La voute plantaire, une région complexe sur les plans anatomiques et mécaniques, regroupe différentes structures musculaires, tendineuses, ligamentaires et osseuses. Chacun de ces éléments peut être responsable de phénomènes douloureux attribués trop souvent à l’aponévrose mais ce n’est pas forcément la cause. Surtout lorsque le sportif se plaint d’aponévrosite plantaire depuis de longs mois et alors que les traitements médicaux ne parviennent pas à soulager.
Aponévrosite ou myo-aponévrosite ?
Le terme d’aponévrosite est un terme que tout le monde connait et qui permet plutôt d’échanger sur une localisation que sur une pathologie. En effet si cette aponévrose plantaire superficielle existe bien et est souvent responsable de phénomènes douloureux, l’atteinte anatomique est parfois plus profonde en se situant au niveau des différents muscles et tendons de la voute plantaire. Et si les coureurs d’endurance souffrent plutôt de douleurs en relation avec l’insertion de l’aponévrose plantaire sur le calcanéum, les sprinters peuvent être victimes d’une véritable lésion musculaire à début brutal avec rupture, par exemple, du court fléchisseur des orteils. Le terme de myo-aponévrosite est donc mieux approprié que le terme d’aponévrosite trop réducteur sur le plan anatomique.
Le pied : un millefeuille anatomique d’une finesse inouïe !
Pour mieux comprendre et visualiser les structures anatomiques du pied, nous allons décrire cette mécanique de précision comme un gâteau qui serait un millefeuille. Pour les férus de diététique sportive qui aiment préparer les sorties longues avec les pâtes, l’image des lasagnes peut-être aussi très évocatrice.
La tranche la plus basse au contact avec le sol est la peau, puis en allant vers le haut la tranche suivante est l’aponévrose plantaire. Cette aponévrose protège une première couche composée de différents muscles que sont le muscle court fléchisseur des orteils, le muscle abducteur du gros orteil, et le muscle abducteur du petit orteil. Protégés par cette couche musculaire, fonctionne une deuxième couche plutôt tendineuse (tendon du long fléchisseur des orteils et tendon du long fléchisseur du gros orteil) mais aussi un réseau très sophistiqué de nerfs, d’artères et de veines plantaires. Au dessus de cette deuxième couche, la troisième couche est composée de tendons, les tendons du tibial postérieur, des courts et longs péroniers et de muscles, les muscles fléchisseur et adducteur du gros orteil, le muscle du fléchisseur du petit orteil.
Un chapiteau rigide constitué de structures osseuses et ligamentaires
Enfin, et il ne faut surtout pas l’oublier, la dernière couche vers le haut est composée des os et ligaments qui soutiennent la voute plantaire. L’arche interne est structurée de l’arrière vers l’avant par le calcanéum et l’astragale, le scaphoïde, les cunéiformes puis le premier métatarsien. L’arche externe est structurée de l’arrière vers l’avant par le calcanéum, le cuboïde puis le cinquième métatarsien.
Structures osseuses et ligamentaires
Troisième couche musculaire
Deuxième couche tendineuse
Artères et veines plantaires
Première couche musculaire
Aponévrose plantaire
Peau
Chaussure
Sol
Le rôle de l’aponévrose plantaire
Cette aponévrose est un fascia constitué de tissu conjonctif dense réparti en trois faisceaux : un faisceau central épais et résistant nommé aponévrose plantaire moyenne et deux faisceaux latéraux plus minces, les faisceaux internes et externes. En arrière l’insertion de l’aponévrose est étroite et se situe sur le calcanéum, en avant l’insertion est large pour pouvoir s’associer par un système complexe avec le fonctionnement des cinq métatarsiens.
L’aponévrose plantaire a de nombreux rôles au quotidien : protection, cohésion et maintien du millefeuille mais aussi suspension et soutien des arches osseuses externes et internes. A la course, le rôle de l’aponévrose plantaire est de transmettre les forces au moment des appuis et de participer à la propulsion au même titre que les muscles du mollet et que le tendon d’Achille : on parle souvent de système suro-achilléo-plantaire. Nos aponévroses plantaires sont donc sollicitées en permanence : à la position debout, à la marche et encore plus à la course ce qui explique les lésions de surmenage par microtraumatismes répétés.
Comment repérer la structure responsable des douleurs ?
Le schéma ci-dessus permet de mieux comprendre que le sportif aura du mal à préciser un niveau exact en localisant la couche douloureuse dans ce millefeuille. Ce millefeuille est d’autant plus complexe à analyser que la plupart des couches superposées sont très fines.
L’examen clinique permet de localiser la zone douloureuse : plutôt au niveau du talon ou bien au centre du médio-pied. Cet examen va tester les muscles et les tendons mais aussi cerner la responsabilité des différents os et articulations du pied dans le déclenchement des douleurs.
L’imagerie devrait être systématique : radiographie standard à la recherche de pathologie osseuse ou arthrosique, échographie plantaire pour tenter de localiser la lésion douloureuse au niveau de l’aponévrose, des muscles plantaires, des tendons et de leurs insertions.
- Les symptômes douloureux semblent en relation avec une atteinte de l’aponévrose plantaire
Le type des douleurs décrites par le coureur, l’examen clinique et l’imagerie vont permettre d’orienter le diagnostic vers la structure atteinte.
Si l’aponévrose est responsable des symptômes, il va falloir mieux préciser le niveau et l’importance de son atteinte car les traitements seront différents.
– Si les différentes recherches orientent vers une aponévrosite moyenne d’insertion car l’atteinte est située au niveau de son l’insertion sur le calcanéum, il s’agit alors d’une enthésopathie. Etirements, massages transverses profonds et ondes de choc sont les thérapeutiques les mieux adaptées.
– Si les symptômes sont situés sous la voûte, associant des lésions de l’aponévrose et de la première couche musculaire, il s’agit alors d’une myo-aponévrosite plantaire nommée également fasciite plantaire. Les étirements et les massages profonds seront les traitements prioritaires.
– Enfin, une rupture brutale de l’aponévrose est toujours possible, l’échographie est alors l’examen de choix pour en connaitre la localisation et l’importance. En cas de rupture, repos, immobilisation et mise en décharge de l’articulation devraient être obligatoires pendant plusieurs semaines.
- Les symptômes douloureux se situent au niveau de la voûte plantaire mais semblent en relation avec une atteinte osseuse
L’examen clinique montre que l’aponévrose est sensible, tendue mais la palpation des os du pied et la mobilisation des articulations déclenchent des douleurs que le sportif reconnait. Il est probable que l’origine de la douleur située sous la voute plantaire est alors osseuse et non pas aponévrotique. Dans ce cas précis, la hantise du médecin du sport est de passer à coté d’une fracture de fatigue que la radiographie standard n’aura pu repérer. Il est le plus souvent nécessaire de faire pratiquer un scanner ou une IRM à la recherche d’une fracture de contrainte. Tous les os du pied peuvent être victimes d’une fracture mais le plus sensible, car le plus sollicité au niveau mécanique, est le scaphoïde tarsien. Les fractures de fatigue du calcanéum ne sont pas rares chez les coureurs et peuvent donner les mêmes symptômes qu’une aponévrosite moyenne d’insertion.
- Les symptômes douloureux se situent au niveau de la voûte plantaire mais semblent en relation avec une pathologie articulaire
Là encore, l’examen de la voûte plantaire montre qu’il existe une douleur à la palpation et à l’étirement de l’aponévrose mais les radiographies révèlent une arthrose débutante sur l’arche externe au niveau de l’articulation entre le calcanéum et le cuboïde ou sur l’arche interne entre l’astragale et le scaphoïde. L’existence d’un pied creux est un facteur favorisant de toutes ces pathologies arthrosiques. Chez les sportifs qui ont eu des entorses à répétition, les contusions osseuses entre le dôme de l’astragale et le tibia ont pu enclencher une arthrose de cheville qu’il faudra traiter pour voir les douleurs de voute plantaire disparaitre.
- Les douleurs se situent au niveau de la voûte mais semblent en relation avec une atteinte tendineuse
Nous l’avons vu, un bon nombre de tendons stabilisateurs, extenseurs ou fléchisseurs de la cheville s’insèrent sous le pied. En premier lieu le tendon du tibial postérieur qui s’insère sur l’arche interne du pied. Ce muscle et son tendon sont très sollicités chez le coureur à pied à la fois lors de la réception au sol et lors de la propulsion. Les lésions du tendon lui-même lors de son passage sous la malléole interne ou bien au niveau de son insertion au niveau du scaphoïde sont fréquentes et peuvent être responsables de douleurs plantaires internes. Deux tendons essentiels dans la propulsion, les tendons du long fléchisseur de l’hallux et du long fléchisseur des orteils passent entre les deux couches musculaires. Ces tendons peuvent être atteints partiellement, l’examen clinique et l’échographie montreront la localisation et l’importance de la lésion.
- Les douleurs se situent au niveau de la voûte mais semblent en relation avec une maladie inflammatoire générale
Reste dans les cas possibles des causes possibles de douleurs plantaires par les maladies rhumatismales. Certaines maladies générales atteignant les tendons et leurs insertions sur les os peuvent être à l’origine de douleurs inflammatoires qui prennent l’aspect de douleurs mécaniques. C’est parfois l’échographie ou bien l’IRM qui, en montrant des aspects très particuliers à l’insertion des tendons, orienteront vers la responsabilité de maladies nommées spondylarthropathies. Des analyses biologiques ciblées seront un excellent appoint complémentaire pour faire un diagnostic précis. Différents traitements anti-inflammatoires très spécifiques devront être mis en place par le rhumatologue.
Conclusions
De nombreux sportifs souffrent depuis plusieurs mois d’une douleur plantaire attribuée d’emblée à une aponévrosite. Il est vrai que les aponévrosites sont parfois difficiles à soigner mais la très grande majorité ne résistent pas à l’association des thérapeutiques que sont les étirements du système tendineux et musculaire suro-achilléo-plantaire, les massages profonds, les ondes de choc, le travail sur la posture, les semelles orthopédiques adaptées.
Aussi la première question qu’il faut se poser concernant une douleur plantaire qui ne guérit pas est la suivante : le diagnostic d’aponévrosite plantaire est-il le bon ? Le pied est une structure anatomique très complexe et l’aponévrose n’est pas la seule structure à être responsable de douleurs à l’exercice. Les atteintes d’autres structures musculaires, tendineuses, ligamentaires ou osseuses ainsi que certaines maladies inflammatoires générales peuvent donner les mêmes symptômes.