La course à pied est plus qu’une passion mais un véritable « way of life » dont nos foulées rythment notre quotidien, les battements du cœur résonnant comme une musique intérieure, l’air que l’on respire devenant plus vital que jamais. « Tant que je cours je suis vivant » se plaisent à dire bon nombre de coureurs croisés ici et là, et ce quelque soit leur pedigree. Mais lorsque la blessure arrive ou qu’un mal inexpliqué nous ronge de l’intérieur, notre chère passion devient plus compliquée à vivre, voire impossible et on se morfond dans un sentiment d’injustice. On broie du noir espérant entrevoir au plus vite une porte de sortie. Cette phase de blessure est complexe à gérer car il n’y a pas de réponse unique mais elles sont multiples selon le type de pathologie, le niveau, sa pratique sportive et son vécu. Le premier conseil que nous vous donnerons sera celui d’aller consulter votre médecin et de poser rapidement un diagnostic afin de savoir à quelle sauce on va être mangé.
Pour mieux répondre à vos questions et tenter de partager vos incertitudes, nous avons demandé l’avis de spécialistes dont celui de Gilles Damalix, médecin du sport… et d’un kiné….
Le coureur blessé devra apprendre à s’interroger sur sa pratique. Que puis-je faire concrètement en cas de blessure ? Ai-je recours à des palliatifs ou à des pratiques parallèles ? Si le coureur de haut niveau est aujourd’hui un adepte de l’entraînement croisé, bon nombre de coureurs ont encore du mal à voir leur salut dans d’autres pratiques d’endurance. Si je ne peux pas courir, peut être puis-je faire du vélo, comme par exemple pour une talonnade ou un problème de hanche. Et quand bien même mon médecin m’interdisait les joies de la petite reine, il reste certainement la natation. En utilisant un pull-boy vous ne battrez ainsi pas des jambes et vous pourrez nager le crawl donc conserver un travail cardio-respiratoire général intéressant pour la course. L’aquajogging reste aussi une pratique parfois utilisée par les coureurs blessés grâce à l’aide d’un gilet lesté.
La musculation de certaines parties du corps peut aussi vous aider à tuer le temps, tout en maintenant une activité physique minimale selon bien sûr la teneur de votre blessure. Le travail de renforcement de la ceinture abdo-lombaire, trop peu souvent effectué par le coureur à pied, est essentiel. Posséder un bon gainage abdominal est primordial pour transmettre efficacement la force entre les différentes chaînes musculaires et avoir une foulée efficiente et économique.
Apprenez donc à penser entraînement croisé lorsque cela vous est permis.
« Si vous ne pouvez pas voler, alors courez. Si vous ne pouvez pas courir, alors marchez. Si vous ne pouvez pas marcher, alors rampez. Mais quoi que vous fassiez, continuez d’avancer. »
– Martin Luther King, Jr.
Si votre blessure vous conduit à une coupure totale, profitez de votre temps libre pour découvrir d’autres horizons. Et si vous avez du mal à vous éloigner du monde de la course à pied, instruisez-vous sur le domaine : la diététique, les méthodes d’entraînement, les étirements, tout ce qui pourra vous aider à terme à optimiser votre pratique. La coupure totale est évidemment lourde de conséquences sur le plan psychologique. Il faudra apprendre à l’accepter et ne pas être dans le déni ou tenter une quelconque négociation avec son médecin. Vivre avec votre blessure vous permettra d’optimiser votre réathlétisation et vous serez plus fort pour revenir rapidement à votre niveau.
Côté Entraînement
Sachez revenir en douceur en respectant les lois de la progressivité et ménagez-vous des temps de repos. N’essayer pas de refaire les charges d’entraînement que vous faisiez jadis mais mettez vous dans la position d’un débutant. Si même Julien Chorier nous avoue repartir sur des petits footings de 20 min à 10 km/h alors qu’il est capable de remporter la diagonale des fous, vous devez vous aussi savoir reprendre le sport avec parcimonie. Ecoutez votre corps, utilisez le cas échéant un cardio-fréquencemètre pour éviter le surrégime, privilégiez les terrains souples (sous-bois, chemins, terrains herbeux), alternez marche et course mais surtout pensez à revoir régulièrement votre médecin.
Ne lésinez pas sur les séances de kiné à fortiori lorsque celles-ci vous sont prescrites par votre médecin, une bonne reprise se fera d’autant mieux si votre rééducation s’est fait avec sérieux et régularité. Le travail de proprioception est gage de réussite surtout dans le cas des entorses.
Restez en alerte et écoutez les signaux de votre corps qui pourraient traduire une éventuelle rechute ou une nouvelle inflammation liée à votre blessure. Ne soyez pas masochiste mais réaliste.
« La douleur est inévitable, la souffrance est optionnelle ». Proverbe bouddhiste. Rappelé par Murakami dans son livre « autoportrait de l’auteur en coureur de fond ».
Enfin n’oubliez pas que si la course à pied vous aide à vivre positivement au quotidien, il n’y a pas que ça dans la vie et qu’il y a toujours d’autres chemins à parcourir.
L’avis du médecin
Pour vous aider, le Docteur Gilles Damalix, médecin de la Ligue Rhône Alpes de Triathlon, et médecin du comité de Basket de la Savoie, nous dresse une synthèse des principales pathologies du traileur et des bonnes habitudes à adopter :
« Chez les traileurs les pathologies rencontrées sont essentiellement des complications de « surutilisation » de l’appareil locomoteur, en particulier des tendinites, Les problèmes médicaux dont souffrent les participants d’une épreuve d’ultra -trail sont aussi variées ; exemple une étude sur l’UTMB en 2009 (R. Blondel) : orthopédiques 42 %, cutanées 19 % (dermabrasions), digestifs 18 % (douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhées), métabolique 15 %, (fatigue extrême, hypothermie, déshydratation, hypoglycémie, lipothymie, malaise vagal, hyponatrémie avec très peu d’urgences graves mais à ne pas négliger sur les longues distances).
Une autre étude menée sur la Diagonale des Fous en 2012 (M, Dujardin) confirme que les blessures les plus fréquentes en trail sont à 18 % des entorses de chevilles et à 14 % des tendinites du genou.
Les différentes études épidémiologiques confirment l’augmentation des blessures orthopédiques de « surutilisation » avec l’augmentation des distances. Cette tendance générale des traileurs, y compris les pratiquants les moins entraînés à participer à des courses de type ultra en distances, mais aussi en dénivelé, n’est pas anodine en termes de santé. J’insiste donc sur l’intérêt d’une bonne préparation à la fois qualitative mais aussi progressive avant de se lancer sur des distances importantes, même si pour la FFA, un trail de moins de 42 km reste classé comme « trail court » !
Quant à l’entorse de cheville, l’ennemi numéro un des traileurs, je conseille surtout aux pratiquants de ne pas la négliger : le traitement doit toujours être bien conduit, même pour une entorse dite simple, ce qui est jamais vraiment, le cas pour un coureur à pied, comportant une phase de repos, plus ou moins immobilisation, puis une phase de réadaptation. La phase de réathlétisation après une entorse de cheville est fondamentale et personnellement, je propose au sportif blessé, un plan d’action détaillé sur un agenda précis (lui remettre un plan d’action écrit est plus utile qu’une simple ordonnance d’anti inflammatoire, d’ailleurs pas toujours nécessaire : cela permet de mieux respecter les consignes mais aussi de reprendre l’activité sportive progressivement, en diversifiant la pratique. Le triathlon et les autres disciplines enchaînées, permettent cette variation : recommencer par de la natation puis du vélo en alternance avec de la rééducation spécifique, permet au sportif de ne pas rester au repos trop longtemps et c’est à la fois intéressant pour une meilleure cicatrisation ligamentaire mais aussi pour le moral.
Il faut s’appuyer sur les kinésithérapeutes du sport, afin de se faire aider dans son programme de réathlétisation, personnalisé, sans faire d’erreur et bénéficier de nouvelles techniques de réadaptation, plus adaptées que le simple travail de proprioception sur plateau de Freeman : rééducation proprioceptive en méthode alternative, renforcement dynamique des muscles éverseurs, renforcement dynamique avec des appareils type Myolux° ou autres.
Le sportif doit aussi consulter son médecin du sport afin de réaliser le bilan de son entorse cheville, souvent synonyme d’instabilité chronique, soit mécanique par les lésions associées, soit purement fonctionnelle avec la répétition des entorses, afin de corriger cette instabilité et d’éviter la récidive, qui au fil du temps provoquera une arthrose précoce. Il faudra corriger cette instabilité, avec l’aide parfois des podologues ou parfois simplement en améliorant sa technique de foulée, sa chaussure….
Pour résumé, l’entorse de cheville est toujours sérieuse chez le traileur mais des solutions existent en s’aidant de professionnels habitués aux sportifs. Les blessures font certes partie de la vie du sportif mais bien prises en charge, elles ne doivent pas empêcher de poursuivre le sport, qui reste bénéfique pour la santé. Ne pas désespérer ni perdre le moral, le temps des immobilisations et des arrêts longs est révolu, sous réserve que l’on accepte de diversifier son activité, d’essayer d’autres sports et de respecter les consignes des professionnels de santé formés. »
Retrouvez ici le Dossier Spécial Gestion de Blessure – Témoignages de Coureurs d’Élite
Voici un article très intéressant sur Entorse de la cheville : définition, soins et rééducation : http://www.lepape-info.com/sante/entorse-de-la-cheville-definition-soins-reeducation/