3 heures du mat’. C’est brutal. Je n’aime pas ces réveils précoces qui coupent la nuit. Le sommeil est trop précieux chez le sportif. Mais le timing imposé par la course OCCITANE 6666 nous oblige à rejoindre la navette à 3h45. Je prends place aux côtés de mon camarade Luca Papi. Une heure plus tard nous rejoignons Vailhan, site du départ. Je finis mon gâteau de l’effort et engloutis du quatre-quarts ainsi qu’une banane. Un café léger pour compléter et une demi-heure après, me voici sous l’arche. C’est parti ! Sous les encouragements de notre animateur préféré, Ludovic Collet.
La Garrigue est belle. Il fait un temps superbe et les odeurs des collines m’assaillent au petit matin. Bouquets de thym que j’émiette avec ma foulée. Les premiers kilomètres sont roulants. La suite le sera beaucoup moins.
Fougères km 18,8. Je n’ai que 30 minutes d’avance sur les barrières horaires. C’est chaud. Je cumule un nouveau pépin : mon bidon est inutilisable, la pipette s’est brutalement coupée. Impossible de boire. Je gère avec un bidon sur deux.
Le Pic Coquillade (27,5 km) est passé sans trop de difficultés. En revanche, je trouve la descente bien exposée au soleil. Je parviens au PC de Lamalou les Lhermes après une descente en rappel qui m’arrache enfin un sourire. Je m’attends à tout sur le parcours. Le ravitaillement est quasi désert. Quelques coureurs essaient de retrouver des forces. 45 minutes d’avance sur les barrières horaires : je m’octroie 10 minutes de pause assise sur une chaise, dans un courant d’air qui fait du bien. J’ai faim et je suis déshydratée car limitée à un bidon de 750 ml. Je récupère un bidon de 500 ml. Mon autonomie en eau se retrouve à 1,250 l. C’est mieux que rien. Je repars, restaurée, rafraîchie et confiante pour attaquer le Madale. Le pic est rude et sa descente directe sur Colombières finit à nouveau de me dessécher. Le passage à une fontaine et son eau bien fraîche, à deux kilomètres du PC, me redonne la vigueur nécessaire pour rallier le ravitaillement. L’eau, c’est la vie !
Colombières 49 km. Avec 1 h d’avance sur les barrières horaires, je savoure la joie de retrouver nos amis podologues. Pierre Lapègue, Cécile et Mélanie forment une chouette équipe autour des coureurs. En un instant je suis prise en mains, massée, restaurée et sous leurs encouragements je relance, reboostée vers La Fage, après avoir longé le magnifique site et ses belles gorges, les chutes et larges vasques d’eau qui invitent à la détente… dans une autre vie peut-être ! Que cette ascension est longue, mais longue… Enfin le point d’eau de La Fage. Atteint péniblement en 1h30. Les rochers à enjamber qui jonchent le parcours pourtant ombragé me transpercent. J’ai mal partout, je suis épuisée avec cette chaleur. Il y a en tout 800 m D+ pour passer le plateau du Caroux. Tenir…
La Fage, pause chaise de cinq minutes. Coca, eau fraîche dans le bidon, je repars. Le plateau du Caroux est atteint en 1h. Je trottine à nouveau, m’extasiant sur la beauté des lieux. C’est magnifique. Les couleurs estivales font merveille sur mon mental. Je vais bien. Je cours à petites foulées certes mais je cours. Et je note le raffinement extrême de l’Occitane : les bruyères sont de la même couleur que la rubalise 6666 ! J’en profite pour remercier Antoine Guillon et son poseur de rubalise, pour ce travail bien fait et pro. Aucun risque de se perdre.
J’arrive au terme du plateau. La balade est finie et je… plonge. Littéralement, happée par cette descente infernale. Un mélange de Corse et du Grand Raid de la Réunion. Des douleurs se localisent par un moment sur un point précis. J’évacue. Les pensées négatives surgissent. Pas le moment. Concentration. Je peste intérieurement car bien ralentie par ces plaques de schiste. Sable et feuilles sèches les rendent dangereuses. Les stigmates de La No Finish Line Paris (score de 302 km) font que j’explose alors en pleine descente. Je vis un vrai calvaire avec une contracture au quadriceps droit. Je perds deux heures. Et très nettement j’entrevois la suite. Je calcule, je soupèse, j’évalue. Encore y croire. La fin de la descente est un gros soulagement. Et la relance se fait à nouveau. Mais le moteur est cassé. Je monte plus lentement dorénavant et… je croise Yvon : pause sieste ou malaise ? Solidarité du traileur, élan du cœur dans la difficulté du parcours, je lui pose la question. En fait les deux. Yvon souffre de troubles digestifs. Sa stratégie pour gérer : faire du fractionné (repos/relance/repos….). Nous nous retrouverons un peu plus loin. Pour l’heure, j’enchaîne les pauses régulières et réflexions. Je sens ma course compromise malgré une hydratation régulière et une perfusion énergétique quasi continue (boisson au goût menthe glaciale, gels, barres, pâtes de fruits). Je tape sec dans mes forces. L’Occitane, comme annoncé, est ENERGIVORE !
Aux trois quarts du sommet, Yvon me rejoint. Je suis ravie de le retrouver. L’avancée devient conviviale et nous discutons de la problématique digestive. Je lui donne quelques conseils. Nous sommes conscients d’être hors limite pour Mons. Je le sais. Yvon également. Il reste 1h30, 300 m de dénivelé positif, 500 m de dénivelé négatif, trois petits kilomètres de rien du tout. Mais la descente Esquino d’Aze du Caroux m’a « TUER ».
Saint Martin, 60,6 km/3 000 m D+ : je suis allongée à même le sol. Je me laisse complètement absorber par la contemplation du ciel. Il est 21 heures je suis bien, apaisée. Je n’ai pas de regret. Je suis lucide. Le manque de fraîcheur est impardonnable sur cette course que je qualifie à ce jour de la plus belle mais la plus difficile, code rouge attribué pour un vrai et beau challenge. Il faut l’entraînement, la condition physique et la fraicheur adéquats pour parvenir à bout de la 6666. L’année prochaine…
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