Pour bien courir, il est nécessaire de se servir de ses pieds comme d’une arme de précision dans les appuis au sol.
Pour bien comprendre, sachez qu’il existe trois phases du déroulé du pied, trois phases chères aux biomécaniciens et aux podologues. Ces phases de contact avec le sol sont le plus souvent modélisées et décrites en trois niveaux successifs :
- La phase de réception, d’attaque ou d’atterrissage,
- La phase de soutien, de stabilisation ou d’équilibre
- La phase de poussée, de propulsion ou de décollage.
Les différentes structures anatomiques du pied ont dans chaque phase un rôle parfaitement défini, souvent complexe et parfois contradictoire dans la réception, la stabilisation et la propulsion. Ceci explique pourquoi le pied du coureur est si difficile à comprendre et à traiter en cas de pathologie mécanique.
Le rôle de l’avant-pied et des métatarsiens
Lors des appuis au sol, l’amortissement passe en priorité par les quatrièmes et cinquièmes métatarsiens, c’est-à-dire le bord externe de l’avant-pied, puis le transfert de charge se fait par l’intermédiaire du troisième et du quatrième métatarsien vers le gros orteil, l’hallux. La propulsion se termine ensuite essentiellement par l’extension de ce gros orteil (voir schéma ci-contre)
Les différents métatarsiens ont un rôle de charnière entre le triangle statique d’équilibre du pied et le triangle dynamique de propulsion. Pour réaliser ce travail, les métatarsiens sont interdépendants et maintenus par un ligament qui est tendu de la face inférieure du gros orteil jusqu’à la face inférieure du cinquième orteil, le ligament inter-métatarsien profond (LTPM).
La plaque plantaire
La plaque plantaire est une épaisse couche de tissus fibreux qui stabilise l’articulation entre chacun des métatarsien et chacune des premières phalanges des orteils. Cette plaque plantaire a un rôle de stabilisation et de roulement, chaque plaque plantaire étant reliée aux plaques plantaires adjacentes par le ligament inter-métatarsien profond. Et pour rendre le tout parfaitement fonctionnel, l’aponévrose plantaire donne des expansions profondes qui s’insèrent sur les faces latérales des plaques plantaires mais aussi sur le ligament transverse inter-métatarsien profond. Simple, non ? Le fonctionnement du pied est une très globale mécanique de précision qui ne souffre pas du moindre à peu prés…
La plaque plantaire du deuxième métatarsien
Si les quatrièmes et cinquièmes métatarsiens peuvent facilement s’adapter car ils sont mobiles, les deuxièmes et troisièmes métatarsiens sont beaucoup plus fixes donc plus vulnérables. De ce fait, les atteintes de la plaque plantaire du deuxième métatarsien sont fréquentes. Lorsqu’ils abordent les douleurs de l’avant-pied, podologues et chirurgiens spécialisés dans les pathologies du pied utilisent le terme de syndrome du « deuxième rayon ». La longueur du deuxième métatarsien est un facteur de risque pour le déclenchement de ces pathologies : ainsi les coureurs qui ont un « pied grec » sont plus à risque que les autres pour souffrir d’une atteinte du deuxième rayon. Le pied grec consiste à avoir le second orteil de même taille ou plus long que le gros orteil du fait d’une longueur importante du deuxième métatarsien.
Mais les anomalies de longueur ne sont pas les seuls facteurs favorisant cette atteinte du deuxième rayon. Les anomalies de position des métatarsiens, l’hallux valgus, le pied creux peuvent aussi être responsables de douleurs de l’avant-pied.
Syndrome de la plaque plantaire : quels symptômes ?
Les coureurs vont souffrir de douleurs mécaniques à l’appui au niveau de l’avant-pied sous la tête du deuxième métatarsien. La marche pied nu et les chaussures trop serrées vont déclencher ou aggraver la douleur. Les femmes ne pourront plus porter de talons hauts car ce type de chaussage engendre un hyper-appui au niveau des articulations entre les métatarses et les phalanges notamment au niveau des deuxièmes et troisièmes rayons. La plus part du temps les douleurs vont survenir progressivement mais il est aussi possible que la rupture de la plaque plantaire se fasse de manière brutale à l’occasion d’un entrainement plus dynamique que d’habitude ou bien d’une compétition inhabituelle par sa longueur. Lorsque la coureuse, ou le coureur, consulteront un médecin ou un podologue, ceux-ci parleront de syndrome de surcharge ou de métatarsalgies statiques.
Sans traitement, quelle est l’évolution naturelle ?
Ce syndrome de la plaque plantaire évolue habituellement en quatre phases :
Quels sont les traitements possibles ?
Bien souvent les coureurs viennent consulter trop tard et il n’est plus possible d’envisager un traitement satisfaisant pouvant assurer la reprise de la course à pied. C’est l’objectif de cet article : faire passer l’idée qu’il est important de consulter assez tôt lorsque vous souffrez d’une douleur de l’avant-pied. Aux stades 1 et 2, lorsque les douleurs sont présentes mais que la plaque n’est pas encore rompue, le traitement médical est toujours possible. La mise au repos sans appui avec utilisation de cannes anglaises pendant trois semaines est incontournable. Les infiltrations de corticoïdes ne sont pas recommandées sauf si l’échographie montre une bursite associé (inflammation des bourses séreuses, petits sacs qui se situent entre deux structures musculo-squelettiques au niveau des articulations). La reprise d’appui se fera ensuite après passage chez un podologue qui confectionnera des semelles adaptées, une barre d’appui rétro-capitale sera le plus souvent mise en place.
La rupture de la plaque est le tournant évolutif de la maladie qui amène au stade 3, avec la survenue d’une subluxation. Il est important d’agir très rapidement à ce stade. Il s’agit d’une véritable urgence podologique dont le traitement est chirurgical.
Sans intervention à ce stade, la luxation sera ensuite permanente et la chirurgie ne pourra plus être envisagée. Le plus souvent la course à pied devra être abandonnée…
Syndrome de la plaque plantaire ou syndrome de Morton ?
Le syndrome de Morton est beaucoup mieux connu des coureurs que le syndrome de la plaque plantaire. En fait, c’est l’atteinte de la plaque plantaire qui déclenche le syndrome de Morton par irritation du nerf interosseux. L’utilisation de chaussures un peu trop serrées, en reproduisant la compression nerveuse, ne fait que révéler la lésion de la plaque plantaire. Il faut différencier le syndrome de Morton du névrome de Morton qui est un stade plus avancé de l’atteinte du nerf interosseux (lire Maladie ou syndrôme de Morton, la solution).
Syndrome de la plaque plantaire ou fracture de fatigue ?
Chez les coureurs à pied, une douleur de survenue brutale au niveau d’un métatarsien doit faire penser immédiatement à une fracture de fatigue. Quel que soit le niveau de la douleur, il est logique d’envisager rapidement radiographie et échographie. L’imagerie doit permettre de localiser la fracture de contrainte au niveau du corps du métatarse ou bien au niveau de l’articulation avec la phalange. Il peut être parfois nécessaire de faire un scanner : c’est sans doute le meilleur examen pour montrer le niveau de l’atteinte osseuse.
Conclusion
Le pied est une merveille architecturale et le pied du coureur est soumis à d’énormes contraintes. De nombreuses pathologies peuvent survenir au niveau de la face plantaire et toutes ces pathologies ne doivent pas être classées sous le terme trop vague d’aponévrosite… !!!
Soyez vigilants, écoutez vos pieds qui sont loin d’être bêtes et n’hésitez pas à consulter régulièrement un médecin ou un podologue du sport.