Perspective santé : changez de regard sur l’hypoxie

Les professionnels de santé ont l’habitude de travailler avec des personnes dont le niveau d’exercice est réduit.

Qu’il s’agisse de réhabilitation (ex : retrouver de la mobilité) ou de réathlétisation (ex : après une blessure), ce travail va toujours dans le sens d’un retour progressif à une pratique normale.

 

 

Pour ce faire, l’exercice « mécanique » sur lequel ils s’appuient est allégé afin de modérer la charge exercée sur le corps. Le corolaire logique de cette moindre charge est cependant que le cœur, les poumons et les systèmes énergétiques du corps, entre autres, restent aussi en sollicitation minime.

 

Dans ce contexte, l’enjeu devient de réussir à trouver des astuces pour que la sollicitation « métabolique » du corps devienne élevée sans pour autant mettre en danger les tissus à risque. Autrement dit, stimuler le système cardio-énergétique d’une part, limiter les impacts à risque d’autre part. Une telle perspective possède d’énormes implications pratiques pour les sportifs blessés soucieux de maintenir leurs qualités autant que pour les personnes en besoin cathartique d’exercice mais limitées au niveau musculo-squelettique.

 

C’est dans ce contexte que le travail en hypoxie peut prendre un nouveau sens.

 

Usuellement adoptée par les compétiteurs pour optimiser leur préparation, cette stratégie qui consiste à réduire l’apport en oxygène aux tissus du corps présente aussi des avantages dans un cadre santé /réhabilitation / réathlétisation. Par exemple, on sait que 3 à 4 semaines de travail en hypoxie sont capables d’améliorer le niveau de masse grasse et l’activité de l’insuline de personnes en surpoids, davantage qu’en condition normale d’oxygène et, en plus, avec des exercices moins intenses et une sensation d’effort réduite.

 

Il est crucial de noter que les bénéfices de l’hypoxie semblent effectivement capables d’être obtenus quand bien même la contrainte mécanique est réduite. En d’autres termes, même si l’on baisse l’intensité d’exercice par rapport à des conditions standards, l’hypoxie induit un tel stress physiologique sur l’organisme que le résultat est quand même plus avantageux. Et sans que cela soit nécessairement perçu comme plus dur par la personne.

 

Cette logique est résumée sur le schéma ci-dessous : en hypoxie, un même niveau de sollicitation physiologique peut être obtenu avec moins de contraintes mécaniques.

 

Hypoxie sous-charge

 

 

Les individus intéressés par cette démarche peuvent alors opter pour 2 modes de travail distincts, selon les auteurs de cette stratégie de réhabilitation.

 

  1. Gérer à la sensation

C’est l’option recommandée pour les personnes avec des niveaux d’inconfort / de douleur assez nets pendant l’exercice. Il s’agira de calibrer l’engagement en gérant l’inconfort et, surtout, en oubliant le cardio. S’écouter plutôt que s’évaluer. Le cardio pourra néanmoins être utilisé rétrospectivement après la séance, en guise de suivi par exemple.

 

  1. Gérer au cardio

C’est le niveau d’après. L’idée est de fixer une intensité en termes de fréquence cardiaque et de s’y tenir. L’intensité mécanique pourra alors être inconfortable en début d’exercice mais elle déclinera progressivement à mesure que le corps se fatigue et s’échauffe. Ici, on peut d’ailleurs apporter quelques chiffres : en 2017, une étude montrait déjà qu’une semaine d’exercices réalisés à 15% d’hypoxie entrainait des adaptations similaires à celles d’un groupe en normoxie dont l’intensité mécanique avait pourtant été supérieure de plus de 25%.

 

Avec tout ceci en tête, les auteurs estiment finalement que l’on pourrait ainsi « éviter une surcharge excessive des tissus des membres inférieurs, ce qui permettrait d’atténuer le risque de récidive de blessure tout en permettant d’obtenir l’impact physiologique souhaité et de s’assurer que l’effort est bien toléré. »

 

Source : Girard et al. BJSM, Nov. 2020