L’acide lactique est ainsi défini : « produit du métabolisme anaérobie, en particulier dans les cellules du muscle squelettique » (Marieb, 1999).
Malheureusement, cette simple définition ne vous éclaire pas plus. Nous allons donc tenter de répondre à cette question de la manière la plus simple possible, en écartant les idées reçues qui sont de plus en plus diffusées.
Tout d’abord, dans le milieu sportif et notamment en athlétisme, on parle principalement d’acide lactique en référence au travail lactique des efforts courts et intenses sollicitant la voie anaérobie. Mais il ne faut pas mélanger les termes ! « L’acide lactique » ne signifie pas « lactates ».
La formule est la suivante : acide lactique (C3H6O3) = lactate (C3H5O3) + 1 proton (H+).
En effet, d’après une étude de Cazorla et Coll 2001 (Lactate et exercice : mythes et réalités), au cours de l’exercice court et intense, via la voie anaérobie, la glycolyse va dégrader le glucose en deux molécules d’acide pyruvique. La plus grande partie d’acide pyruvique sera transformée en acide lactique.
Dès sa formation dans la cellule musculaire, une molécule d’acide lactique sera entièrement dissociée en une molécule de lactate et en un proton. C’est ce proton qui est responsable de l’acidité dans le muscle et non l’acide lactique. Enfin, la glycolyse anaérobie permettra de produire 3 ATP (Adénosine Triphosphate : énergie utilisée par les cellules de l’organisme). Puis, au cours de la récupération, le lactate est métabolisé et non éliminé :
- 4/5 est oxydé par les fibres musculaires, par le myocarde (10%) et par les reins
- 1/5 est utilisée par le cycle de CORI* et le cycle de FELIG* pour reconstituer du glucose.
Le lactate est-il mauvais pour l’effort ?
Oui et non.
Point positif : la voie anaérobie (dit glycolyse anaérobie) fournit seulement 5% d’ATP par molécule de glucose. Plus exactement elle fournit 3 ATP. Cependant, elle produit de l’ATP environ 2,5 fois plus vite que la voie aérobie. C’est pourquoi c’est la voie anaérobie qui est sollicitée pour apporter de l’ATP rapidement lors des exercices courts et intenses.
En résumé, plus le coureur produira de lactates par unité de temps, plus il produira de l’ATP donc mieux il réussira sa performance, mais seulement s’il est « acclimaté » au travail lactique. D’ailleurs, « Il existe une forte corrélation entre la lactatémie et la performance au 400 m course. Ce n’est pas un hasard non plus si le guépard qui peut courir à 100 km/h est un très gros producteur de lactate » (Cazorla et Coll 2001)
Point négatif : il lui faut une grande quantité de glucose pour fournir de l’ATP et l’acidose intra musculaire est désagréable pour l’athlète.
Le lactate est-il responsable de crampes, courbature et de la fatigue musculaire ?
Cette question fait débat. Désolée de casser les idées reçues, mais le lactate n’est pas le seul responsable de ces douleurs.
- Les crampes : l’accumulation de lactates comme responsable de la survenue des crampes est une coïncidence. D’ailleurs on peut très bien avoir des crampes dans son sommeil. La survenue des crampes serait davantage due à un phénomène de déséquilibre d’excitabilité neuromusculaire.
- Les courbatures : ce sont des douleurs musculaires retardées. Elles arrivent 24h à 72h après l’exercice physique mais sans relation de cause à effet avec le lactate. En effet, les athlètes peuvent avoir des courbatures sans avoir fait des exercices sollicitant une concentration élevée de lactates. Les courbatures peuvent être dues à des microlésions et/ou microtraumatismes des tissus musculaires, une accumulation de déchets (ammoniac, H+ etc) et des petits épanchements de sang provoqués par rupture des capillaires sanguins. Le lactate est encore une fois accusé à tord !
- La fatigue musculaire : le lactate a un lien indirect avec la fatigue musculaire. En effet la fatigue musculaire est générée lorsque la production en ATP ne suffit plus à la demande du muscle. Il se produit alors des contractures car les têtes de myosine ne peuvent plus se détacher. A forte accumulation, le lactate et les déséquilibres ioniques peuvent induire une baisse du pH musculaire à l’origine d’une fatigue musculaire.
Le lactate n’est peut être pas le responsable des crampes, courbatures mais il faut le reconnaître : courir un 400m ou un 800m en état d’acidose est douloureux pour l’athlète. C’est pourquoi, il est important de développer la capacité de l’athlète à travailler en état d’acidose. Ainsi il développera sa résistance à la douleur. C’est pourquoi la récupération passive est souvent privilégiée lors des entraînements lactiques (cf tableau 3).
L’entraînement du travail lactique
Son but est d’habituer l’organisme à ressentir la douleur, à supporter la sensation d’inconfort lors de l’exercice, repousser les limites de la tolérance, et adapter l’organisme à l’acidose et à une concentration en lactate plus importante.
En résumé, le but de l’entraînement est de produire beaucoup de lactate dans un temps court et le métaboliser rapidement.
Les distances principalement concernées en athlétisme par le lactate sont le 400m, le 800m et le 1 500m.
Tableau 1 : Lactate et exercice court et intense | |
100m | 13-16 mmol/L |
200m | 18-20 mmol/L |
400m, 800m, 1 500m | 22-26 mmol/L |
5 000m | 13 mmol/L |
10 000m | 8 mmol/L |
Quelques notions d’entraînements pour construire un entraînement lactique : tout d’abord il faut distinguer la Puissance Anaérobie Lactique (PAL) et la Capacité Anaérobie lactique (CAL).
Tableau 2 : entraînement en CAL et PAL | ||||
Intensité | Durée | Répétition | Récupération Active ou passive* |
|
PAL | 140-160% VMA | 30s à 1mn | 1 à 2 séries de 2 à 4 répétitions |
Entre les séries : Active : 6 à 8mn Entre les répétitions : Passive : 2 à 4mn |
CAL | 90-130% VMA | 1mn à 3mn | 2 à 3 séries de 4 à 8 répétitions | Idem |
* Le choix de type de récupération dépend du but de l’entraînement. Vous pouvez alors choisir de ne faire que des récupérations passives ou seulement des récupérations actives. Mais il faut savoir que le but de la récupération passive est de rechercher à habituer l’organisme de l’athlète à une forte concentration de lactates. Tandis que la récupération active est de métaboliser rapidement le lactate (voir tableau 3)
Tableau 3 : Transformation du lactate après un exercice épuisant de 2mn | ||
Récupération active (entre 40 et 60% de la VMA) |
Récupération passive | |
50% | 6mn | 25mn |
75% | 12mn | 50mn |
88% | – | 1h15 |
100% | 30mn | 1h30 |
Important : l’entraînement aérobie améliore le transport du lactate à travers la membrane musculaire.
Pour conclure, l’acide lactique, le lactate, bref l’acidose est souvent montré du doigt mais stop aux idées reçues, ce n’est ni un déchet, ni une toxine. Il s’agit seulement d’une source d’énergie rapide pour les athlètes exerçant des courses courtes et intenses. D’autant plus qu’il se métabolise à l’arrêt de l’exercice par oxydation en étant capté par le foie, le cœur ou les reins pour être utilisé comme source d’énergie ou pour reconstituer du glucose.