Comme expliqué dans l’article sur les tendinopathies calcanéennes ou achilléennes, toutes les douleurs du tendon d’Achille ne sont pas obligatoirement une tendinopathie.
La décision du traitement d’une douleur achilléenne d’un sportif doit donc être précédée d’un examen clinique et d’un examen échographique précis pour dire s’il s’agit oui ou non d’une tendinopathie.
Parmi les douleurs achilléennes du sportif qui ne sont pas des tendinopathies , citons :
Les péritendinites : le traitement de cette inflammation du péritendon est centré, bien évidement puisqu’il s’agit d’une inflammation, sur les anti-inflammatoires : traitement local (glace, gel anti inflammatoire, tissu ou pansement aux anti-inflammatoires, …), traitement général (c’est-à-dire anti-inflammatoire par la bouche) et le repos sportif de quelques jours. Généralement, ces péritendinites ont une évolution courte et l’on obtient assez facilement une guérison. C’est la douleur d’Achille « la plus sympathique » pour un sportif.
Les enthésopathies : le traitement est plus souvent centré sur une infiltration de la bursite pré tendineuse. En effet, dans cette maladie de la jonction entre le tendon (Achille) et l’os (calcanéum), il existe souvent une inflammation locale qui se manifeste par une poche liquidienne que l’on appelle bursite. Quand cette bursite existe, avec l’aide du guidage échographique, il faut la ponctionner et l’infiltrer. Généralement, les résultats sont bons et il ne faut pas hésiter à refaire ce traitement, 1 à 2 fois dans l’année. Mais parfois, ce conflit entre l’os et le tendon est chronique et il existe un échec à ce traitement local par infiltration. On aura alors recours, dans quelques cas, à la chirurgie. Cette chirurgie a pour but de rendre l’os moins agressif sur le tendon, même si cet os n’est pas déformé comme il est classiquement décrit dans la maladie d’Haglund (déformation de l’os calcanéum avec une protusion osseuse).
Mais, dans environ 60 à 70 % des cas, les douleurs du tendon d’Achille du sportif sont dues à une tendinopathie : maladie du corps du tendon. De nombreux traitements ont été et sont toujours proposés dans le cadre de ces douleurs. Comme toujours en médecine, si plusieurs traitements sont proposés, c’est qu’il n’y a pas un traitement, vraiment efficace, qui s’impose. Il faut donc être prudent et très critique sur les affirmations qui peuvent être données sur tel ou tel procédés thérapeutiques.
Quels sont ces différents traitements ?
- Le repos sportif ?
Certes l’arrêt de l’activité physique et sportive entraîne toujours une sédation des douleurs. Mais est-ce que cela permet une guérison de la maladie ? C’est discutable car les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets. Pourquoi imposer un repos de deux mois à un sportif si ce dernier reproduit la même douleur dès la reprise du sport, c’est-à-dire au 61ème ou 62ème jour ? Il n’est pas rare de rencontrer ce cas. Il faut donc s’interroger sur ce repos strict pendant une durée qui n’est pas vraiment déterminée sur des critères objectifs.
Il vaut mieux parler d’adaptation de la pratique sportive et diminuer, quantitativement et qualitativement, l’entraînement en fonction des douleurs de dérouillage, du matin, au réveil. Ces douleurs, lors des premiers pas, le matin, sont le véritable « thermomètre », outil de mesure, de la tendinopathie d’Achille. En effet, si un entraînement ne conduit pas à une augmentation de la douleur, du lendemain au réveil, on peut valider et autoriser cet entraînement. Inversement, si un entraînement déclenche, le lendemain matin, une douleur nettement supérieure et plus longue qu’un matin normal, il ne faut pas faire ce type de séance. Cette adaptation de l’entraînement semble la meilleure solution face à une tendinopathie du corps du tendon d’Achille notamment lorsque l’échographie ne montre pas de rupture partielle.
- Les médicaments ?
Les anti-inflammatoires souvent prescrits n’ont pas vraiment montré de grande efficacité dans la maladie tendineuse pure. La glace, par contre, doit toujours être appliquée après une séance d’entraînement. Rappelez vous : on ne fait jamais d’erreur en appliquant de la glace sur une zone douloureuse, à condition de protéger la peau (linge entre la vessie de glace et le tendon) pour éviter les brulures cutanées.
Les infiltrations de corticoïdes (cortisone), dans le tendon, sont absolument contre-indiquées.
- Les recommandations hygièno diététiques ?
Hormis une hydratation abondante (boire souvent en petite quantité), il n’existe pas vraiment de preuve que l’alimentation joue un rôle sur la pathologie tendineuse mécanique. Beaucoup d’articles sont écrits sur les aliments acides, en autres, qui auraient une part de responsabilité dans la cause ou la chronicité des tendinopathies … mais sans élément scientifique de bon niveau. Boire abondamment, oui, modifier de fond en comble son alimentation, non.
De même, dans le milieu du sport, on cite encore cette vieille hypothèse médicale qui date de plus de 30 ans : la carie dentaire est responsable des ennuis tendineux. Là encore, cette hypothèse n’a jamais été démontrée. Bien évidemment, les sportifs, comme toute personne, doivent avoir une hygiène dentaire parfaite et un suivi régulier chez un dentiste mais il y a beaucoup de coureurs qui ont des caries dentaires et qui ne souffrent pas du tendon d’Achille, comme de nombreux coureurs qui ont une dentition parfaite et qui souffrent de tendinopathie. Dommage, mais c’est ainsi, les preuves scientifiques et les croyances de terrain sont parfois en contradiction !
- La rééducation ?
Les étirements et notamment le travail excentrique du triceps sural (mollet) ont montré une efficacité certaine sur les tendinopathies corporéales du tendon d’Achille (nodule dans le corps du tendon). Il faut donc prendre l’habitude de toujours finir une séance par un étirement spécifique (travail excentrique) du triceps et du tendon d’Achille : mettre l’avant du pied sur un trottoir ou une marche d’escalier et descendre l’arrière du pied dans le vide, en contrôlant toujours cette mise en tension.
Les autres traitements type physiothérapie (ultrasons, ionisations, …) sont certainement de bons adjuvants mais sans efficacité réellement montrée.
Par contre, depuis quelques années, sont apparues les ondes de choc. Il s’agit en fait de « petits marteaux piqueurs » qui tapent sur le tendon douloureux. Ce traitement, fait généralement par des kinésithérapeutes qui sont équipés, semble vraiment adapté au nodule du tendon achilléen. Il faut faire entre 8 à 12 séances. Si les résultats sont nuls, il est inutile de poursuive et inversement on peut continuer au-delà de 12 séances si les progrès existent.
Donc globalement, le kinésithérapeute, par l’enseignement des étirements (travail excentrique du triceps sural) et le traitement par ondes de choc, est le partenaire indispensable d’un sportif qui souffre d’un nodule du tendon d’Achille.
- Les injections intra tendineuses ?
Nous avons déjà dit que les infiltrations intra tendineuses de corticoïdes sont contre indiquées car le risque de rupture du tendon, dans les suites de ces gestes, n’est pas nul.
Certains ont proposés des injections de Polidocanol. De quoi s’agit-il ? En fait, lorsque l’on fait une échographie, couplée au doppler, d’un tendon d’Achille qui souffre, il existe parfois une vascularisation de ce tendon. En effet, grâce au technique doppler puissance actuelle, on peut mettre en évidence des petits vaisseaux dans le tendon (dans un tendon normal, on ne met pas en évidence de vascularisation). Ces vaisseaux sont donc anormaux mais on ne sait pas encore vraiment s’il s’agit d’une tentative de guérison (l’organisme réagit en créant de nouveaux vaisseaux) ou la cause de la maladie (ce sont ces vaisseaux qui entrainent la douleur car ils sont accompagnés de nerfs responsables de la douleur).
Cette notion récente, de vascularisation d’un tendon qui souffre, est pourtant capitale et doit permettre dans le futur de mieux comprendre la pathologie tendineuse et son évolution.
Pour certains médecins, cette vascularisation est réellement pathologique et il faut « la faire disparaître ». Pour cela, comme pour les varices, ils injectent un produit (le Polidocanol) dans le tendon pour scléroser (fermer) ces vaisseaux. Cette solution thérapeutique est vraiment expérimentale et doit encore faire ses preuves. Donc prudence.
rès en vogue, depuis quelques mois, les injections de PRP sont également proposées dans les tendinopathies chroniques. De quoi s’agit-il ? Le but est d’injecter des facteurs de croissance, en quantité plus importante que naturellement, pour aider l’organisme à soigner la maladie. Ces facteurs de croissance sont normalement présents dans notre organisme et notamment dans le sang. On prélève donc du sang au patient (prise de sang classique) et on fait une centrifugation (tube de sang mis dans une centrifugeuse) pour séparer les différents éléments. On extrait alors une fraction, le PRP (Platelet Rich Plasma) qui est très riche en facteur de croissance. On injecte alors ce PRP (facteurs de croissance) dans le tendon pour tenter d’accélérer la guérison. Il s’agit donc des propres moyens de défense et de croissance du patient que l’on met en quantité importante (4 à 6 fois la normale) à l’endroit douloureux (ici le tendon) pour aider la réparation de ce tissu qui souffre.
Bien que le processus soit séduisant, intellectuellement parlant, les études ne montrent pas ou peu de bénéfice net, pour le moment. Mais il est certain que de nombreuses équipes de traumatologie du sport travaillent sur cette méthode et on saura dans quelques mois s’il s’agit d’un véritable médicament, efficace pour le patient qui souffre de tendinopathie chronique ou … d’une mode « poussée » par les laboratoires qui commercialisent cette technique.
Là encore, il faut savoir être critique et prudent d’autant que toutes les « manipulations » du sang doivent se faire dans des conditions très strictes d’asepsie et de sécurité.
Les autres procédés thérapeutiques type acupuncture, mésothérapie, ont une possible action positive, notamment sur la douleur, mais sans preuve scientifique franche. Malgré tout, comme simples adjuvants thérapeutiques, on peut les inclure dans une prise en charge globale d’une tendinopathie chronique.
- Enfin les fameuses chaussures et l’adaptation au sol ?
Pour le sol, le changement de surface peut être un facteur déclenchant (parmi beaucoup d’autres) d’une tendinopathie achilléenne. L’organisme n’aime pas les changements ! Courir sur le sable ou sur la route, ce n’est pas la même chose. C’est le changement entre ces deux surfaces, par exemple, qui peut être mauvais pour un tendon d’Achille.
Car, contrairement aux croyances classiques du milieu sportif, avec un bon équipement, la route n’est pas plus délétère que les chemins côtiers ou de montagnes.
Par contre, la course en descente est, biomécaniquement parlant, mauvaise pour les membres inférieurs. La charge est augmentée de 2 à 3 fois par rapport au poids du corps (par exemple, un coureur de 60 kg oblige ses membres inférieurs à amortir 120 à 180 kg supplémentaires à chaque foulée, en descente … c’est énorme).
Là encore, il faut donc être prudent et critique sur telles ou telles affirmations qui circulent dans le milieu de la course à pied.
Gardons le meilleur pour après : les fameuses chaussures et la semelle orthopédique !
Combien de fois n’ai-je pas entendu un patient me dire avoir déclenché ou inversement guéri sa tendinopathie d’Achille par de nouvelles chaussures ou par le port d’orthèse plantaire ? Pour plus d’informations sur ce point, lisez l’article « tendinopathie, chaussures et semelles, quels sont les liens ? » (LIEN !).
Conclusion
Le traitement d’une tendinopathie d’Achille est un ensemble de procédés thérapeutiques.
Il faut toujours :
- Adapter son entraînement (c’est capital)
- Boire abondamment
- Faire des étirements tous les soirs et en fin de séances (apprentissage chez un kinésithérapeute, éventuellement)
- Appliquer systématiquement de la glace après une séance de sport
Il faut parfois :
- Faire des ondes de choc (et éventuellement ajouter d’autres techniques de physiothérapie) chez un kinésithérapeute équipé de cette machine.
Il faut aussi (pourquoi pas ?) :
- Introduire d’autres petits moyens que nous avons cités (et d’autres que nous n’avons pas évoqués …) si le coureur se sent amélioré par un de ces procédés.
Il faut enfin :
- Attendre les progrès de la science pour vraiment comprendre cette pathologie où l’élément vasculaire est important.