Comme pour beaucoup, sa passion pour la course à pied commence au plus jeune âge. Pourtant dans son village de Tence en Haute Loire, les garçons font du football, les filles du basket. « Me demandez pas pourquoi, c’était comme ça ! » raconte Julien Rancon. Alors il joue au football et a gardé l’amour du ballon rond. Un milieu de terrain qui courait déjà beaucoup, un « poumon » comme on dit dans le jargon.
A 9 ans, il découvre la course sur route. Son père, agriculteur, est un coureur à pied « à l’époque ils n’étaient pas nombreux, on le prenait un peu pour un fou. Il a dû commencer vers l’âge de 30 ans, histoire de s’occuper un peu de lui ». Et comme dans beaucoup de villages, chaque année un semi-marathon est organisé avec une course enfants. « Tous les enfants participaient, c’était LE rendez-vous. La course est née en 1980, l’année de ma naissance». Durant ces années-là, son père marathonien parcourt les 42,195 km en 3h30 en s’entraînant une fois par semaine. « Moi je faisais tous les cross UNSS, je n’étais pas trop mauvais. »
Pour Julien Rancon c’est le début de l’histoire. A l’adolescence, il part en internat option sport au Puy-en-Velay. Son bac scientifique en poche, il opte pour la faculté afin de passer une licence de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) puis un DESS. Le tout parachevé d’un diplôme d’entraîneur en course à pied (BE1). Et pendant ce temps, le jeune homme progresse. Il s’exprime en course de montagne. Des efforts denses qui lui conviennent parfaitement et lui valent une première sélection en Equipe de France junior. Mais il ne quitte pas la piste et la route pour autant, aimant particulièrement les 800m, 1500m et 10 km.
Première étape : l’Equipe de France. « Quand tu es jeune tu en rêves, quand tu enfiles ta première tenue, tu es fier et un peu sous pression. Ensuite, c’est toujours avec envie et avec de plus en plus de pression…. Heureusement, lors de mes débuts, les seniors étaient sympas et nous aidaient à dédramatiser. Je n’oublierai jamais à quel point ils nous ont soutenus, il y avait Thierry Breuil dans le lot mais aussi Raymond Fontaine. Vous savez, lors de mon premier stage, on est parti à la Réunion, je n’avais jamais pris l’avion », commente t-il en riant.
Son amour des sentiers ne l’éloigne pas pour autant de la route et en 2002, l’espoir réalise 1h07mn30s sur semi-marathon. Il participe aux championnats de France à Saint Pol-Morlaix. « Je rate complètement ma course. Je suis revenu dépité en me disant que je ne serais jamais champion de France. C’était un constat, je n’étais pas assez fort. » Il reviendra sur la distance en 2013 lors du semi-marathon de Paris avec un chrono de 1h05mn53s.
Lorsqu’il raconte ce moment, Julien est comme à son habitude réaliste mais on perçoit quand même la frustration qu’il a dû éprouver. Il lui reste alors la montagne, le jeune homme est déterminé et grimpe sur la troisième marche du podium lors des championnats de France. « Je ne croyais pas en être capable ! » Il est alors sélectionné pour les mondiaux en 2003 « Une montée descente à Risoul. J’ai fait toute la descente avec une ampoule énorme, mes pieds partaient en lambeaux. Je n’ai jamais autant souffert…Je termine 25e et dans la même année, je valide mon DESS ».
Et c’est le début d’une deuxième étape. Diplôme en poche, il faut trouver du travail mais aussi opter pour un poste qui lui permettra de s’entraîner. Une alchimie pas si facile à trouver. Le jeune homme va alors de contrat en contrat et continue de vivre chez ses parents. « Ils ne m’ont jamais poussé dehors, ils étaient contents de m’avoir avec eux et j’étais content d’être là. Je donnais un coup de main à la ferme. »
Il officie depuis quelques années déjà dans une mairie lorsqu’il rencontre, Julia, sa compagne, une coureuse en montagne elle aussi. L’envie de créer « un truc » devient plus pressante. « Je commençais à me lasser de la fonction publique alors j’ai commencé en tant qu’auto-entrepreneur à faire du coaching. »
2011, opération changement
En 2011, une petite révolution s’opère dans la vie de Julien. « J’ai tout changé. J’ai pris la route de Chambéry et je me suis installé avec ma copine. A 30 ans, il était temps quand même ! Et je me suis lancé dans le coaching !»
Pour pouvoir vivre de son activité, Julien Rancon a besoin de 15 à 20 personnes « clients ». « On croit que c’est simple. On a une formation, la théorie, et une expérience d’athlète et on se dit que ça va aller. Au début, on essaye d’être le plus scientifique possible mais on s’aperçoit très vite que cela ne suffit pas. Il faut accompagner. On s’en rend compte assez rapidement. Il faut savoir écouter et s’adapter en fonction des personnes. Pas la peine de faire un programme 10x400m à quelqu’un qui n’a pas de piste à proximité ou qui, de toute façon, n’ira pas parce qu’il n’aime pas ! » Parmi ses clients, des traileurs et des routiers « tous ont un niveau correct voire très performant » avec notamment Sébastien Spehler depuis 2013 et Maud Gobert depuis cette année, tous deux sélectionnés en Equipe de France de Trail pour les prochains mondiaux qui se dérouleront à Annecy-le-Vieux, le 30 mai 2015 lors de la Maxi-Race. Car pour Julien difficile encore de prendre des coureurs qui ne sont pas dans une logique de compétition. « Je suis sûr que ce doit être passionnant d’accompagner des coureuses ou des coureurs qui sont dans la recherche de plaisir, uniquement dans le loisir, mais je n’ai pas encore cette approche. Il me faut encore apprendre. »
Car si Julien Rancon semble très doux et très calme, c’est aussi un teigneux capable de piquer de terribles colères par déception que ce soit vis à vis de lui-même (surtout) ou des autres. Son plus dur client ? Lui-même. « Je vais avoir parfois un peu la flemme d’analyser ce que je fais ou ce que je devrais faire. C’est vrai, je me connais mais il faudrait que je sois un peu plus….. C’est étrange en fait. J’aime la rigueur, ce qui est prévu, planifier, et je ne suis jamais à l’arrache. Et pourtant je peux parfois être très bordélique. Il suffit de regarder mon bureau, il n’y a que moi qui m’y retrouve et encore pas toujours. »
Sportivement 2013 et 2014 sont des belles années. En 2013, il remporte les titres de champion de France de course en montagne, et de trail court tandis que son « poulain » Sébastien Spehler glane (en autre) le titre sur trail long et surtout Julien Rancon obtient une belle médaille de bronze au championnat du monde de trail aux Pays de Galles (1er Français). Mais 2014, marque un peu plus les esprits avec une belle saison de cross, un chrono en 30mn26 sur 10 km à Cannes, un nouveau titre de champion de France de course en montagne, une 6e place aux championnats d’Europe (1er Français) sachant que deux semaines plus tard, il est au départ de Marvejols-Mende. « Je termine 11e et premier Français, heureux. Je voulais absolument, au moins une fois dans ma carrière, courir cette course. C’est une grande classique. Il faudra aussi que je fasse un marathon et j’aimerais aussi bien figurer sur Sierre-Zinal, au moins une fois. Après quatre participations, je ne parviens toujours pas à bien m’y exprimer. »
En attendant, il y a les mondiaux. Depuis le début de la saison, son entraînement est axé uniquement sur ce jour J. «Je n’ai encore jamais fait 80 km. C’est ma deuxième sélection en trail, je veux l’honorer. J’ai modifié mes entraînements, augmenté la durée de mes sorties, ajouté des séances de renforcement musculaire. Ce sera ma 21e sélection en Equipe de France en senior (23e en tout). J’ai toujours fait en sorte d’être au meilleur de ma forme, je ne vais pas changer maintenant. Représenter la France, porter le maillot, ce sont des moments importants dans la vie et là ce sera en France ! Ce devrait être encore plus fort d’autant que nous devrions avoir le soutien du public.»
Pour être fin prêt, Julien a effectué plusieurs reconnaissances du parcours en novembre et décembre notamment avec Nicolas Martin et durant le stage de l’Equipe de France qui s’est déroulé en avril. « Ce sera long, ça je m’y attendais. Ce qui m’inquiète le plus c’est la distance, je m’exprime mieux sur 60 km. Mais je donnerai tout et j’espère que nous ramènerons des titres que ce soit en individuel ou en équipe. Et ce d’autant que le plateau sera conséquent. Ce sera une vraie lutte et donc un beau titre avec une véritable valeur sportive. L’essentiel sera d’être prêt le jour J et surtout de franchir la ligne d’arrivée en ayant la certitude d’avoir tout donné. »
Du 100% Julien Rancon.
Sa carte de visite
Julien Rancon
Né le 18 novembre 1980 au Puy-en-Velay
Club : EA Grenoble
Team adidas trail
22 sélections en équipe de France
Champion de France de course en montagne 2007, 2012, 2013 et 2014; 2ème en 2008, 2010 et 2011, 3ème en 2003 et 2005
Champion de France De Trail 2011
Champion de France de Trail Court 2010 et 2013
Médaille de Bronze au Championnat du Monde de Trail 2013
Médaille de Bronze au Championnat d’Europe de course de montagne 2006, 4ème en 2010, 5ème en 2008, 6ème en 2012 et 2014
Vice-Champion du monde de Trail par équipe 2013
Championnat du Monde de course en montagne: 25ème en 2003, 12ème en 2005, 14ème en 2007, 40ème en 2008, 26ème en 2009, 32ème en 2010, 10ème en 2011, 22ème en 2012, 12ème en 2013, 17ème en 2014
Vainqueur du Challenge National de course en montagne 2006, 2007, 2008, 2010, 2014
5 fois médaille d’argent (2006 – 2007- 2008 – 2009- 2010) et 4 fois médaille de bronze (2005 – 2011 – 2012 – 2014) par équipe au Championnat d’Europe de course en montagne
Médaille de Bronze par équipe au Championnat du Monde de course en montagne 2005 et 2011
Victoires : Gendarmes et voleurs de temps, Montée du Grand Ballon, Gruissan Phoebus Trail, Trail du Ventoux, Nivolet-Revard, Pilatrail, Via Romana, Troféo Vanoni, Lyon Urban Trail…
Quelques photos