation d’un trail long ou d’un ultra. Mais qu’en est-il de la course à étapes ?

Prenons du recul et rappelons-nous tout d’abord les facteurs de performance en trail. Ils sont nombreux et très bien décrits par Guillaume Millet (Sacrificing economy to improve running performance—a reality in the ultramarathon? G. Y. Millet, M. D. Hoffman, J. B. Morin. Journal of Applied Physiology Published 1 August 2012). Il y a bien entendu les facteurs physiologiques (VO2max, endurance, économie de course) mais aussi des facteurs techniques, stratégiques, nutritionnels et motivationnels.

C’est l’ensemble de ces facteurs qui sont remis en cause par la répétition de longs efforts journaliers.

Physiologie : Et oui, la consommation d’oxygène reste un facteur important de la performance, même en ultra endurance. Sur des efforts répétés, son importance est au moins aussi importante car la fatigue intervient différemment. Toutefois, c’est la fraction de VO2max (ou endurance) qui reste le facteur clé, mais cette fraction dépend bien entendu de tous les autres facteurs. Cette fraction sera plus élevée sur 3 x 50kms que sur 150 kms, mais cela vaut pour tous les coureurs. Au final, la performance (en heures, minute) est meilleure pour une même distance sur 3 étapes que sur une seule ! Sur le plan de la préparation, on comprend vite qu’il faut être performant sur du très long mais aussi sur du moins long. Cela rejoint la tendance actuelle de l’ultra trail. Sur le Hong-Kong 100, en janvier, 6 coureurs parmi les 10 premiers ont une référence à moins de 2h25 sur marathon, et même 2h16 pour le premier. Si aller vite ne suffit pas, cela devient plus que nécessaire.

 

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Technique : Les facteurs techniques (foulée, descente, matériel) sont aussi importants dans les courses à étapes que sur les courses d’un jour. Ils jouent une part importante dans la performance, et parfois davantage. En effet, sur une course d’un jour, un mauvais descendeur va perdre du temps et générer un peu plus de fatigue ; sur une course à étapes, les douleurs générées le 1er jour (les fameux DOMS, D pour delayed !!) vont avoir des conséquences très fâcheuses pour les jours suivants et limiter grandement la performance.

Stratégiques : Voici un domaine où les différences sont fondamentales. On n’aborde pas une course à étapes comme une course unique. Selon le modèle de Tucker (2009), un individu choisit son intensité de course en fonction de la durée prévue, de ses ressources énergétiques, des conditions extérieures, puis il va ajuster cette intensité en accord avec son ressenti d’effort (le RPE). Ainsi, une course à étapes va partir plus vite qu’une course unique (à distance totale équivalente), mais moins vite qu’une course dont la distance équivaudrait seulement à la première étape. Cela veut dire qu’au départ de la première étape, le coureur a intégré qu’il faudra recommencer le lendemain. Pourtant, pris dans l’effort et dans l’émulation, beaucoup commettent de graves erreurs stratégiques en partant trop vite.

Nutritionnel : Là aussi, les différences sont fondamentales car il va falloir se ravitailler en course mais aussi entre les courses. La première étape fragilise obligatoirement le territoire intestinal et dilapide rapidement les réserves de glycogène qu’il faudra restaurer au mieux tout au long de l’épreuve. Une gestion raisonnée de l’intensité de l’effort aura moins d’impacts négatifs sur les capacités d’assimilation du sujet. Pour cela, l’adoption d’une stratégie nutritionnelle à l’entraînement, et entre les entraînements spécifiques, permettra de se préparer au mieux.

Motivationnels : Comme pour la stratégie, on ne se prépare pas à 3 x 50 kms comme à 150 kms. Il faut être en mesure de se projeter sur plusieurs jours, et de résister à la fatigue, une autre définition de l’endurance qui discrimine largement les individus. En effet, beaucoup ressentent un fâcheux contrecoup le 2ème jour avant de se ressaisir.

Concernant l’entraînement, pas de changements fondamentaux dans la préparation, si ce n’est la capacité à répéter des efforts longs et techniques, voire doubler, afin de stresser positivement l’organisme. Pour cela, le renforcement musculaire, la marche et le vélo sont de précieux alliés. Cela est valable pour tous les coureurs, et surtout ceux de la deuxième moitié de peloton. Dans les 10 jours précédant l’épreuve, il faudra par contre se mettre en mode « pause » en diminuant fortement le volume pour arriver au départ avec le plein d’énergie et de glycogène.

Pascal Balducci